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Michel Rusquet, Trois siècles de musique instrumentale : un parcours découverte —— La musique instrumentale de Beethoven à Schubert.

Franz Schubert : quatuor n14, « La jeune fille et la Mort »

Quatuor no 14, en mineur, D 810, « La jeune fille et la Mort »

L'œuvre instrumentale de Franz Schubert ; la musique de piano ; L'œuvre de chambre; la musique symphonique.

Hans Baldung (v. 1485-1545), La jeune fille et la mort.

Composé presque en même temps que le précédent (mars 1824), le célébrissime auatuor en mineur subit quelques ultimes retouches deux ans plus tard, au moment de sa première exécution qui, contrairement à ce qui s’était passé pour le treizième en la mineur, se heurta à l’incompréhension générale. Sans doute y avait-il, après une œuvre certes tragique mais au lyrisme assez intime, de quoi être décontenancé par l’angoissant climat de violence éruptive de ce nouveau quatuor tout entier hanté par le thème de la mort. Ici en effet, de la première à la dernière note, « les angoisses du compositeur devant cette mort dont il sait qu’elle l’habite, le réclame, le séduit et le berce à l’avance en même temps qu’elle le révulse et l’indigne, se succèdent et se heurtent entre abandon presque filial et rage contre l’implacable compagne qui l’entraîne. »81

Comme pour le quatuor précédent, Schubert a recours à des compositions antérieures. On le sait, ce quatuor « La jeune fille et la Mort » doit « son nom à son deuxième mouvement, qui est un thème à variations basé sur un Lied « Der Tod und das Mädchen » D 531, que Schubert avait composé en 1817 sur un poème très bref de Mathias Claudius. Si le quatuor lui emprunte son titre, c’est également la tonalité funèbre de mineur qu’il en adopte. […] Il n’empêche que l’andante, qui reprend le thème de la Mort dans le Lied, n’est pas dans la tonalité de ce dernier, mais a recours au sol mineur, sous-dominante qui se trouve être la tonalité d’une autre ballade funêbre, « Le Roi des Aulnes » (D 328). Or, le souvenir de cette ballade passe également à plusieurs reprises dans le quatuor, en accentuant la tension et la rigueur intérieure. »82

Car si l’andante con moto, avec ses cinq variations du thème-choral de la Mort, reste le centre de gravité musical et émotionnel de l’œuvre, celle-ci tire sa force de sa formidable cohésion interne qui ne tient pas uniquement à l’unicité de son climat spirituel. On notera en particulier que, dès les premières mesures de l’allegro initial, apparaît une figure rythmique qui signale d’emblée la présence du motif de la Mort, figure qui reviendra d’une manière ou d’une autre hanter les quatre mouvements en présidant à l’organisation de leurs thèmes. Ainsi peut-on dire du premier mouvement, puissant, tendu à l’extrême, qu’il évoque la lutte implacable avec la mort ; du troisième (scherzo : allegro molto), qui revient au mineur avec des accents sauvages et des appogiattures grinçantes, qu’il représente une sorte de course à la mort ; quant au presto final, lui aussi en mineur, il ne fait que prolonger cette course, sur un rythme de tarentelle directement issu du scherzo, dans « une danse de cauchemar au rythme implacable et échevelé »83, danse macabre, lugubre, qui, lors de la réexposition, à travers une polyphonie devenue plus dense encore, va atteindre une forme de paroxysme : « Chromatismes et triolets de croches s’insinuent telles des ombres fantomatiques, et accroissent l’hallucination d’un Prestissimo conclusif que ponctueront deux violents accords, définitifs. »84

Franz Schubert, quatuor en mineur, no 14, D 810, 1. Allegro, 2., Andante con moto, 3. Scherzo, 4. Presto, composé en mars 1824, publie à Vienne en 1821, par le quatuor Alban Berg

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plume Michel Rusquet
16 avril 2020

© musicologie.org

Notes

81. Hamon Jean, dans « Répertoire » (100), mars 1997.

82. Tranchefort François-René, Guide de la musique de chambre, Fayard, Paris 1998, p. 804-805.

83. Massin Brigitte, Franz Schubert, Fayard, Paris 1977, p. 1064.

84. Tranchefort François-René, op. cit., p .806.

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Les œuvres de musique de chambre de Franz Schubert

Trios à cordes D 471 et D 581

Les sept quatuors de prime jeunesse, D 18, D 32, D 36, D 46, D 68, D 74, D 87.

Les quatre derniers quatuors de jeunesse, D 94, D 112, D 173, D 353.

Mouvement de Quatuor no 12, « Quartettsatz », en ut mineur D 703.

Quatuor no 13 en la mineur, D 804, opus 29.

Quatuor no 14 en mineur « La Jeune Fille et la Mort », D 810.

Quatuor no 5 en sol majeur, D 887, opus 161.

Quintette en ut majeur, D 956, opus 63.

Rondo pour violon et quatuor, D 438.

Trois sonatines, pour violon et piano, D 384, D 385-408, opus 137.

Duo, pour violon et pinao, en la majeur, D 574, opus 162.

Rondo brillant, pour violon et piano, en si mineur, D 895, opus 70.

Fantaisie en ut majeur, D 934, opus 159.

Introduction et variations sur le Lied « Trockne Blumen », pour piano et flûte, D 802, opus 160.

Sonate, pour arpeggione et piano, D 821.

Trios pour piano et cordes, D 898 (opus 99) et D 929 (opus 100).

Diverses pièces en trio.

Quintette pour piano et cordes, « La Truite », D 667, opus 114.

Octuor en fa majeur pour cordes et vents, D 803, opus 166.

Diverses œuvres de chambre.


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