bandeau texte musicologie

Michel Rusquet, Trois siècles de musique instrumentale : un parcours découverte : la musique instrumentale en Allemagne de Beethoven à Schubert.

La sonate opus 101 (no 28) de Ludwig van Beethoven

Les sonates pour piano : Opus 2, nos 1, 2, 3 - Opus 7 - Opus 10 - Opus 13 - Opus 14 - Opus 22 - Opus 26 - Opus 27 - Opus 28 - Opus 31 - Opus 49 - Opus 53 - Opus 54 - Opus 57 - Opus 79 - Opus 81a - Opus 90 - les cinq dernières sonates (opus 101, 106, 109, 110, 111).

beethoven

Écrite en 1816, la sonate en la majeur opus 101 se signale par une particularité : pour la première fois, et donc sans attendre la fameuse opus 106, le compositeur la destine résolument au Hammerklavier, c’est-à-dire aux instruments les plus récents, dotés d’une étendue et d’une puissance de résonance nettement plus grandes que leurs prédécesseurs. Par ailleurs, elle marque le retour à la coupe en quatre mouvements, qu’il avait abandonnée depuis longtemps dans ses sonates, mais, plus que jamais, le musicien s’y éloigne des schémas classiques. Il n’y a plus d’équilibre apparent entre les différents mouvements ; en revanche s’affirment entre ces derniers des liens, dont le plus visible est le retour du thème initial lors de la transition conduisant au finale, qui posent les premiers vrais jalons d’une forme cyclique en matière de sonate ; la forme même de l’oeuvre, d’une hardiesse peu commune, semble avant tout dictée par la primauté donnée aux intentions expressives du compositeur, lequel a pris soin à nouveau d’énoncer en allemand les diverses indications de caractère. Ainsi, « toute l’œuvre semble architecturée en fonction d’une distorsion invivable entre l’appel au rêve (premier et troisième mouvements) et l’invitation à l’action (deuxième et quatrième). »78 Du premier mouvement, au caractère rêveur, se dégage une sorte de magie : « Ce n’est, somme toute, qu’une assez courte introduction ; mais elle marque de son empreinte l’œuvre entière, - par sa force expressive, par l’affirmation du ton principal de la majeur, toujours en suspens, cependant omniprésent. »79 En totale rupture de ton, le deuxième mouvement Vivace alla marcia développe, selon une progression irrésistible malgré l’accalmie procurée par son trio, une formule rythmique très « schumannienne » qu’une polyphonie très serrée, presque sèche, fait apparaître à tous les registres du clavier. « L’Adagio étrangement bref [qui suit], méditation sur une admirable phrase mélodique, s’ouvre comme une faille profonde. Tendu, autoritaire (avec résolution, marque Beethoven), le dernier mouvement se développe en imitations polyphoniques serrées qui se transforment en un fugato puissamment architecturé. »80 Cette sonate « n’est pas une œuvre exubérante… Comme disait Wagner, les éclats passionnés en sont totalement exclus. Elle ne fait pas partie de cette catégorie de drames où une âme lutte avec les éléments ou combat le destin. Elle transmet avec une maîtrise souveraine tout le bonheur, toute la force et l’assurance qui l’habitent. »81

Ludwig van Beethoven, Sonate en la majeur, opus 101 (no 28), 1. Etwas lebhaft, und mit der innigsten Empfindung, 2. Lebhaft. Marschmäßig (enregistrement en public de 1986).

 

Ludwig van Beethoven, Sonate en la majeur, opus 101 (no 28), 3. Langsam und sehnsuchtsvoll ; Adagio, ma non troppo, con affetto, 4 Geschwind, doch nicht zu sehr und mit Entschlossenheit, par Emil Gilels (enrgostrement en public).

 

plumeMichel Rusquet
27 septembre
2019

 

musicologie.org
 rss

 

 

 

Notes

78.Szersnovicz Patrick, dans « Le Monde de la musique » (238), décembre 1999.

79. Tranchefort Franois-René, Guide de la musique de piano et de clavecin, Fayard, Paris 1998, p.125.

80. Boucourechliev André, Beethoven, « Solfèges », Éditions du Seuil, Paris 1963, p. 65.

81. Brendel Alfred, Réflexions faites. Buchet/Chastel, Paris 2011.

 

Musicologie.org, 56 rue de la Fédération, 93100 Montreuil ☎ 06 06 61 73 41

ISNN 2269-9910

© musicologie.org 2018

bouquetin

Vendredi 27 Septembre, 2019 2:34