musicologie

François Buhler, juillet 2023 — Histoire de la romance

Histoire de la romance
vocale française

 

À ne considérer que le terme utilisé pour une œuvre littéraire, la romance provient du romance1 espagnol comme celui-ci du romans provençal et on le retrouve, traduit du français, lors de l’introduction du genre en Russie (le pоманс est également masculin en russe). La première définition officielle dans le Nouveau dictionnaire de l’Académie françoise de 1718 rappelle ce lien avec l’Espagne : « Mot tiré de l’Espagnol, et qui signifie une sorte de Poésie en petits vers, contenant quelque ancienne histoire. » Le genre poético-musical spécifique de la2 romance française, encore proche de la brunette et de la bergerette à ses débuts, ne trouvera sa première définition qu’avec Jean-Jacques Rousseau. En attendant, en 1756, le poète François-Augustin Paradis de Moncrif (1687-1770) nous livre sa conception de la romance, relevant le caractère strophique du genre, mais regrettant que l’« ancienne histoire » que la romance est censée conter tende dès ses débuts à être amputée de toute action dramatique :

On donne ce titre a toutes les Chansons amoureuses qui ont une suite de couplets. La Romance cependant a un caractere qui la distingue : independamment de l’avanture qui en fait le sujet, il faut qu’il y ait une action intéressante, & que le style en soit naïf. C’est ce qu’ont neglige plusieurs bons Auteurs ; ils ont ecrit leurs Chansons en style d’Ode, & c’est ôter a la Romance son merite principal. Celle-ci, malgré toute la fortune qu’elle a fait, a un tres-grand défaut dans l’action.3

En 1765 l’Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers, éditée de 1751 à 1772, y voit à son tour « une vieille historiette écrite en vers simples, faciles et naturels. La naïveté est le caractere principal de la romance […] Ce poëme se chante […] la romance est divisée par stances.4 » Très vite, donc, se précise l’acception encore actuelle de chanson d’amour qui remonte au moins au tout début de la seconde moitié du xviiie siècle et désigne, selon le chanteur Alexis de Garaudé, non plus seulement un poème, mais une pièce de musique vocale de caractère naïf, sentimental, élégiaque, « touchant », tendre, « disposant les cœurs à l’attendrissement »5, une définition fortement influencée par celle de Rousseau, dont le rôle dans la naissance de la romance est primordial, et qui écrit en 1768 à l’article « Romance » de son Dictionnaire de musique :

Air sur lequel on chante un petit Poeme du même nom, divisé par couplets, duquel le sujet est pour l'ordinaire quelque histoire amoureuse et souvent tragique. Comme la Romance doit être écrite d'un style simple, touchant, & d'un goût un peu antique, l'Air doit répondre au caractere des paroles ; point d'ornemens, rien de maniéré, une mélodie douce, naturelle, champêtre, & qui produise son effet par elle-même, indépendamment de la maniere de la Chanter […] Un sujet galant, plutôt mélancolique, la recherche d’une expression vraie, simple, naïve.6

Jean-François Marmontel (1723-1799) confirme cette définition dans son Nouveau Dictionnaire, de 1776, en écrivant que la romance « est communément le récit de quelque aventure amoureuse, [son] caractère est la naïveté ; tout doit être en sentiment »7.

Neuf ans plus tard, en 1785, Étienne de Lacépède (1756-1825) reprend toutes les caractéristiques exposées dans les définitions précédentes en soulignant lui aussi le caractère « touchant », « tendre », « naïf » et d’extrême simplicité de la romance, mais en y voyant surtout la renaissance d’une chanson moyenâgeuse d’amour « triste » et « mélancolique », et d’une chanson de femme :

Si au contraire la chanson doit porter le nom touchant de Romance, ce nom si cher aux ames sensibles, & qui leur rappelle tant de pleurs & de charmes, que le Musicien lui donne un mouvement lent, une apparence naïve. Presque toujours la romance fut employée à raconter des événemens douloureux, à peindre des affections tristes ; que le musicien se pénètre d’une douce mélancolie avant de la composer ; qu’il n’y répande que peu de notes ; qu’il ne s’y serve que de sons très-rapprochés ; que la voix, en la chantant, puisse de temps en temps s’arrêter pour imiter la démarche incertaine du chagrin ; que l’on ne paroisse proférer qu’une complainte affectueuse : s’il y mêle des accompagnemens, qu’ils suivent la voix sans la troubler ; qu’ils n’attirent point l’attention ; qu’ils la laissent s’attacher toute entière à cette voix touchante dont l’expression peut être augmentée, mais ne doit jamais être voilée ; qu’il se souvienne que la romance remplissoit sa véritable destination, lorsque dans des temps plus simples que les nôtres, où l’innocence étoit plus pure, où l’amour étoit plus tendre, une beauté timide s’en servoit pour peindre ses affections secrètes, lorsque dans une des retraits antiques de la valeur & des vertus, veillant seule à la clarté d’une lampe confidente, où devançant l’aurore dans un vallon romantique, elle l’employait pour soupirer ses tendres amours, pour parler avec les fleurs de ses craintes amoureuses, pour entretenir d’une tendresse qu’elle n’avoit pas encore osé déclarer, les échos de ces lieux à demi sauvages, pour leur faire redire, en gémissant amoureusement, le nom chéri du jeune héros que son cœur adoroit, & qui loin de sa patrie étoit allé dans les combats chercher la gloire & mériter son amante.8

Sous le Consulat, on découvre dans le Journal de Paris, du 17 février 1802, une autre importante définition toujours parfaitement conforme aux idées de Rousseau :

L’air d’une romance doit offrir une mélodie naturelle et facile qui permette à tout le monde de la chanter sans que personne puisse courir le risque de la dénaturer et d’en détruire l’effet en la chantant mal. 

Ce caractère qui semble presque exclusif de chanson d’amour naïve et sentimentale présent dès l’origine9 s’accompagne de caractéristiques poétiques et musicales qui vont perdurer pendant toute l’histoire du genre, de l’Ancien Régime avec les romances de François-Augustin de Paradis de Moncrif10, et de Charles Delusse11, traversant sans réels changements la Révolution12, la Première République, le Premier Empire, et la Monarchie de Juillet avant de décliner à la fin de celle-ci en raison d’autres bouleversements sociaux tels que la montée de la bourgeoisie, l’émergence de la mélodie, un genre très supérieur, plus savant, plus professionnel surtout, et la concurrence du Lied, même si la musique allemande et son plus remarquable représentant, Franz Schubert, sont encore très mal connus en France. Ceci ne l’empêchera pas d’être encore très présente et très appréciée sous le Second Empire13. Enfin, en 1813, après un bon siècle d’existence, nous trouvons encore chez le baron Thiébault cette définition toujours parfaitement conforme à Rousseau :

Quant aux paroles, c’est un petit poème lyrique, renfermé en peu de couplets, presque exclusivement consacré à l’amour heureux ou malheureux, et destiné à rendre des impressions tendres ou mélancoliques, c’est-à-dire à émouvoir par un récit touchant ou par la peinture d’une affection douloureuse on sentimentale ; quant à la musique, c’est le chant du sentiment, c’est-à-dire un chant naturel, simple, bien adapté au sens des paroles, à leur expression, et à la prosodie, dont la grâce fait le plus grand mérite, et qui, selon les paroles, doit, avec plus ou moins de véhémence, être triste, délicat, naïf, tendre ou mélancolique.14

Plus intéressant encore, Thiébault complète cette définition par une distinction entre la romance, la chanson et l’ariette :

… la romance, toute d’expression, de grâce, d’abandon et de sentiment, doit être simple, tendre et mélancolique ; la chanson, familière et badine, doit être vive, légère et spirituelle ; l’ariette, toute d’étude, d’amour-propre et d’ostentation, pour laquelle les paroles ne sont qu’un canevas, doit être riche de mélodie et d’harmonie, et remarquable par une exécution supérieure [car,] brillante, hardie, [elle] est la nymphe des cours et requiert un grand théâtre15.

Précisons une dernière fois ces caractéristiques de la romance, toutes parfaitement conformes aux écrits de Rousseau et qu’il illustre dans le recueil posthume à grand succès des Consolations des misères de ma vie ou Recueil d’airs, romances et duos (1781) : la simplicité de tous les paramètres musicaux, la brièveté, une facture calquée sur celle de la chanson populaire, une harmonie réduite à sa plus simple expression, sans surprise, non « remplie », une forme strophique et limitée relativement tôt à trois couplets, mais comprenant parfois en alternance la présence d’un refrain, la priorité donnée à la parole sur le chant et la primauté absolue de ce dernier sur un accompagnement réalisé aussi bien au clavecin, à la harpe, à la guitare à la lyre qu’au luth ou au théorbe avant de l’être plus fréquemment au piano à partir de la Restauration.

Rousseau, dont on sait à quel point il était adversaire de toute musique instrumentale, parle même d’assujettissement de l’accompagnement à la mélodie ; car aussi réduit qu’il soit, celui-ci n’a pour effet que d’« affaiblir » le charme d’une romance pour laquelle « il ne faut qu’une voix juste, nette, qui prononce bien, et qui chante simplement »16.

Relevons cette importance donnée à la prononciation qui n’est qu’un effet de la priorité accordée par Rousseau à la parole sur le chant et à la mélodie sur l’harmonie17. C’est principalement ce talent de « dire à merveille » qui fit la grande réputation du chanteur Fabry-Garat sous l’Empire, davantage que ses qualités proprement musicales, lesquelles n’étaient pourtant pas négligeables.

Le dilettantisme d’un grand nombre de compositeurs de romances fait d’ailleurs douter que certains d’entre eux aient eu des notions d’harmonie suffisantes pour écrire l’accompagnement de la mélodie qu’ils inventaient. On sait qu’Hortense de Beauharnais18, n’a composé en 1807 que la mélodie de sa fameuse romance Partant pour la Syrie.

Partant pour la Syrie, Musique des équipages de la flotte de Toulon, 2022.

Il est tout aussi improbable, parce qu’il s’agit d’une vision anachronique de l’histoire de la composition, que la reine Marie-Antoinette19 en ait fait auparavant davantage pour sa charmante romance C’est mon ami (« Ah, s’il est dans votre village ») sur un texte de Jean-Pierre Claris de Florian (1755-1794) et qui était à l’origine accompagnée à la harpe (1773). On la connaît aujourd’hui dans une version pour chant et piano réalisée un siècle plus tard, en 1871, par le folkloriste Jean-Baptiste Weckerlin, mais elle a sans doute passé comme bien d’autres par l’étape quasi obligée à cette l’époque qui consistait à n’écrire tout d’abord qu’une basse simple ou chiffrée sous la mélodie. C’est du reste ainsi, avec une simple ligne de basse, qu’avait paru en 1781 le recueil des Consolations des misères de ma vie de Jean-Jacques Rousseau. Celui-ci ne prétendait-il pas que « naturellement il n’y a point d’autre harmonie que l’unisson » que remplir l’harmonie « n’aboutit qu’à faire du bruit », que « l’harmonie est une invention gothique et barbare » et que « s’il nous faut des accords, c’est que nous avons le goût dépravé » ?

Le cas le plus célèbre d’une romance composée par étapes successives entre une mélodie et un accompagnement dus à des auteurs différents nous est fourni par une de celles que l’on chante encore de nos jours, Plaisir d’amour, initialement connue comme La romance du chevrier, dont le texte provient de la Célestine, parue en 1784, dans le recueil Les Nouvelles de M. de Florian (Jean-Pierre Claris de Florian) et mis en musique la même année par Jean-Paul-Egide Martini (Johann Paul Ägidius Martin ou Johann Paul Ägidius Schwarzendorf). Elle paraît l’année suivante sous le simple titre de Romance dans Etrennes de Polymnie, recueil de chansons, romances, vaudevilles […] gravés avec de la musique nouvelle, avec un accompagnement de guitare composé par Ange-Etienne-Xavier de La Chabeaussière (1752-1820). Quant à Martini « Il Tedesco », comme il aimait à se faire appeler, il aurait été, selon Fétis, « le premier qui a publié, en France, des romances et des airs détachés avec un accompagnement [entièrement écrit] de piano »20.

Jean-Paul-Egide Martini, Plaisir d'amour, par Angela Gheorghiu (soprano) et Alexandra Dariescu (piano), 2019.

Les premiers compositeurs français de romances étaient en effet soit de purs amateurs puisqu’il suffisait d’un minimum de connaissances techniques pour en composer, ou de remarquables chanteurs professionnels, conformément au principe régissant la formation de n’importe quel répertoire instrumental qui veut que la base de ce répertoire ait toujours été constituée d’abord par les œuvres que d’excellents instrumentistes écrivaient pour eux-mêmes, puis dans certains cas par les transcriptions d’œuvres vocales21 et ensuite seulement par des compositeurs de métier beaucoup plus qualifiés, parfois même brillants, jouissant de leur vivant d’une grande réputation, mais considérés malgré tout aujourd’hui comme des compositeurs de second plan.

Commençons par le groupe des chanteurs. Parmi ces excellents professionnels du chant, mais amateurs en composition, ou compositeurs de moindre importance, ceux qui se sont taillés une réputation enviable sont :

Egidio Giuseppe Ignazio Antonio Albanese, dit Antoine Albanese (Albano, 1728 ou 1829 – 1800 ou en 1803), est un castrat italien attaché à la musique du roi pendant une trentaine d’années).

Antoine Albanese, Les tendres souhaits, sur un poème de Charles-Henri Ribouté, Claire Lefilliâtre (soprano), Le Poème harmonique.


Pierre Gaveaux (Béziers, 9 octobre 1760 - Paris, 5 février 1825), ténor et compositeur.

Henri-Phillipe Gérard (Liège, bapt. 9 novembre 1760 – Versailles, 11 septembre 1848), professeur de chant, théoricien et compositeur d’origine belge.

Pierre-Jean Garat (Bordeaux, 26 avril 1762 - Paris, 1er mars 1823), est un baryton ténorisant capable de chanter dans tous les registres, de la basse-taille à la haute-contre. Malgré son grand talent d’interprète il disait lui-même n’avoir reçu presque aucune éducation musicale et « être totalement ignorant de la science musicale », bien qu’il ait suivi des cours d’harmonie auprès du directeur du théâtre de sa ville natale. Ayant commencé sa carrière dans les salons de l’aristocratie avant la Révolution, il ne composera par la suite que des romances en raison de son peu d’instruction alors que son répertoire de chanteur était beaucoup plus vaste.

Pierre-Jean Garat, Il était là !, Coline Dutilleul (soprano), Pernelle Marzorati (Harpe), Festival de Pentecôte, au Château de Bois-Préaux, mai 2023.

Charles-Henri Plantade (Paris, 19 octobre 1764 – Paris, 18 décembre 1839), également violoncelliste, harpiste et surtout claveciniste, s’est montré extrêmement prolifique comme auteur de romances. Leur nombre atteint, ou peut-être même dépasse 350. On lui reconnaît comme qualité première le développement de la partie d’accompagnement qui tranchait sur le manque généralisé d’intérêt que celle-ci présentait à l’époque. Son fils Charles-François devint lui aussi un compositeur de romances honorablement connu mais n’obtint jamais un succès comparable à celui de son père.

Charles-Henri Plantade, Bocage que l'aurore, Stéphanie d'Oustrac (mezzo-soprano), Thibaut Roussel (guitare).


Innocent Gaspard François Valentin Lamparelli (Rome, 15 avril 1767 – Vitry-le-François, 25 décembre 1832), parfois connu sous le nom d’Antoine Lamparelli, s’établit en France comme professeur de chant à partir de 1796 où il compose onze recueils de romances et de chansonnettes italiennes. Il est cependant l’un des premiers à utiliser le terme de mélodie pour une publication à Paris dans l'Almanach lyrique des Dames en 1817 de quelques « Mélodies avec accompagnement de harpe ou de piano en compagnie d’autres compositeurs de romances tels que Guillaume Gatayes, Courtin, Lafont, Victor de C***, Plantade, Meurger, Pacini, Darondeau, Sophie Gail, Naderman, Ficher, Fabry-Garat et Lefebvre.

Henri Benoit François Darondeau (Strasbourg, 28 février 1779 – Paris, 30 juillet 1865), professeur de chant, pianiste et arrangeur au Théâtre des Variétés à Paris.

Joseph Dominique Fabry Garat, dit « Fabry-Garat » (Bordeaux, 29 octobre 1772 - ?) est le frère cadet de Pierre-Jean Garat et comme lui chanteur et compositeur de romances. Comme lui aussi, mais à un degré plus marqué, il était, en composition surtout, un véritable amateur mais ses lacunes ne l’ont pas empêché d’écrire huit recueils de romances à succès. Un tableau peint vers 1808 d’Adèle Romany (Adèle de Romance) le représente chantant et s’accompagnant lui-même à la lyre.

Joseph Dominique Fabry Garat, Plainte à Hortence, Lorna Anderson (soprano), Malcolm Martineau (piano), 2016.

Alexis de Garaudé père (Nancy, 21 mars 1779 – Paris, 23 mars 1852). Chanteur de la chapelle impériale et royale puis professeur de chant et auteur de manuels de chant, il compose surtout des romances mais aussi des œuvres pour piano, des œuvres religieuses, dont une Messe solennelle et un opéra. A ne pas confondre avec Alexis Albert Gauthier Colombelle (1821–1854), également compositeur sous le nom d’Alexis de Garaudé fils.

Jean ou Jacob Auguste Andrade, né à Saint-Esprit, 12 août 1793 – Paris, 11 janvier 1843), chanteur (ténor), de la Société des Concerts du Conservatoire, professeur de chant et compositeur. 

À la catégorie des compositeurs de romances de moindre compétence et aujourd’hui à peu près oubliés, appartiennent,

Nicolas-Médard Audinot (1732-1801).

Claude Joseph Rouget de Lisle (1760-1836), qui donnait plutôt dans le genre héroïque et n’en a composé que six.

Jacques Marie Beauvarlet-Charpentier (1766-1834)

Henri (Heinrich) Domnich (1767-1844)

Henri Montan Berton (1767-1844), à ne pas confondre avec Pierre Montan Berton (Maubert-Fontaine, bapt. 7 janvier 1727 - Paris, 14 mai 1780), d’abord basse-taille puis violoncelliste et chef d’orchestre).

Henri Montan Berton, Couplets de l’opéra de La Romance, « Mon cœur s’ouvrait au sentiment », David Jacques (guitare), Magali Simard-Galdès (soprano), 2019.


Martin Pierre d’Alvimare (1772-1839), harpiste, claveciniste et compositeur.

Martin-Pierre Dalvimare, Mon coeur soupire, Claire Lefilliâtre (soprano), Stéphane Fuget (piano), La Nouvelle Athènes, 24 février 2021.


Jacques Nicolas Goulé (1774-1818)

Georges Joseph Laurent Lambert (1779-1852)

François-Joseph Naderman (Paris, 5 août 1781 – Paris, 2 avril 1835) et son frère Henri (1783-1841) sont tout d’abord élèves du célèbre virtuose Jean-Baptiste Krumpholtz puis professeurs et facteurs de harpe, inventeurs de la harpe « mécanique à sabots », à l’origine de la création d’une classe de cet instrument au Conservatoire de Paris et éditeurs. Comme compositeur, mis à part les ravissantes pièces pour son instrument, François-Joseph Naderman ne fut attiré que par la romance.

Antoine Joseph Michel Romagnesi, dit Antoine Romagnesi (Paris, 1er septembre 1781 – Paris, 9 janvier 1850) est l’auteur d’au moins 200 romances et chansonnettes, voire davantage selon d’autres sources. « Pendant quelques années », écrit Fétis dans Curiosités de la musique (p. 322) « il sembla être le seul qui écrivît ; […] à peine se doutait-on qu’il y eût d’autres musiciens qui en composassent. » Il est également l’auteur d’un traité très important imprimé à Paris chez Duvergé en 1846, L’Art de chanter les romances, les chansonnettes et les nocturnes et généralement toute la musique de salon, accompagné de quelques exercices de vocalisation, et suivi de dix romances pour servir d’application aux principes de la méthode, dans lequel il a soin de différencier les types de chansons de son temps, soit, en premier bien sûr « les romances sentimentales », puis « les mélodies rêveuses et graves », « les chants héroïques et fortement rythmés », « les romances passionnées et dramatiques », « la chansonnette » et « le nocturne ».

Antoine Romagnesi, Le Tombeau de Joséphine, Sabine Devieilhe, Les Lunaisiens, 2021.


Giuseppe Marco Maria Felice Blangini (Turin, 18 novembre 1781 – Paris, 18 décembre 1841), compositeur italien dont les très nombreuses romances eurent autant de succès en Allemagne et en Italie qu’en France. Il fut également l’auteur d’un grand nombre d’opéras-comiques mais ne « perça » jamais vraiment dans ce genre. 

Felice Blangini, C'est une misere que nos jeunes gens, Patrice Michaels Bedi (soprano), David Schrader (piano), 2000.

Amédée Louis Joseph Rousseau, dit Amédée de Beauplan (Beauplan, 11 juillet 1790 – Paris, 24 décembre 1853) n’est pas uniquement compositeur mais aussi auteur dramatique et peintre. Il est également l’auteur de plusieurs vaudevilles et de deux opéras-comiques.

Alphonse Meurger (1792-1827)

Édouard Bruguière (1793-1868)

Édouard Bruguière, Le Printemps Arrive, Suzanne Danco (soprano), Ester Orel (soprano), Francesco Molinari-Pradelli (piano), 1957.

Jacques Auguste Delaire est surtout l’auteur d’un traité, Histoire de la romance considérée comme œuvre littéraire et musicale, paru en 1845.

Frédéric Bérat (1801-1855), de la production considérable duquel on ne chante plus guère aujourd’hui que sa fameuse « Ma Normandie » (1836).

Frédéric Bérat, Ma Normandie, par Luis Mariano.

Le troisième et dernier groupe intéressera sans doute davantage la plupart des lecteurs, car il s’agit de ceux dont les noms sont restés dans l’histoire et dont les capacités leur ont permis de s’illustrer également dans d’autres genres « légers » datant de l’époque de la foire Saint-Laurent et ayant une relation directe avec la romance, le vaudeville [voix-de-ville, i. e. chanson qui court la ville], un type de chanson populaire remontant à des temps encore plus anciens23 la comédie en vaudeville et surtout l’opéra-comique, qui s’impose dès 1760 environ comme le genre principal, qu’ils ont tous pratiqués et qui a son équivalent allemand dans le Singspiel. À peine ces genres auront-ils passé en Russie qu’ils y deviendront les genres dominants et y constitueront la base même du théâtre musical jusqu’à l’avènement des « pères » de l’opéra russe, Verstovski et Glinka. Ces compositeurs, tous tentés par l’opéra-comique, couvrent toute l’histoire du genre de la romance qui s’étend sur plus d’un siècle et demi, comme l’énumération suivante des principaux d’entre eux permet de le constater :

Egidio Duni (1709-1775)

Jean-Joseph Cassanéa de Mondonville (1711-1772)

Jean-Jacques Rousseau (1712-1778)

Antoine Dauvergne (1713-1797)

François-André Danican Philidor (1726-1795), avait une autre passion : champion international d’échecs, capable de gagner même « à l’aveugle » les parties qu’il disputait, il fut considéré comme « le meilleur joueur du monde » après son match contre le Syrien Philippe Stamma en 1747. Comme compositeur, il est inclassable, mais l’histoire en a fait, avec Pierre-Alexandre Monsigny (1729-1817), un des principaux fondateurs de l’opéra-comique.

Pierre Gaviniès (1728-1800)

Pierre-Alexandre Monsigny (1729-1817)

François-Joseph Gossec (1734-1828)

André Ernest Modeste Grétry (1741-1813)

Nicolas Marie Dalayrac (1753-1809)

Nicolas Dalayrac, Les Canons, ou la réponse au salpêtre.

François Devienne (1759-1803)

Jean-François Lesueur (1760-1837)

Jean-François Lesueur, Hymne à la liberté, sur un texte de Nicolas François de Neufchâteau, par Gérard Chouquer, ? Pascal Bonnier (piano).

Luigi Cherubini (1760-1842)

Étienne Nicolas Méhul (1763-1817)

Rodolphe Kreutzer (1766-1831)

Louis-Emmanuel Jadin(1768-1853)

Louis-Emmanuel Jadin, Colas, Colas, sois moi fidèle, Maïlys de Villoutreys (soprano) et Clara Izambert (harpe), 17 juin 2020, studio 104 de la Maison de la Radio à Paris.

Ferdinando Paer (1771-1839)

Nicolas Isouard (1773-1818) Isouard avait deux filles compositrices, dont l’une au moins, Sophie-Nicole (1809 – ?), était très réputée pour ses romances.

Charles-Simon Catel (1773-1830)

François-Adrien Boieldieu (1775-1834)

François-Adrien Boieldieu, 2 romances : L’amour pour prix de ma défaite ; Les femmes justifiées, Lourdes Ambriz (soprano), Emmanuel Padilla Holguín (harpe).

Daniel-François-Esprit Auber (1782-1871)

Jacques Féréol Mazas (1782-1849)

Louis-Barthélémy Pradher (1782-1843)

Ferdinant Hérold (1791-1833)

Auguste Mathieu Panseron (1795-1859)

Auguste Mathieu Panseron, Sainte-Cécile, Danielle Talamantes (soprano), Igor Zubkovsky (violoncelle), Diane Winter Pyles (piano), 6 avril 2013, église presbytérienne de Vienne (Autriche).

Adolphe Adam (1803-1856)

Federico Monpou (1804-1841)

Francesco Masini (1804-1863), que l’on appelait « le Bellini de la romance »

Francesco Masini, Marguerite, Françoise Vanhecke (sopano), Jean Van der Schueren (guitare), Sint-Martinuskerk, Sint-Martens-Bodegem, 28 août 2021.

Joseph François Théodore Labarre (1805-1870)

Albert Grisar (1808-1869)

Joseph Dieudonné Tagliafico (1821-1900), utilisant plus fréquemment, mais souvent abusivement, le nouveau terme de « mélodie »

Victor Massé (1822-1884).

En revanche, rarissimes sont les grands noms qui ont sacrifié à la romance, et, paradoxalement, seulement à l’époque où elle laissait la place à la mélodie, même si, dans ce cas aussi, il faut veiller à ne pas se laisser tromper par le changement de terminologie. Notons toutefois comme quelque chose d’assez remarquable que ceux qui s’y sont prêtés sont précisément ceux qui ont le plus contribué à la faire disparaître, soit Franz Liszt, Gioachino Rossini et Giuseppe Donizetti durant leurs séjours à Paris, Hector Berlioz dans le prologue de Roméo et Juliette ou dans la « Romance de Marguerite » de La Damnation de Faust et Richard Wagner dans la « Romance à l’Etoile » de Tannhäuser.

Mais en France la romance est aussi l’affaire des femmes, ce qui est loin d’être un fait anodin en histoire de la musique puisque c’est le premier domaine où elles s’illustrent en grand nombre. Il convient de citer en premier lieu la reine Marie-Antoinette et Hortense de Beauharnais, mère de Napoléon III et reine de Hollande, qui fait publier un recueil non daté, mais d’avant 1816 de Romances Mises en Musique par elle-même, ornées d’aquarelles de sa propre main, ce qui contribuera fortement à promouvoir l’usage de la gravure dans l’édition musicale. Le rôle de ces pionnières aura été de toute première importance dans la diffusion de la romance et pour l’émulation qu’elles créent parmi les femmes bien davantage que par les quelques compositions partielles qu’on leur prête ; puis viennent, entre autres,

Caroline Wuiet (née Charlotte Pétronille Vuiet, Reims, 17 août 1768 - Saint-Cloud, 22 mai 1834), femme de lettres et compositrice, élève de Grétry.

Amélie-Julie Candeille (Paris, 30 ou 31 juillet 1767 - Paris, 4 février 1834), compositrice amateure, cantatrice, actrice, auteure dramatique et romancière. 

Julia Piston (c. 1800 – 1842), dont on sait peu de choses, si ce n’est qu’elle était guitariste et que son Air varié de Henri IV a obtenu beaucoup de succès.

Pauline Duchambge (Marie Barbe Charlotte Antoinette Pauline de Montet, Strasbourg, v. 7 octobre 1776 – Paris, 23 avril 1858), chanteuse, parolière et compositrice, élève de Luigi Cherubini, Jan Ladislav Dussek et Daniel-François-Esprit Auber et compagne de ce dernier, est l’auteure de près de 400 romances sur les textes des plus grands poètes de l’époque. Elle était l'amie de la poétesse auteure de romances (mais aussi actrice et chanteuse de romances), Marceline Desbordes-Valmore (1786-1859).

Pauline Duchambge, La Sincère, Françoise Masset (soprano), Claude Lavoix (piano), France Culture 2008.

Pauline Duchambge, par Robert Lefèvre.

Louise Françoise Puget, dite Loïsa Puget (Paris, 11 février 1810 - Pau, 15 octobre 1889). Son nom reste dans l’histoire pour avoir, en quelque sorte, industrialisé la romance. Son mari, Gustave Lemoine, écrivait les textes et leurs albums, édités par Meissonnier, « se déversaient par cargaisons et allaient porter la joie dans toutes les villes de province et dans les premières capitales de l’Europe » Paul Scudo, op. cit.

Edmée Sophie Gail (née Garre, Paris, 28 août 1775 – Paris, 24 juillet 1819), la meilleure d’entre elles, que l’on appelait « Sophie de la musique » ou « Sophie la laide » pour la distinguer de l’auteure de textes de romances Sophie Gay, la mère de Delphine de Girardin dite « Sophie de la parole » ou « Sophie la belle », laquelle était cependant assez bonne musicienne amateure pour mettre elle-même en musique quelques-uns de ses propres textes.

Elle est peut-être l’auteure française la plus connue de romances dont le talent a été largement reconnu à son époque et célébré par Fétis qui fut son professeur d’harmonie et de contrepoint à l’époque où elle décide de passer du statut d’amateure à celui de professionnelle. Elle commence par des romances et des chansonnettes mais ne compose pas moins cinq opéras entre 1813 et 1818.

Sophie Gail, N'est-ce pas d'elle, Maïlys de Villoutreys (soprano), Clara Izambert (harpe), 17 juin 2020, Studio 104 de la Maison de la Radio.

Avant la Révolution et pendant celle-ci, les romances ont parfois un succès phénoménal, en particulier, mais pas uniquement, auprès de celles qu’elles sont supposées charmer, les futures belles écouteuses des mélodies françaises des salons de la Deuxième République et du Second Empire. Ainsi, celui que l’on appelait « le roi de la romance », Charles-Henri Plantade, réussit en 1791 à vendre en quelques jours et dans tout le royaume près de 20 000 exemplaires de la romance qui lui apporte la célébrité, Te bien aimer, Ô ma chère Zélie. Un autre exemple, tout aussi éloquent, nous est fourni par la collection Ma Normandie de Frédéric Bérat dont il s’écoule 30 000 exemplaires en quelques semaines. Quant au chanteur et compositeur Giuseppe Blangini, il déclare dans ses mémoires avoir vendu son recueil Il est trop tard à l'éditeur parisien Leduc pour 200 francs, permettant ainsi à celui-ci de réaliser un bénéfice de 20 000 francs.  De tels succès sont cependant très éphémères, victimes d’une mode qui change rapidement ; chantées dans tous les salons pendant une huitaine, la plupart des romances sont oubliées et remplacées par d’autres la semaine suivante. Certaines, cependant, résistent très longtemps, comme la fameuse Partant pour la Syrie ou Le Beau Dunois24, une chanson de croisade écrite en 1807 dans le style troubadour qui fleurit surtout à partir de 1795, dont la mélodie sur un texte du comte Alexandre de Laborde, le librettiste préféré de ces femmes compositrices, est désormais réattribuée de manière probablement définitive25 à Hortense de Beauharnais. Jouée à satiété durant le Premier Empire et comme chant de ralliement des bonapartistes sous la Restauration, elle le fut ad nauseam en devenant l’hymne officieux du Second Empire en remplacement de La Marseillaise, alors interdite ; on l’entendit absolument partout, dans la rue jouée par des orgues de Barbarie et, dans les arrangements les plus divers, dans presque toutes les manifestations officielles, même encore en 1871 lors du départ en exil vers l’Angleterre de Napoléon III.

Le rôle des salons aura donc été primordial dans la diffusion du genre, non seulement en France, mais aussi en Allemagne et en Russie. La romance correspond en effet parfaitement à un mode de vie mondain axé sur le divertissement qui permettait aux membres d’une même classe sociale de se retrouver tout en leur offrant, avec la pratique d’un art, une alternative très appréciée à la conversation et aux jeux de société comme les cartes et le trictrac. Mais il ne s’agit pas uniquement de diffusion et pas non plus d’une adéquation casuelle ou fortuite. Si le salon n’a pas créé la romance, il l’a façonnée. C’est au salon que la romance doit toutes ses caractéristiques textuelles et musicales, ses sujets inspirés par la mode, la grande simplicité de sa forme et de toutes ses caractéristiques, une mélodie26 et une harmonie à la portée de n’importe quel amateur, un accompagnement lui aussi accessible à tous, joué par les instruments pratiqués par la plupart des assistants et présents dans tous les salons. Chacun pouvait ainsi se mettre en valeur auprès de ses pairs et divertir la compagnie. Il faut aussi rappeler que le concert public était encore très peu développé en France, freiné par le privilège de l’Académie royale de musique27 et que lorsqu’il commence à se généraliser, le genre qui obtient le plus de succès est l’opéra-comique qui consacre le triomphe de la romance. Avant de quitter la France, citons quelques-uns des salons aristocratiques les plus réputés qui pullulaient déjà avant la Révolution et qui revivent dans les riches hôtels du faubourg Saint-Germain sous le Consulat et l’Empire. On ne peut faire moins que de mentionner, par exemple en relation avec Napoléon Bonaparte, celui de sa première épouse, l’impératrice Joséphine de Beauharnais, qui se tenait une fois par semaine au château de la Malmaison, celui de son frère Lucien à l’hôtel de Brienne, rue Saint-Dominique entre 1802 et 1805, celui de Mme Récamier que Lucien fréquentait assidûment chaque fois qu’il était à Paris, ou encore celui de la comtesse de Salm, à partir de 1809 dans l’ancien hôtel de Ségur, rue du Bac, où les sœurs de l’Empereur, Caroline et Pauline, s’essaient à la romance. Mais quantité d’autres ont joué un rôle important, en particulier ceux de Louise de Montmorency, princesse de Vaudémont, une habituée de la rue du Bac qui ouvre son propre salon à Suresnes, du prince François Joseph de Caraman-Chimay, un excellent violoniste amateur dont le salon de la rue de Babylone, contrairement à ceux de Mme Récamier et de la Comtesse de Salm, plutôt littéraires, est essentiellement tourné vers la musique, de Talleyrand à l’hôtel Gallifet, 73 rue de Grenelle, de Mme Vigée-Lebrun, celui-là fréquenté surtout par des peintres.

En conclusion, la romance, par ses limitations originelles volontaires auxquelles elle restera toujours fidèle, a moins influencé le développement de l’art musical qu’elle n’a eu un fort impact social, notamment par la socialisation des femmes et le sentiment d’appartenance à une classe sociale bien définie. Pourtant, à l’origine, la romance n’excluait ni la chaumière ni la rue en permettant à tous de faire de la musique et en réunissant toutes les classes sociales dans un même engouement pour un art à la portée de chacun. En effet, même si ce sont principalement les classes cultivées qui dictent l’évolution de la romance dans les salons, « on la dit dans les Villes comme dans les hameaux ; on la répète dans les Palais ; et l’humble chaumière qui n’entendait jadis que des refrains gothiques se familiarise […] avec nos airs en vogue. »28 Cependant, le développement foudroyant de la mélodie à partir des années 1839-1840 va se révéler fatal à la romance de sorte que, à partir du milieu du xixe siècle, ce raz-de-marée de productions pour la plupart sans valeur commence à la faire considérer comme un art très inférieur, simpliste, stéréotypé, et les déclarations de mépris à son égard se font beaucoup plus nombreuses et sévères. En 1837 déjà, la parution d’un article de dévalorisation de la romance dans la Revue et gazette musicale de Paris dû à Ernest Legouvé lui porte un coup sérieux. D’autres personnalités influentes s’expriment en termes parfois très durs contre elle, par exemple Stendhal qui déclare : « J’abhorre ce qui est la romance française ». Aucun des principes originels du genre qui ont fait son succès n’échappe à la critique et il est parfois assez amusant de constater les multiples contradictions qui se font jour lorsqu’on brûle ce que l’on a adoré. Pauline Duchambge, pour ne prendre qu’elle en exemple, obtenait un succès inouï avec ses romances parfois de caractère exagérément sentimental et larmoyant : ne disait-elle pas d’ailleurs qu’elle les « composait avec ses larmes » ? Or, que va-t-on lui préférer désormais ? Les mélodies de Massenet qui feront fureur dans les salons auprès des dames et qui sont une musique totalement inécoutable aujourd’hui pour les mêmes motifs ! Mais si d’une part Massenet symbolise à lui seul le pire de ce que l’on peut reprocher à la romance, les siennes sont bien des mélodies : non seulement il introduit le cycle vocal allemand dans la musique française, alterne chant et déclamation, préfigurant le mélodrame, mais, excellent pianiste, développe considérablement la partie de piano et enrichit l’harmonie. Et ma foi, s’il fait encore systématiquement et presque uniquement appel à de détestables poètes (et poétesses) d’une mièvrerie insupportable, il n’est pas le seul dans ce cas. À cette désaffection de la romance contribue très fortement le fait qu’à partir de 1810 elle ne se développe plus vraiment alors que dès 1835 la connaissance de Schubert progresse rapidement en France dans les cercles cultivés, puis, grâce aussi en partie à Massenet, celle de Schumann. Il n’est guère nécessaire de recenser ici tous les témoignages de désaffection qui, au xixe siècle, une fois la mélodie bien installée, se multiplient sous la Deuxième République et le Second Empire, mais nous tenons à citer au moins celui-ci qui date de 1875 : « Aujourd’hui les fabricants de romances ont tué ce produit charmant, et le public, lassé de n’entendre que des inspirations sans vie, sans talent, sans couleur et sans portée, s’est tourné d’un autre côté et a recherché la chanson, genre plus franc, plus savoureux. »30 La désaffection se transformant rapidement en dédain puis en mépris, la romance, genre essentiellement aristocratique et de la haute bourgeoisie, tombe désormais au niveau de la musique populaire. Nous terminons donc ce petit aperçu de l’histoire de la romance par quelques remarques sur ce mépris dont on accable la musique populaire à partir du moment où la mélodie prend le relai de la romance dans la musique savante, car celle-ci subira le même sort dans plusieurs pays, en particulier en Italie, alors qu’en Russie se produira exactement le phénomène inverse, ce que nous examinerons dans l’article qui fait suite à celui-ci. S’il est vrai que vers 1830 environ, il y a encore à Paris des magazines qui ne diffusent à peu près que des romances, par exemple par l'éditeur et chanteur Antoine-Joseph Romagnesi avec L'Abeille musicale (à partir de 1828), La romance (1833/34) et Le Ménestrel (à partir de 1834), et qu’il ne faut pas négliger les chansonniers relativement nombreux au xviiie siècle dont il existe encore des exemples au xixe, c’est en effet seulement vers 1860 qu’apparaissent en France les premiers grands collecteurs nationaux de chants folkloriques, comme Jules Husson-Fleury, dit Champfleury (1821-1889) ; Louis-Pierre Graz (1833-?) ; Jérôme Bujeaud (1834-1880) ; Jean-Baptiste Weckerlin (1821-1910) et Julien Tiersot (1857-1936) dont les enquêtes se situent au tournant de siècle. Quelques rares compositeurs, mais eux aussi à la fin du xixe siècle seulement et à l’aube du xxe, participent à ces collectes, comme Vincent d’Indy en Ardèche et ses élèves Canteloube en Auvergne et Déodat de Séverac en Languedoc. Mais même ainsi on ne trouve par exemple dans la suite En Languedoc pour piano de Séverac (1903-1904) aucun emprunt au folklore local. Un constat dur mais juste formulé par Tiersot exprime bien ce qui constituera la parenté de la France avec l’Italie et l’immense différence de ces pays avec la Russie : « [les musiciens professionnels français] ignorent profondément tout ce qui a trait aux traditions populaires du pays au sein duquel ils vivent […] Ils professent à leur égard le plus profond dédain […] »31.

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François Buhler
20 juillet 2023

Suite de l’article :
La romance vocale en Allemagne, Italie et Russie.

Notes

1. Ce terme et celui de romancero sont fréquemment confondus et généralement utilisés dans une acception qui n’est la bonne ni pour l’un ni pour l’autre. En espagnol, le romance est une composition poétique formée d’octosyllabes (heptasyllabes selon la manière française de compter les pieds) dont les vers pairs sont assonancés et les vers impairs libres. Cependant le premier sens du mot est de désigner la langue espagnole, c’est-à-dire le castillan (l’équivalent ancien du terme roman pour désigner le français). L’expression en buen romance signifie donc « clairement », ce qu’un Français, si les choses étaient plus claires pour lui, traduirait par « en bon français ». Romancero désigne soit un auteur ou un chanteur de romances, soit un recueil de romances. Mais le terme générique désignant la romance en tant que pièce poético-musicale est romanza, comme en italien. Pour être complet, précisons le genre littéraire du roman se traduit en espagnol par novela.

2. Le terme passe au féminin dans le courant du xviie siècle.

3. Paradis de Moncrif, Choix de chansons à commencer de celles du Comte de Champagne, roi de Navarre, jusque & compris celles de quelques Poëtes vivans, Paris, 1755, p. 91.

4. Art. « Romance », Encyclopédie, ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers, éd. par Denis Diderot et Jean Le Rond d’Alembert, Neufchâtel, Faulche, 1751-1780, xiv, 1765, p. 343. L’article, non signé, a été attribué au baron Friedrich von Grimm sur la base des déclarations du philosophe au sujet de Moncrif.

5. Alexis de Garaudé, Nouvelle Méthode de chant, 1809.

6. Jean-Jacques Rousseau, Dictionnaire de musique, art. « Romance », in Collection complète des œuvres, Genève, 1780-1789, Du Peyrou / Moultou, vol. 9, p. 593-4 (consulté en ligne) ou art. « Romance », dans Dictionnaire de musique, Paris, Veuve Duchesne, 1768, p. 427.

7. Marmontel, Nouveau Dictionnaire pour servir de supplément aux Dictionnaires des arts et des métiers, Paris : Panckouche, 1776, p. 320. Cité par Laure Schnapper, Chanter la romance, Napoleonica, La Revue 2010/1 (no 7), p. 3-20.

8. Étienne de Lacépède, Poétique de la musique, 2 vol., Paris, Didot le jeune, 1785, i, p. 327-328.

9. Ce thème essentiel ne doit pas en faire oublier d’autres, concomitants, présents eux aussi dès l’origine mais qui lui sont subordonnés, comme le caractère patriotique ou la vogue du « style troubadour » évoqué par Lacépède qui fait florès dans les salons et préfigure avec ses légendes, ses moulins et ses châteaux en ruines et hantés, ses preux et ses chevaliers errants et solitaires le genre de la ballade romantique qui, le temps venu, fera imploser en Allemagne la forme du lied. Les troubadours du Languedoc peuvent du reste être considérés comme les très lointains prédécesseurs de la romance. En essaimant des castels provençaux au début du xiiie siècle dans tous les pays environnants à la suite de l’extermination des cathares dans la guerre des Albigeois, ils sont aussi les créateurs d’une lyrique vocale nouvelle partout où ils se réfugient, notamment en Allemagne avec l’apparition des Minnesänger qui ne font au début que germaniser leur production. Si l’on connaît en France surtout ceux qui fuient vers le Sud (Espagne, Portugal, Italie) du fait de notre méconnaissance de l’histoire détaillée des pays du centre de l’Europe et des pays slaves, d’autres s’enfoncent profondément dans l’Est jusqu’en Pologne et en Hongrie. La Russie aura elle aussi ses propres ménétriers, les skomorokhi, dont il ne sera pas fait mention dans la seconde partie de cet article puisqu’ils disparaissent, exterminés eux aussi, dès le début de la seconde moitié du xviie siècle, mais dont le souvenir ne cessera de planer sur la lyrique vocale populaire du siècle d’or russe.

10. François-Augustin Paradis de Moncrif (1687-1770), « qui eût été le premier s’il s’y était consacré entièrement » (Grimm) et s’inspira dans ses textes de modèles espagnols.

11. Charles de Lusse ou Delusse (c. 1720-1725 - c.1774) a laissé plusieurs recueils de romances. Voir https://www.musicologie.org/Biographies/d/de_lusse_charles.html

12. Cependant, à partir de la Restauration, « la mélodie est en général plus distinguée, plus longue et mieux sentie. Les cadences sont moins uniformes ; les modulations plus fréquentes ; les accompagnements, sans cesser d’être simples comme il convient au genre, sont plus variés et plus nourris. » Paul Scudo, « Esquisse d’une histoire de la romance », dans Critique et littérature musicales, Hachette, Paris, 1856.

13. Nous considérons pour notre part qu’il est abusif de prétendre que la romance a disparu parce qu’elle a été supplantée vers 1839-1840 par le genre plus savant de la mélodie. La romance s’est simplement transformée et adaptée à l’évolution sociale mais existe encore partout de nos jours, même si le terme qui la désigne a lui aussi changé, sauf dans les pays slaves. Car que sont les merveilleuses chansons d’Anna German, par exemple, sinon des « romances » du xxe siècle, comme on les appelle encore en Russie ?

14. Paul Thiébault, Du chant, et particulièrement de la romance, Paris, Arthus Bertrand, 1813, p. 43-44.

15. Ibid. Mais, comme le fait Damien Colas Gallet dans l’article cité dans la bibliographie, nous attirons l’attention du lecteur sur le fait que le terme d’« ariette » constitue un faux-ami entre Français et Italiens et désigne ici les airs virtuoses et spectaculaires à l’italienne.

16. Jean-Jacques Rousseau, article « Romance », Dictionnaire de musique, Chez la Veuve Duchesne, Libraire, Paris, 1768, p. 362.

17. Nous rappelons ici sa conception de la musique très brièvement et sans la commenter par quelques-unes de ses déclarations les plus célèbres : « toute musique nationale tire son principal caractère de la langue qui lui est propre », « c’est de la mélodie seulement qu’il faut tirer le caractère particulier d’une musique nationale » et « c’est principalement la prosodie de la langue qui constitue ce caractère ». Jean-Jacques Rousseau, Lettre sur la Musique française, Stock musique, Paris, 1979, p. 261 et 264.

Ce n’est pas, croyons-nous, s’avancer trop loin que de prétendre que si, par la suite, la musique est unie au théâtre et à la déclamation dans la fondation des principales écoles de musique dans les pays francophones, c’est en partie au moins « la faute à Rousseau ». Un exemple bien connu est celui de l’Académie royale de musique fondée le 28 juin 1669 par Louis XIV qui devient le 3 janvier 1784, moins de six ans après la mort du philosophe, l’École royale de chant et de déclamation puis le 3 mars 1806 le Conservatoire de musique et de déclamation et le reste pendant un siècle malgré une courte interruption entre 1831 et 1836 où les classes de déclamation sont supprimées, avant de prendre en 1934 le nom de Conservatoire national de musique et d'art dramatique. Ce n’est que le 7 octobre 1946 que l'art dramatique fait l'objet d'une structure indépendante, le Conservatoire national d’art dramatique.

18. Hortense Eugénie Cécile de Beauharnais (Paris, 10 avril 1783 - Château d'Arenenberg dans le canton de Thurgovie en Suisse, 5 octobre 1837). Reine de Hollande, duchesse de Saint-Leu, fille de Joséphine de Beauharnais et mère de l'empereur Napoléon III.

19. Marie-Antoinette Josèphe Jeanne de Habsbourg-Lorraine (Vienne, 2 novembre 1755 – Place de la Révolution, Paris,16 octobre 1793), reine de France et de Navarre de 1774 à 1791 puis reine des Français de 1791 à 1792. On prête aussi à sa confidente, la princesse Marie Thérèse Louise de Lamballe, la mélodie de la romance Bouton de rose mise en musique par Weckerlin quelques années après C’est mon ami. Peut-être, si elle y est vraiment pour quelque chose, n’aura-t-elle un jour au mieux que fredonné quelques notes en lisant un texte à la mode qu’on lui présentait et les courtisans se seront-ils empressés de lui faire un renom de compositrice ? Et qu’en est-il de Pauvre Jacques, « composé » en 1789 par la marquise de Travanet sur des paroles de Marie-Antoinette elle-même ou de sa belle-sœur, Madame Élisabeth ? La vraie romance n’est-elle pas plutôt dans les légendes dont on l’entoure ? Mais qu’importe, finalement, au regard du fait que les femmes pourront désormais en appeler à ces grands noms pour créer leurs propres œuvres.

20. Laure Schnapper, ibid.

21.La romance jouera du reste un rôle très important dans la formation du répertoire de nombreux instruments par la romance instrumentale ou « sans paroles ».

23. Comme par exemple Marc-Antoine Désaugiers (1742-1793), Joseph Denis Doche (1766-1825) et son fils Alexandre Pierre Joseph (1799-1849) qui transportera le vaudeville en Russie.

24 .Dunois était un compagnon d’armes de Jeanne d’Arc. Il n’est bien entendu jamais allé en Syrie.

25. La mélodie fut initialement attribuée à Hortense de Beauharnais, belle-fille de Napoléon qui a déclaré dans ses mémoires (Mémoires de la reine Hortense publiés par le prince Napoléon, 1834) l’avoir composée « à Malmaison pendant que sa mère jouait au tric-trac ». Puis le musicologue Arthur Pougin désigna comme auteur véritable de la mélodie Louis-François-Philippe Drouet (1792-1855), flûtiste à la cour de Louis, roi de Hollande. On s’explique aujourd’hui ce changement d’attribution par la misogynie bien connue de l’auteur et par son opposition au Second Empire. Concernant la popularité excessive de cette romance, la lectrice de la reine Hortense, Louise Cochelet, écrivait déjà dans ses propres Mémoires sur la reine Hortense et la famille impériale qu’elle « fut tant chantée que les orgues de Barbarie la répétaient sans cesse dans les rues, dans les promenades, en tous lieux. Enfin on en était poursuivi à tel point que, quoique l'air de cette romance soit charmant, on finissait par en être fatigué. »

26. Le 17 février 1802, le Journal de Paris donne cette définition essentielle de la romance, toujours parfaitement conforme à celle de Rousseau : « L’air d’une romance doit offrir une mélodie naturelle et facile qui permette à tout le monde de la chanter sans que personne puisse courir le risque de la dénaturer et d’en détruire l’effet en la chantant mal. »

27. La France, de ce point de vue, est en retard sur ses voisins, l’Italie, l’Allemagne et même l’Angleterre. À Paris, le privilège de l’Académie royale de musique limite la possibilité de concerts publics et encourage donc la vogue des salons et du concert privé, mais le Concert Spirituel connaît un important succès à partir de 1725. Il faut cependant attendre jusqu’aux années 1770 pour que des concerts qualifiés de semi-publics voient le jour grâce au Concert de la Loge Olympique et au Concert des Amateurs.

28. Le Souvenir des Ménestrels, treizième année, 1826, p. VI. Cité par Laure Schnapper, ibid.

29 Pierre Larousse, Grand Dictionnaire universel du XIXe siècle, Paris, 1875, art. « Romance ».

30. Voici quelques-uns de ces principaux chansonniers : la Clef des chansonniers, 1717 ; le Théâtre de la Foire, 1721 ; le Chansonnier français, 1760-1762 ; l’Anthologie française, 1765 ; le Petit Chansonnier français, 1778 ; la Clef du caveau, 1810, etc.

31. Cité par Patrick Mazellier, Des folkloristes aux collectes contemporaines de chansons populaires, p. 73.


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