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Michel Rusquet, Trois siècles de musique instrumentale : un parcours découverte : la musique instrumentale en Allemagne de Beethoven à Schubert.

La sonate opus 109 (no 30) de Ludwig van Beethoven

beethoven

Plus de paroxysme, plus question de gigantisme non plus dans cette sonate en mi majeur opus 109, pas plus d’ailleurs que dans les deux autres de la somptueuse trilogie finale des années 1820-1822, une trilogie qui, « si elle reflète encore des luttes et des rêves, traduit la conquête, tardive mais décisive, de la sérénité, du détachement. »91 et où, d’autre part, on voit s’interpénétrer les deux procédés de développement les plus en accord avec l’évolution psychologique du compositeur : la variation et la fugue. Tout cela dans le voisinage spirituel de la composition du grand testament que constituait pour Beethoven sa Missa solemnis.

Cette sonate no 30 se contente de trois mouvements : un Vivace, un Prestissimo immédiatement enchaîné, l’un et l’autre marqués par d’étonnants traits schumanniens, et un Andante à variations amplement développé. « Deux mouvements en forme sonate traitée sans contraintes précèdent les splendides variations de l’opus 109. Composé de deux idées contrastées (Vivace et Adagio espressivo), le premier mouvement est peut-être le plus étrange des trente-deux sonates. Un bref et sombre tourbillon tient lieu de scherzo. Indiqué Gesangvoll mit innigster Empfindung (très chantant, avec la plus grande profondeur de sentiment), l’Andante final, un thème et six variations, retrouve à la fois le monde aérien du rêve qui était celui du premier mouvement et le déchaînement passionné, oscillant entre la colère et la crainte, du second mouvement.

Les variations de l’opus 109 ne sont pas ordinaires parce que l’élément qui sous-tend l’ensemble n’a rien de la broderie, il est au contraire l’expression du contraste, de la différenciation, de la transformation et de la synthèse. »92 La magie de ce finale, c’est vrai, tient moins à la beauté du thème, pourtant « d’une merveilleuse sérénité, avec ce côté méditatif que le ton de mi a souvent conféré aux adagios de Beethoven », qu’aux transformations qu’il va connaître  : « L’opus 109 (comme l’opus 111, comme un peu plus tard les fameuses Variations Diabelli) attaque le thème de l’intérieur, l’interroge, l’oblige à révéler, par transformations successives, sa nature intime et ses pouvoirs. »93 De sorte, souligne très justement le même Guy Sacre (p. 363), qu’après la sixième et dernière variation, où le thème s’éparpille en fragments au milieu des arpèges, on assiste à son retour imprévu, « apparemment dans sa forme initiale, mais forcément plus expressif, plus émouvant, transformé lui-même au sortir de ses propres métamorphoses. »94

Ludwig van Beethoven, Sonate opus 109 en mi majeur, 1.Vivace, ma non troppo - Adagio espressivo ; 2. Prestissimo ; 3.Gesangvoll, mit innigster Empfindung, par Emil Gilels (DG 1985).


plumeMichel Rusquet
27 septembre
2019

Les sonates pour piano : Opus 2, nos 1, 2, 3 - Opus 7 - Opus 10 - Opus 13 - Opus 14 - Opus 22 - Opus 26 - Opus 27 - Opus 28 - Opus 31 - Opus 49 - Opus 53 - Opus 54 - Opus 57 - Opus 79 - Opus 81a - Opus 90 - les cinq dernières sonates (opus 101, 106, 109, 110, 111).

Notes

91. Sacre Guy, La Musique de piano, Robert Laffont, Paris 1998, p. 361.

92, Szersnovicz Patrick, dans « Le Monde de la musique » (238), décembre 1999.

93. Sacre Guy, op. cit., p. 362.

94. Ibid., p. 363.

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