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jour 3 septembre 2015

 

La critique musicale dans l'espace hispanique au xxe siècle : formes, styles, écritures

15 novembre 2015
Maison de la Recherche, Université Paris Sorbonne

Appel à communications

S'agissant de la musique, le statut de l'Espagne dans le concert européen des nations au tournant du XXe siècle présente une particularité. Après une période de relative mise à l'écart, la Péninsule refait progressivement surface à la fin du XIXe siècle, pour connaître un essor sans précédent dans le premier tiers du XXe, à telle enseigne que la critique espagnole a pu parler d'Edad de plata  (« Âge d'argent ») pour qualifier le rayonnement des arts et de la culture pendant cette période1. C'est ainsi que le pays cesse peu à peu de constituer l'alibi d'un orientalisme à portée de main, nourrissant principalement l'imaginaire des compositeurs français, de Chabrier à Debussy, pour s'affirmer comme véritable nation musicale, non plus seulement objet thématique à la mode porteur d'exotisme et de couleur locale , mais désormais sujet à part entière d'une aventure musicale, principalement à travers trois figures de compositeurs traversant les deux siècles, et qui initièrent le mouvement : Felipe Pedrell, Isaac Albéniz et Enrique Granados. Sortie de sa relative torpeur, l'Espagne rattrape progressivement son retard en faisant émerger sur la scène intellectuelle des problématiques issues il est vrai du XIXe siècle, notamment la question du développement et de l'affirmation d'une école nationale. Mais celles-ci se transforment et s'adaptent bientôt aux enjeux musicaux qui agitent le reste de l'Europe en ce début de XXe siècle, suivant en cela, à plus forte raison, le mouvement général d'ouverture du pays aux « vents européens » appelé de ses vœux et théorisé par Miguel de Unamuno dans son ouvrage En torno al casticismo  (L'Essence de l'Espagne , dans la traduction de Marcel Bataillon). L'affirmation progressive d'une activité musicale importante, corrélative du développement d'une avant-garde, est aussi rendue possible par un changement dans les attitudes sociales : la nouvelle bourgeoisie demande de la musique et cesse de la regarder comme un art mineur. Dans cette perspective, l'Espagne se dote rapidement de la plupart des infrastructures musicales qui étaient déjà présentes dans le reste de l'Europe au milieu du XIXe siècle. Les sociétés philharmoniques connaissent un développement exponentiel et commencent à inviter des grands musiciens étrangers ; les orchestres et les chorales éclosent dans les différentes régions du pays. De manière emblématique, la Sociedad Nacional de Música , fondée en 1915 sur le modèle de la Société Nationale de Musique créée par Saint-Saëns une quarantaine d'années auparavant, se fait le vecteur d'une véritable « restauration musicale », selon l'expression de ses créateurs.

Or, cet essor général s'accompagne de ce que Raquel Sarría Márquez qualifie d'« âge d'or » de la critique musicale en Espagne. On assiste en effet durant cette période à un grand mouvement de rénovation de la musicographie, illustré par le travail de personnalités emblématiques du monde musical de l'époque : Rogelio Villar, José Subirá, Joaquín Nin, Adolfo Salazar ou Miguel Salvador. Ce mouvement de fond, qui s'illustre aussi par l'institutionnalisation progressive de la musicologie, jusqu'ici considérée comme une pratique amateur , et qui, à travers la figure du catalan Higini Anglès, accède progressivement au statut de science humaine, contribue à la naissance et à l'affirmation d'une critique musicale spécialisée. Parallèlement à la progressive formation intellectuelle et universitaire d'un grand nombre de musiciens, et à la publication d'essais de la part des grands penseurs du temps, la critique se développe également au sein de la presse, et les revues culturelles à vocation généraliste, comme la Revista de Occidente  ou la Gaceta Literaria , publient fréquemment des articles consacrés à la musique.

À travers ces modifications, la critique devient non seulement un lieu de témoignage de l'activité musicale d'une région ou d'une ville, mais aussi l'espace de développement d'une véritable activité réflexive sur l'art musical. À ce titre, il semble qu'elle ait joué un rôle moteur dans la création et la valorisation de la musique espagnole, notamment sous l'influence de Manuel de Falla et Adolfo Salazar, aussi bien sur le plan théorique que pratique. De sorte que la vie critique de ces années apparaît comme une « critique créatrice », selon le mot d'Oscar Wilde : elle ne se limite pas à être le simple témoin de l'action, mais apporte une réflexion nouvelle sur la musique, susceptible d'impulser un nouvel élan aux compositeurs. Ainsi s'esquisse un mouvement de va-et-vient entre critique et création, qui s'illustre par la liste éloquente des compositeurs qui apportèrent une pierre à l'édifice de la critique musicale espagnole : non seulement Pedrell, Falla, Turina, mais aussi, entre autres, Joaquín Nin, Rodolfo Halffter, Roberto Gerhard. Grâce à eux, la musique change progressivement de statut, et finit par constituer un art à part entière, décisif dans l'élaboration d'une culture.

Cette journée d'études a pour vocation de faire porter la réflexion sur une période qui inclut la Edad de plata  sans nécessairement s'y limiter. Après 1939, « la musique hiberne », selon les mots d'Emilio Casares Rodicio, du fait de l'exil imposé à de nombreux acteurs du champ musical par le bouleversement politique issu de la guerre civile : on pourra notamment se demander quelles sont les modalités de réinvention de la critique dans la deuxième partie du siècle, et quelles perspectives esthétiques se dégagent dans un champ musical de plus en plus caractérisé par son atomisation, mais aussi son isolement, qui tient à nouveau une Espagne « livrée à elle-même » (Tomás Marco) à l'écart des principales innovations du panorama musical européen : que l'on songe à la diffusion du sérialisme intégral par exemple, qui ne trouve d'écho que très tard dans la Péninsule. Toute contribution concernant les mutations de la critique musicale dans le monde post-franquiste sera également bienvenue.

Dans ce contexte, il s'agira d'interroger ce qui fait la spécificité de la zone linguistique hispanophone dans l'élaboration de la critique musicale au XXe siècle, en étant sensible à son évolution au cours du siècle. Cette interrogation se fera en centrant la réflexion sur une approche principalement littéraire, susceptible de proposer en premier lieu un questionnement relatif à des problématiques d'écriture. Il s'agit moins d'esquisser à grands traits une histoire de la critique que d'en éclairer les enjeux esthétiques et réceptifs. On pourra notamment s'interroger sur l'interaction entre les supports et les genres de la critique pratiqués : presse (El Sol,  la Revista Musical Hispano-americana, Ritmo, Música , etc.), écrits de musicographes (Villar, Subirá, Salazar), de compositeurs (Falla, Turina), de poètes (Gerardo Diego, Juan Ramón Jiménez) ou de romanciers, et sur la manière dont ces supports et l'identité des différents acteurs sont susceptibles d'influencer le genre, aussi bien d'un point de vue stylistique qu'idéologique, ainsi que sa réception ; sur les débats esthétiques parfois virulents qui opposèrent les tenants d'écoles musicales antagonistes (par exemple Villar ou Julio Gómez vs. Salazar) et qui portent en eux des conceptions implicites sur la forme et les fonctions de la critique musicale ; sur la manière dont la critique est susceptible de se penser elle-même, en délivrant un métadiscours relatif aux conditions de possibilité d'écrire sur  ou avec  la musique, pour reprendre le mot de Vladimir Jankélévitch. De ce point de vue, on rappellera par exemple l'hostilité éloquente et paradoxale de Salazar à l'égard de la musicologie, sciences de « rats de bibliothèque » qui n'aiment « que l'odeur du vieux papier »2 : de telles déclarations supposent une orientation idéologique alternative de la critique qu'il pourrait être intéressant de mettre en valeur.

 On pourra insister par ailleurs sur la comparaison entre deux façons d'écrire sur un même artiste ou une même œuvre ; ou sur la manière dont la naissance et l'affirmation de la critique s'accompagne d'un questionnement sur ce qui fonde la légitimité de son propre discours, notamment dans une perspective qui pourra être élargie aux débats de l'époque consacrés au rôle et à la fonction sociale de la critique artistique en général, par exemple sous la plume de José Ortega y Gasset, ou à l'influence du krausisme sur l'affirmation récurrente d'une vertu éducative de la critique3. Une attention particulière pourra enfin être portée au rôle joué par la critique hispanophone dans le processus de création musicale, étant donnée l'intensité de l'interaction qui caractérise les échanges entre critique et création en Espagne au moins durant la première partie du siècle ; inversement on pourra voir comment cette influence de la critique sur les évolutions de la pratique et de la création musicales a pu contribuer à la légitimer comme genre à part entière.

Les propositions de communication (environ 500 mots) assorties d'une brève notice bio-bibliographique (5 à 10 lignes rédigées) sont à envoyer simultanément à Timothée Picard (timothee.picard@gmail.com) et Thomas Le Colleter (thomas.lecolleter@gmail.com) avant le 15 novembre 2015.

Ce projet s'inscrit dans le cadre d'un programme concernant « la critique musicale au XXe siècle » (Institut Universitaire de France). On trouvera un descriptif des journées d'études passées ou à venir sur le site du CELLAM (www.cellam.fr). Les communications feront l'objet d'une publication en fin de programme. 

Notes

1. Sur cette question, voir notamment les travaux de José Carlos Mainer et Francisco Abad Nebot dans l'ouvrage collectif Música y cultura en la Edad de Plata, 1915-1939 , réf. en bibliographie. Le terme est employé dès les années 1940, notamment par Ernesto Giménez Caballero, puis, surtout, par José María Jover dans son Introducción a la Historia de España , Barcelona, Teide, 1963.

2. « Ratones de biblioteca [a quienes] sólo les interesa el olor a papel viejo », Adolfo Salazar : « Los festivales de la Sociedad Internacional de Música Contmporánea en Barcelona, II », El Sol , 24 avril 1936. Il ajoute : « Si les langues mortes ne sont pas le véhicule favori des musiciens de la SIMC, en revanche c'est le cas des musicologues ».

3. Voir Claude Debussy, Monsieur Croche  : « l'éducation artistique du public me paraît la chose la plus vaine qu'on puisse s'imaginer au monde ».

ACLA seminar, the relation between operas and literary works

17-20 mars 2016, Boston, Harvard University

American Comparative Literature Association CALL FOR PAPERS
Deadline for submission of abstract: September 23, 2015
CFP Deadline: 23 Sep 2015

This seminar aims to explore various kinds of relation between operas and literary works. An opera is a peculiar kind of “text,” made up as it is of both a score and a libretto, and subject as it is to reinterpretation with every new production or mise-en-scène. Some operas, moreover, have a close relationship with a particular author or literary work; some make writing, or poetry, one of their motifs or themes. When the subject of the opera is a specific literary work or author, how does the opera fit into the history of the work's reception or interpretation? What new lives do fictional stories and stories about poetry or fiction acquire in becoming operatic works? Welcome also will be papers that further a discussion of how operas work with their own internal text, the libretto. What kind of “reading,” finally, do operas invite or support?

1500 word abstracts (for a 10-12 page paper) are now being accepted at this site:

https://www.acla.org/node/add/paper

Nouveaux livres anglophones de musicologie

Amy Lynn Wlodarski, Musical Witness and Holocaust Representation, Cambridge University Press, 2015. 251 p.

John Baily, War, Exile and the Music of Afghanistan: The Ethnographer's Tale, Ashgate, 2015. 246 p.

Rachel Haworth, From the chanson française to the canzone d'autore in the 1960s and 1970s: Authenticity, Authority, Influence, Ashgate, 2015. 212 p

John Mullen, The Show Must Go On! Popular Song in Britain During the First World War, Ashgate, 2015. 262 p.

Férdia J. Stone-Davis, Music and Transcendence, Ashgate, 2015. 272 p.

John Greening, ed., Accompanied voices: Poets on Composers: From Thomas Tallis to Arvo Pärt, Boydell and Brewer, 2015. 240 p.

Avra Pieridou Skoutella, Small Musical Worlds in the Mediterranean: Ethnicity, Globalization and Greek Cypriot Children's Musical Identities, Ashgate, 2015. 298 p.

Dorottya Fabian, A Musicology of Performance: Theory and Method Based on Bach's Solos for Violin, Open Book Publishers, 2015. 364 p.

Alistair Wightman, Szymanowski's King Roger: The Opera and its Origins, Toccata Press, 2015. 176 p.

Jerrold Levinson, Musical Concerns: Essays in Philosophy of Music, Oxford University Press, 2015. 176 p.

Tanya Merchant, Women Musicians of Uzbekistan: From Courtyard to Conservatory, University of Illinois Press, 2015. 224 p.

David Greer, Manuscript Inscriptions in Early English Printed Music, Ashgate, 2015. 226 p.

Margaret Bent, Magister Jacobus de Ispania, Author of the Speculum musicae, Ashgate, 2015. 232 p.

Wing Chung Ng, The Rise of Cantonese Opera, University of Illinois Press, 2015. 288 p.

Beth Abelson Macleod, Fannie Bloomfield-Zeisler: The Life and Times of a Piano Virtuoso, University of Illinois Press, 2015. 232 p.

Kay Norton, Singing and Wellbeing: Ancient Wisdom, Modern Proof, Routledge, 2015. 226 p.

Mary Helen Dupree and Sean B. Franzel, eds., Performing Knowledge, 1750-1850, Walter De Gruyter, 2015. 376 p.

Siel Agugliaro, Teatro alla Scala e promozione culturale nel lungo Sessantotto milanese, Feltrinelli-Amici della Scala, 2015

David Novak and Matt Sakakeeny, eds., Keywords in Sound, Duke University Press, 2015. 272 p.

Ryan Thomas Skinner, Bamako Sounds: The Afropolitan Ethics of Malian Music, University of Minnesota Press, 2015. 248 p.

Hankus Netsky, Klezmer: Music and Community in Twentieth-Century Jewish Philadelphia, Temple University Press, 2015. 198 p.

David Beard et al., eds., Harrison Birtwistle Studies, Cambridge University Press, 2015. 334 p.

Rebecca M. Bodenheimer, Geographies of Cubanidad: Place, Race, and Musical Performance in Contemporary Cuba, University Press of Mississippi, 2015. 328 p.

Leonora Saavedra, ed., Carlos Chávez and His World, Princeton University Press, 2015. 384 p.

Elijah Wald, Dylan Goes Electric! Newport, Seeger, Dylan, and the Night That Split the Sixties, Dey Street, 2015. 368 p.

Kimberly A. Francis, Teaching Stravinsky: Nadia Boulanger and the Consecration of a Modernist Icon, Oxford University Press, 2015. 296 p.

Ruth Tatlow, Bach's Numbers: Compositional Proportion and Significance, Cambridge University Press, 2015. 337 p.

Robert Adelson et al., eds., The History of the Erard Piano and Harp in Letters and Documents, 1785–1959, Cambridge University Press, 2015. 1174 p.

Kate van Orden, Materialities: Books, Readers, and the Chanson in Sixteenth-Century Europe, Oxford University Press, 2015. 344 p.

Riccardo Chailly quitte le Gewandhaus

Riccardo Chailly a annoncé sa décision de quitter son poste de directeur musical de l'orchestre du Gewandhaus à la fin de la saison 2015-2016.

A 62 ans,  directeur musical de l'Orchestre du Festival de Lucerne, directeur musical de la Scala de Milan depuis le mois de janvier, il allège ainsi son emploi du temps.

Riccardo Chailly avait dirigé l'orchestre du Gewandhaus de Leipzig pour la toute première fois en 1986, présenté aux musiciens par Herbert von Karajan. Il assumait initialement la direction musicale conjointe de l'orchestre et de l'Opéra de Leipzig depuis 2005, avant de quitter son poste à l'opéra en 2008. 

Touchemoulin Joseph (1727-1801)

 

Né à Chalon-sur-Saône le 23 octobre 1717, mort à Regensburg le 25 octobre 1801.

Violoniste et compositeur. Il est le fils de Louis Touchemoulin, Hauboïste municipal, et de Jeanne Roulot.

Le plus ancien document conservé le concernant date du 11 mars 1753, et le présente comme violoniste dans l'orchestre du prince électeur Clemens August I de Bavière (1723-1761) à Bonn.

Au début des années 1750, il est envoyé à Padoue, en Italie, sous la protection du prince, pour se perfectionner auprès de Giuseppe Tartini (il est présenté comme élève de Tartini sur la page-titre de son opus 2). Il est de retour à Bonn en 1753. En mars, ses gages son élevés de 600 à 1000 guldens.

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