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5 novembre 2024 — Frédéric Léolla

Adultère et infidélité

Sexe et opéra (III. 22) : Il Tabarro

La houppelande

Il Tabarro, esquisse du décor, aquarelle d'Antonio Rovescalli. 1922.

Musique de Giacomo Puccini, sur un livret de Giuseppe Adami d’après la pièce La Houppelande  de Didier Gold, créée en 1918, New York, Metropolitan Opera.

Michele, capitaine de bateau, est marié à Giorgetta. Mais celle-ci a un amant, Luigi, débardeur au service de Michele. Or celui-ci a fini par comprendre que sa femme est adultère. Il surprend Luigi lorsqu’il allait rejoindre Giorgetta et le tue. Puis il le cache sous sa houppelande (d’où le titre). L’opéra finit sous le cri de Giorgetta, horrifiée lorsqu’elle découvre le cadavre de Luigi sous la houppelande de Michele.

Oui, tous les commentateurs répètent que le livret est tiré d’une pièce de grand-guignol, genre sanguinaire par excellence, ce qui expliquerait qu’on arrive à un meurtre en si peu de temps…

Giacomo Puccini, Il Tabarro, « Nulla! Silenzio », Nelson Martinez, Florida Chamber Orchestra, sous la direction de Marlene Urbay.

Il Tabarro, costume de Michele, aquarelle et encre de Chine, Caramba (Luigi Sapelli), 1918.

Bof, dans le monde de l’opéra, on n’a pas besoin d’être issu d’une pièce de grand-guignol pour qu’il y ait des meurtres. Il y a déjà une riche tradition de morts diverses et variées. Alors, ce n’est pas ça qui va nous surprendre.

Par contre, ce qui est intéressant c’est qu’ici naturalisme-vérisme se conjugue avec préoccupations sociales, ce qui donne aussi de la profondeur aux personnages, hantés par des soucis comme le travail, la misère, l’alcoolisme… Grâce à un livret très efficace, nous avons un portrait assez complet, en quelques minutes, de chacun des protagonistes, et l’on peut même arriver à comprendre l’urgence, le besoin impérieux des amants Luigi et Giorgetta.

L’un et l’autre débordent de sensualité. Le sexe est presque pour eux la planche de sauvetage qui les empêche de sombrer totalement. Et ils s’y accrochent comme les deux désespérés qu’ils sont. Le fait que ce soit un adultère ne fait qu’exacerber leurs sentiments. Encore un opéra où l’interdit qui pèse sur le sexe est fondamental. Sans interdit, ces amours passionnées, déchaînées, auraient sans doute été réduites à deux ou trois nuits ensemble, puis les amants se seraient séparés tranquillement, dans l’indifférence la plus totale de l’un et de l’autre. Mais il s’agit d’un adultère. L’un et l’autre sentent qu’ils y risquent gros (la vie ?), tout se passe dans le secret, dans la peur : que c’est excitant !

Il en résulte une musique débordante, fiévreuse, des explosions lyriques, des accès de passion, un Puccini en état de grâce.

Giacomo Puccini, Il Tabarro, scène finale, « Scuorre Fiume Eterno », Juan Pons (Michele), Paoletta Marrocu (Giorgetta), Antonello Palombi (Luigi), Teatro Alla Scala, Milán. 2008.

Il Tabarro, Luigi Montesanto (Michele) Claudia Muzio (Giorgetta) et Giulio Crimi (luigi), photographie de scène, New York, Metropolitan Opera House, White 14 décembre 1918.

plume_04 Frédéric Léolla
5 novembre 2024
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