Musique de Giuseppe Verdi, sur un livret de Francesco Maria Piave d’après Le pasteur ou l’Evangile et le foyer, pièce d’Émile Souvestre et Eugène Bourgeois, créé en 1850, Trieste, Teatro Grande.
Il y a parfois des chefs d’œuvre qui à leur époque n’ont pas eu de succès et qui, de ce fait, peinent à faire carrière après. C’est le cas de Stiffelio. Un compositeur renommé (pas de saison d’opéra sans au moins un Verdi à l’affiche), un livret intelligent et cohérent (une fois n’est pas coutume!), une musique inspirée de bout en bout, des situations fortes … eh bien non, Stiffelio n’est que très rarement programmé. Hélas.
Nous ne sommes pas loin de l’atmosphère des Senso de Camillo Boito puis de Luchino Visconti.
Ici l’adultère est au centre du conflit. Adultère avéré de la femme mariée, Lina, présentée en pécheresse repentante selon la tradition qui découle de La favorite de Donizetti, mais avec un ensemble de nuances (peur d’être découverte, passion « coupable », amour profond pour son mari, sensation de culpabilité, repentance…) qui font de ce personnage un des plus riches psychologiquement de la galerie verdienne (ce qui n’est pas peu dire).
Le personnage principal, le mari « trompé », a aussi une évolution psychologique importante (du pardon généreux lorsqu’il croit qu’il n’est pas atteint, au pardon « difficile » lorsqu’il constate que l’adultère c’est sa propre femme).
Sans oublier le père, Stankar, un beau rôle de baryton préfigurant le vieux Miller et le « povero Rigoletto » du même Verdi, incarnant à la fois la pression sociale (la honte de savoir que sa fille devra sans doute quitter la bonne société) et le « deus ex machina » (il se chargera de tuer le séducteur, ouvrant la voie à une fin moralement acceptable pour le public de l’époque).
Cet intérêt du Verdi du début des années 1850 pour les femmes « qui ont fauté » (Violetta Valéry de La Traviata, Lina de Stiffelio) est-il à mettre en relation avec la confirmation de sa relation – très mal vue par la société provinciale — avec l’ex-chanteuse Giuseppina Strepponi ?
À noter aussi que la femme est ici considérée comme une victime innocente face au séducteur, Raffaele. Ce n’est pas elle la « méchante ».
À noter aussi le vieux pasteur Jorg (basse) et les choeurs qui permettent de donner un visage à cette pression sociale.
Remarquons, finalement, que le fait que Stiffelio soit un pasteur donne lieu à des scènes fortes (la femme qui demande de l’entendre en confession « non au mari, mais au pasteur », le pasteur qui pardonne sa femme au temple, en citant la Bible…), situations que Verdi, en musicien de théâtre et en fin commerçant, recherchait avec gourmandise.
Giuseppe Verdi, Stiffelio, acte I., scène 2, « Dite che il fallo a tergere » ; « Ed io pure in faccia agli uomoni », Sharon Sweet et Vladimir Chernov. Frédéric Léolla
1er octobre 2024
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