La question du document historique, aussi vieille que l'histoire en tant que fenêtre sur le passé, est traversée par deux problématiques : celle du récit et celle du concept de reconstitution historique.
Question vieille comme la discipline historique. Hérodote d'Halicarnasse108 distingue ce qu'il observe lui-même — ou découvre par ses propres recherches —, et ce qu'on lui raconte des choses. Expérience directe et témoignage documentaire.
Tout comme Plutarque, mais pour d'autres raisons, Thucydide109 n'apprécie pas les travaux d'Hérodote soupçonné d'être un menteur.
Il est difficile [écrit Thucydide], d'accorder créance aux documents dans leur ensemble... Les hommes acceptent sans examen les récits faits du passé.
Thucydide s'engage dans une voie plus critique :
Quant aux événements de la guerre, je n'ai pas jugé bon de les rapporter sur la foi du premier venu, ni d'après mon opinion ; je n'ai écrit que ce dont j'avais été le témoin ou pour le reste ce que je savais par des informations aussi exactes que possible...
Et, ajoute-t-il, ce n'est pas facile, car les témoins ne relatent pas les mêmes faits de la même façon.
Deux mille trois cents ans plus tard, Paul Veyne dit à peu près la même chose :
Par essence, l'histoire est connaissance par document. Aussi la narration historique se place-t-elle au-delà de tous les documents, puisque aucun d'eux ne peut-être l'événement ; elle est un photomontage documentaire et ne fait pas voir le passé en direct110
quelques lignes plus avant, il s'explique en ces termes :
Même si je suis contemporain et témoin de Waterloo, même si j'en suis le principal acteur et Napoléon en personne, je n'aurai qu'une perspective sur ce que les historiens appelleront l'événement de Waterloo ; je ne pourrai laisser à la postérité que mon témoignage, qu'elle appellera trace s'il parvient jusqu'à elle...
108. Hérodote d'Halicarnase, Grec d'Asie (480-420) est pour Cicéron le premier historien. Plutarque n'apprécie pas ses sympathies pour les Barbares. Pierre Lévêque, quant à lui, voit dans l'activité des logographes ioniens du VIe siècle, une forme historienne plus ancienne (L'aventure grecque, Armand Colin, Paris, 1964, p. 296-298. Voir également : F. Hartog, Le miroir d'Hérodote, Gallimard, Paris, 1980.
109. Thucydide d'Athènes (460-404), Histoire de la guerre du Péloponèse (livre I). Garnier, Paris, 1948, p. 15-17.
110. Paul veyne, Comment on écrit l'histoire. « Points/Histoire », Éditions du Seuil, paris 1971,p. 14.
Table des matières : Bibliographie — Histoire au quotidien — De la vérité — La conscience du passé — Histoire conceptuelle — Histoire, Philosophie du doute et récit — Bachelard et la philosophie du non — Récit — Récit et reconstruction — Document et événement — Histoire globale — Autorité ou histoire — Document et histoire — Concept — Esthétique de l'histoire.
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Dimanche 9 Juillet, 2023