26 septembre 2024 — Frédéric Léolla
Le couronnement de Poppée
Sabina Poppæa, huile sur toile, anonyme, école de Fontainebleau, 1550-1560.
Musique de Claudio Monteverdi, livret de Giovanni Francesco Busenello, créé en 1642 au Teatro Santi Giovanni e Paolo à Venise.
L’opéra comme genre avait à peine 50 ans lorsque Monteverdi — sans doute secondé par un atelier de musiciens, comme il était le cas pour les artistes-peintres, comme il est encore le cas pour les artistes-cuisiniers — nous livra un chef d’œuvre absolu en même temps qu’un O.V.N.I. : L’incoronazione di Poppea.
L’originalité des personnages, leur vérité, l’a-moralité de la trame et de la résolution sont telles, soutenues par une des plus ravissantes musiques qui n’aient jamais été composées, que nous pouvons dire sans peur de nous tromper que L’incoronazione di Poppea n’a pas d’égal dans tout le répertoire.
On y parle — bien évidemment — de sexe. Pas que, bien sûr. Sont traités aussi le pouvoir, la fidélité (pas qu'amoureuse), la mort, richesse et pauvreté, beauté et laideur, fatalité et lutte pour obtenir ce que l’on veut…
Mais en ce qui nous concerne, l’adultère est l’enjeu autour duquel gravitent personnages et intérêts.
Nerone, qui aime Poppea, s’ennuie de sa femme légitime Ottavia. Celle-ci veut supprimer sa rivale. Mais Poppea, qui ne se laisse pas faire, intriguera et se servira de ses charmes auprès de Nerone jusqu’à obtenir l’exil d’Ottavia et son propre couronnement comme impératrice — d’où le titre.
Non seulement la « destructrice du ménage » n’est en rien une sainte, mais en plus c’est celle-ci qui l’emporte. Ottavia, la femme légitime, par ailleurs, n’est pas une sainte non-plus. Ni Nerone, ni Seneca, ni les nourrices, ni les soldats, ni, ni, ni. Pas de gentils ni de méchants, seulement des êtres humains avec toutes leurs qualités et tous leurs travers, orgueil, colère, impatience, peur, dépit, résignation, mesquinerie, veulerie, allégeance au pouvoir, j’en passe et des meilleures.
Il en résulte un livret sensationnel et, de par une musique merveilleuse et merveilleusement théâtrale, une des œuvres majeures du répertoire, une des œuvres majeures de la musique, et peut-être même une des œuvres majeures de la civilisation occidentale.
Non, je n’exagère pas.
Nerone fait finalement couronner Poppée : Amore « triomphe ». Il tient Poppée dans ses bras tandis que Poppée caresse la couronne. Final du film L'incoronazione di Poppea (1979) de Jean-Pierre Ponnelle, avec Rachel Yakar, Eric Tappy, Trudeliese Schmidt, Matti Salminen, Janet Perry, le Concentus Musicus, sous la direction de Nikolaus Harnoncourt. filmé à l''Opéra de Zürich. Frédéric Léolla
26 septembre 2024
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