Káťa Kabanová, Oper am Rhein, 1996, mise en scène de Stein Winge, décors et costumes de Timian Alsaker, direction musicale de Hans Wallat, Clary Bartha (Katia), Christian Papis (Boris Grigorievitch).
Musique de Leoš Janáček, sur son propore livret, d’après L’Orage d’Alexandre Ostrovski, traduit par Vicenc Cervenka, créé en 1921, Brno, Théâtre National.
La douce Katia est psychologiquement harcelée par sa belle-mère, Kabanicha, qui tyrannise son propre fils, incapable de lui faire face. Celui-ci part en voyage d’affaires et la belle-mère n’en devient que plus insupportable. Ce qui pousse la rêveuse Katia à l’adultère avec Boris. Mais torturée par les remords, Katia avouera tout à son époux et à sa belle-mère, et finira par se suicider en se jetant dans le fleuve.
L’adultère ? Le mari veule ? La belle-mère tyrannique ?
Non, pour moi, la seule raison du suicide de Katia c’est elle-même, son éducation, son carcan religieux. Katia ne trouve refuge que dans la religion, c’est aussi par le biais de la religion que la pression sociale se fait sentir sur Katia : elle est prise au piège. Prise au piège des médisances, au piège de la famille, au piège des convenances sociales. Contrairement à Jenufa (Jenufa de Janáček), qui trouve l’appui de Laca et avait trouvé l’appui de la Sacristaine, Katia n’a pas un appui assez solide. La seule consolation qu’elle croyait avoir c’était la religion, mais une fois qu’elle a enfreint les règles de comportement de par son adultère, la religion devient remords au lieu de réconfort. Nous ne sommes pas loin de la passablement angoissante (et magistrale) scène de l’église du Faust de Gounod/Barbier et Carré.
Leoš Janáček, Káťa Kabanová, Glyndebourne Opera Festival, 1988, mise en scène de Nikolaus Lehnhof, Décors de Tobias Hoheisel, direction musicale Andrew Dawis, Louise Winter (Varvara), Nancy Gustafson (Kartia), Ryland Davies (Tikhon).
En ce sens — et contrairement à l’opéra de Gounod — la pièce d’Ostrovski et le livret qu’en tire Janacek sont un cri contre cette religion comprise de manière réductrice, contre les règles de comportement, contre cette pression sociale. L’adultère n’est qu’un déclencheur du drame. Il permet néanmoins à Janáček de donner libre cours à sa veine sensuelle. Les très claires références du livret au sexe sont mises à profit par la musique, sensuelle à l’extrême, passionnelle. Le sexe qui trouve son penchant dans la nature (c’est cette veine de « sensualité naturelle » présente dans la superbe fin du deuxième acte de La petite renarde rusée du même Janáček). Le fleuve devient ainsi divinité protectrice des amants, et c’est finalement dans le fleuve que Katia cherchera à s’oublier pour toujours.
Leoš Janáček, Káťa Kabanová, Louise Winter (Varvara), Nancy Gustafson (Kartia), Ryland Davies (Tikhon), Felicity Palmer (Kabanicha), Barry McCauley (Boris) Donald Adams (Dikoj), London philharmonic, sous la direction d'Andrew Dawis, IIIe acte, Glyndebourne Opera Festival, 1988. Frédéric Léolla
4 novembre 2024
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Vendredi 8 Novembre, 2024 1:59