Parisina, 2e acte, Théâtre Royal Italien, Le monde dramatique, 1868, lithographie de Jean-Baptiste Julien Caboche.
Musique de Gaetano Donizetti, sur un livret de Felice Romani d’après le poème de Lord Byron, créée en 1833, Florence, Teatro della Pergola
Musique de Pietro Mascagni, sur un livret de Gabriele d’Annunzio d’après le poème de Lord Byron, créée en 1913, Milan, Teatro alla Scala.
Le sujet est essentiellement le même dans les deux opéras, tirés d’un même fait historique : Ugo, fils du duc Azzo (ou du marquis Nicolò dans la version de Mascagni/d’Annunzio) est tombé amoureux de Parisina, la nouvelle femme du duc/marquis. Les amoureux mourront par la rigueur du duc/marquis.
Mais, dans la version de Donizetti/Romani Parisina n’a jamais « fauté », elle est amoureuse certes d’Ugo, mais ils n’ont même pas échangé un baiser. Dans la version de Mascagni/d’Annunzio, l’acte II finit avec le baiser sulfureux d’Ugo et Parisina, et l’acte III sur l’attente de l’amant par Parisina — une structure très similaire à celle de Francesca da Rimini (Zandonai/Ricordi d’après d’Annunzio). Dans l’opéra de Donizetti, les deux amoureux essaient d’éviter le sexe et essaient de retrouver « l’amour fraternel de leur enfance », dans l’opéra de Mascagni il en est tout autrement…
Que s’est-il passé ? Simple évolution de mœurs ?
Oui. Et aussi l’influence d’un chef d’œuvre, le Tristan et Isolde de Wagner, qui avec ses deux amants tragiques et « coupables » a marqué au fer rouge plusieurs générations opératiques après lui. Le livret de d’Annunzio, avec son signal lumineux pour l’amoureux et l’attente de l’amante (acte III) rejoint celui de Wagner par certains côtés, sauf que chez l’Italien l’amante est pleine de remords, presque délirante, tourmentée (c’est encore le cas de la Francesca da Rimini).
D’un point de vue musical, la Parisina de Donizetti a de très beaux passages qui montrent bien l’intérêt que le compositeur a porté à cette partition — intérêt dont est preuve aussi la prestigieuse distribution de la première florentine, avec Caroline Ungher et Gilbert Duprez. Une partition en somme qui mériterait des honneurs plus fréquents sur les scènes actuelles.
Musicalement, bien sûr, la Parisina de Mascagni est très proche, encore une fois, de la Francesca da Rimini de son élève Zandonai, avec son orchestre rutilant, opulent, assez typique de cette époque, née aussi de l’influence wagnérienne. Mais le sens mélodique est tout de Mascagni. Et de ce fait, sa Parisina, certes trop longue pour les goûts du public de l’époque, est de par ses belles phrases, de par son climat capiteux, de par son originalité dans le paysage de l’Italie 1900, une des plus belles réalisations d’un compositeur qui mériterait un meilleur sort dans les programmations actuelles.
Gaetano Donizetti, Parisina d'Este, acte II., « Sogno talor di correre », Ann Taylor (mezzo-soprano), Carmen Giannattasio (soprano), Geoffrey Mitchell Choir, London Philharmonic Orchestra, sous la direction de David Parry.
Frédéric Léolla
31 octobre 2024
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