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24 septembre 2024 — Frédéric Léolla

Sexe et opéra iii. : adultère et infidélité

Une petite note par Frédéric Leolla

La primadona Giuditta Pasta (1797-1865), dans le rôle de Desdemone.La primadona Giuditta Pasta (1797-1865), dans le rôle de Desdemone.

Que serait le répertoire d’opéra sans l’adultère ?

En effet, dans l’opéra, la femme adultère ou la femme injustement accusée d’infidélité sont souvent des personnages attachants auxquels spectateurs et spectatrices peuvent s’identifier. Ce qui veut dire, pour les librettistes, une mine de situations pathétiques et dramatiques et pour les compositeurs autant de stimuli à leur imagination musicale.

Dans l’adultère il y a des sous-catégories, différents cas de figure qui permettent de deviner, à travers les modes opératiques, une certaine évolution de la société : adultère avec ou sans mort à la fin, vrai adultère ou fausse accusation d’adultère, adultère de l’homme ou adultère de la femme, adultère avéré ou adultère seulement désiré…

Est-ce l’Otelo de Rossini qui a lancé la mode des « fausses accusations d’infidélité » ?

Et la pauvre Desdémone, faussement accusée, pleure sur la chanson du Saule, déjà présente dans la version shakespearienne.

Gioacchino Rossini, Otello, « Assisa a' piè d'un salice... M'ascolta... Deh calma, o ciel nel sonno... », Montserrat Caballé, Orchestra della RCA Italiana, sous la direction de Carlo Felice Cillario, 1968-1970.

Le fait est que ce thème est devenu un des grands classiques de l’opéra de la première moitié du xixe. Et Donizetti et les autres compositeurs de son époque, à partir du grand succès de son Anna Bolena, s’en sont donnés à cœur joie avec leurs librettistes. Pour preuve Lucrezia Borgia (Donizetti/Romani) où le mari jaloux prend les sentiments maternels de sa femme pour des sentiments amoureux, Beatrice di Tenda (Bellini/Romani), voire Poliuto (Donizetti/Cammarano) — bien qu’ici le sentiment chrétien fasse naître le miracle, comme de bien entendu — tous étant basés sur des événements historiques — sur « des faits réels » dirait-on aujourd’hui. Sans compter les « fausses accusations d’infidélité » qui peuvent paraître épisodiquement dans d’autres opéras — de la Luccia di Lammermoor du même Donizetti avec Cammarano, jusqu’au Don Carlos (Verdi/Du Locle et Méry).

En outre, le schéma vocal et théâtral est très proche : soprano dramatique de colorature pour la femme, basse-baryton pour le mari jaloux et « ténore di grazia » pour l’amant éperdu et pourtant chaste — sauf dans le cas de Poliuto, bien sûr, où les rôles sont inversés et le jaloux est gentil puisque chrétien.

Voici par exemple le finale de l’acte II de Poliuto où le protagoniste, abusé, croyant sa femme infidèle, lui demande de le laisser mourir en paix

Gaetano Donizetti, Poliuto, acte II. « Lasciami in pace morire », Maria Callas, Ettore Bastianini, Franco Corelli, Nicola Zaccaria, Piero de Palma, Rinaldo Pelizzoni, Coro e Orchestra del Teatro alla Scala, Milano, sous la direction d'Antonino Votto (1960).

Mais si pendant la première moitié du xixe siècle l’enjeu dramatique tourne autour des accusations infondées d’adultère, à partir de 1845 les protagonistes opératiques commencent à devenir des femmes « plus ou moins coupables ».

En effet, si au début, l’accusation d’infidélité n’est pour le mari fou ou méchant qu’une façon de se débarrasser de sa femme (Anna Bolena de Donizetti/Romani, Beatrice di Tenda de Bellini/Romani…), à partir de Parisina de Donizetti/Romani (qui par ailleurs ne reçut pas le succès escompté, peut-être à cause de cette nouveauté), et surtout à partir de Verdi, Offenbach et Wagner, la femme devient coupable, de pensée ou de facto. Pourtant elle ne devient que plus attachante. Moins figée dans son carcan, plus humaine.

C’est le cas des Lina de Stiffelio, Francesca (Francesca da Rimini), Mélisande (Pelléas et Mélisande), Katerina Ismaislova (Lady Macbeth du district de Mtsensk), Marie de Wozzeck ou Katia (Katia Kabanova) entre autres.

Certes, presque toutes les femmes citées meurent à la fin, mais au moins l’interdit sexuel, si « puni », n’aura pas pour autant été contemplé de façon méprisante ou sans compréhension.

III. 1. Incoronazione di Poppea (Le couronnement de Poppée)

III. 2. Ercole Amante (Hercule amoureux)

III. 3. Le nozze di figaro (Les noces de Figaro)

III. 4. Rosmonda d’inghilterra (Rosemonde d’Angleterre)

III. 5. La Battaglia di Legnano (La Bataille de Legnano)

III. 6. Stiffelio

III. 7. Un Ballo in maschera (Un Bal masqué)

III. 8. La Belle Hélène

III. 9. Tristan und Isolde (Tristan et Isolde)

III. 10. Die Fledermaus (La chauve-souris)

III. 11. La Gioconda

III. 12. Cavalleria rusticana (Honneur paysan)

III. 13. Pagliacci (Clowns)

III. 14. Werther

III. 15. Fedora

III. 16. Griselidis

III. 17. Pelléas et Mélisande

III. 18. Adriana Lecouvreur

III. 19. Der Rosenkavalier (Le chevalier à la rose)

III. 20. Parisina

III. 21. Francesca da Rimini

III. 22. Il Tabarro (La houppelande)

III. 23. Katia Kabanova

III. 24. Dédé

III. 25. Lady Macbeth de Mtsensk

[Sexe et opéra : table des matières].

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24 septembre 2024
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