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Michel Rusquet, Trois siècles de musique instrumentale : un parcours découverte —— La musique instrumentale de Beethoven à Schubert.

Le quatuor en la mineur D 804 de Franz Schubert

Quatuor no 13 en la mineur, D 804, opus 29, « Rosamunde ».

L'œuvre instrumentale de Franz Schubert ; la musique de piano ; L'œuvre de chambre; la musique symphonique.

Seul quatuor de Schubert à avoir été publié de son vivant, celui-ci fut composé dans les premiers mois de 1824, peu après l’achèvement du cycle de Lieder « La Belle Meunière ». Avec ce quatuor et le suivant, le musicien entendait prendre un nouveau départ : « Je veux de cette façon me frayer la voie vers la symphonie ». Ce faisant, c’est pour une bonne part à partir d’un travail sur ses propres thèmes et données qu’il va tenter cette expérience de dépassement de lui-même. La tonalité choisie de la mineur n’est autre que celle de la récente et tragique ballade Le Nain, D 771. Le tout début de l’œuvre semble faire entendre un écho de la plainte de Marguerite (« Plus de paix pour moi, mon cœur est lourd… »). De même Schubert « n’hésite-t-il pas à employer, dans l’andante de ce nouveau quatuor, un thème de sa musique de ballet de Rosamunde, tandis que l’allegretto suivant emprunte son thème à un Lied écrit en 1819 sur un poème de Schiller, Les Dieux de la Grèce. Cette réutilisation de thèmes anciens paraît correspondre à un effort du musicien, en ce début de 1824, pour surmonter l’état dépressif des quelques années antérieures et élargir ses moyens d’expression. »78

Ainsi, « le Quatuor en la mineur semble littéralement porté par l’œuvre antérieure, sur le plan tant de son climat psychologique que de son écriture ou de ses thèmes. Ce n’est vraiment qu’au plus profond de lui-même, et non par quelque intervention ou secours venu de l’extérieur, que Schubert tente ici de résoudre ses conflits. »79 Au lendemain de sa création, un ami du musicien disait de ce quatuor : « Il est dans l’ensemble très mélodieux, mais de telle sorte que tout le sentiment et toute l’expression s’attachent à la mélodie, comme dans les Lieder ».

C’est en effet l’impression première qui s’en dégage, et cette simplicité de façade, bien trompeuse en réalité, en fait sûrement, parmi les chefs-d’œuvre de la littérature pour quatuor, un de ceux qui ont tout pour conquérir le cœur du plus grand nombre. Mais s’il en est ainsi, c’est bien que nous avons affaire à un Schubert parvenu au sommet de son art, et qui, en abattant toute cloison entre lied et musique de chambre, trouve désormais la voie lui permettant d’exprimer son génie dans ce qu’il a de plus personnel et de plus profond.

Car, ici, derrière le voile nostalgique de la mélodie, et à travers une écriture d’une prodigieuse originalité, se révèle l’immense solitude intérieure du musicien à ce moment de son existence. Dans les trois magnifiques premiers mouvements (allegro ma non troppo, andante, menuetto : allegretto), on n’échappe jamais très longtemps à une atmosphère douloureuse, entre mélancolie et pure désolation, interrogations angoissées et soudains accès de violence.

Et l’émotion ne s’éteindra qu’à demi dans l’allegro moderato final : il s’engage certes résolument sur un la majeur libérateur, mais « les ombres de l’inquiétude passent malgré tout dans ce rondo, dans la tonalité choisie (ut dièse mineur) pour le deuxième thème, dans les nombreux et soudains silences qui brisent les rythmes de danse. Les éléments dramatiques ne manquent pas dans ce finale. L’unité de l’œuvre n’en est que plus saisissante. »80

Franz Schubert, Quatuor no 13 en la mineur, D 804, opus 29, « Rosamunde ». I. Allegro moderato, II. Andante, III. Menuetto. Allegretto, IV. Allegro moderato, composé, créé et édité en 1824, dédicacé à Ignaz Schuppanzigh, par le Lindsays String Quartet (Peter Cropper, Ronald Birks, Robin Ireland, Bernard Gregor-Smith), 1988.

 

plumeMichel Rusquet
14 avril 2020

© musicologie.org

Notes

78. Tranchefort François-René, Guide de la musique de chambre, Fayard, Paris 1998, p. 803.

79.  Massin Brigitte, Franz Schubert, Fayard, Paris 1977, p. 1057.

80.  Ibid., p.1059

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Les œuvres de musique de chambre de Franz Schubert

Trios à cordes D 471 et D 581

Les sept quatuors de prime jeunesse, D 18, D 32, D 36, D 46, D 68, D 74, D 87.

Les quatre derniers quatuors de jeunesse, D 94, D 112, D 173, D 353.

Mouvement de Quatuor no 12, « Quartettsatz », en ut mineur D 703.

Quatuor no 13 en la mineur, D 804, opus 29.

Quatuor no 14 en mineur « La Jeune Fille et la Mort », D 810.

Quatuor no 5 en sol majeur, D 887, opus 161.

Quintette en ut majeur, D 956, opus 63.

Rondo pour violon et quatuor, D 438.

Trois sonatines, pour violon et piano, D 384, D 385-408, opus 137.

Duo, pour violon et pinao, en la majeur, D 574, opus 162.

Rondo brillant, pour violon et piano, en si mineur, D 895, opus 70.

Fantaisie en ut majeur, D 934, opus 159.

Introduction et variations sur le Lied « Trockne Blumen », pour piano et flûte, D 802, opus 160.

Sonate, pour arpeggione et piano, D 821.

Trios pour piano et cordes, D 898 (opus 99) et D 929 (opus 100).

Diverses pièces en trio.

Quintette pour piano et cordes, « La Truite », D 667, opus 114.

Octuor en fa majeur pour cordes et vents, D 803, opus 166.

Diverses œuvres de chambre.


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