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Les neumes

On désigne aujourd'hui par ce mot (au masculin) les signes avec lesquels on notait la musique au Moyen-Âge. Mais à cette époque, on désignait par neume (au féminin) des formules stéréotypées (une par mode) qui étaient chantées sur la dernière syllabe des antiennes aux cérémonies les plus solennelles. Elles n'étaient pas notées, mais connues par cœur des chantres.

Au départ, les neumes ne relèvent pas d'une volonté de noter la musique, les chantres, formés dans la tradition orale, connaissant leur répertoire par cœur n'en ont pas besoin.

Il s'agit pour le chantre d'avoir à l'office un livre équivalent à celui de l'officiant, ajoutant à la représentation graphique des mots, celle de la psalmodie. Ce n'est qu'au cours des temps que cette représentation est devenue une écriture de la musique, faisant basculer cet art de la tradition orale à la tradition écrite.

Diurnal de René II de Lorraine (1492-1493).

Les premières traces de cette pratique remontent à la charnière des viiie-ixe siècles, autant en occident que dans l'espace byzantin. Le creuset en serait plutôt franc, et correspondrait aux efforts d'unification de l'empire par Charlemagne, même si on y trouve une forte influence grecque, antiquité grecque qui sera de toute manière une source d'inspiration constante pour les érudits occidentaux, notamment pour la musique avec les traités compilés du grec au latin, par Boetius, qui eurent une immense notoriété.

Ces signes seraient dérivés des accentuations grammaticales : accent aigu (virga), représenté par « / », et accent grave (punctum) par « \ » qu'on aurait réduit à un simple point.

Les premières représentations neumatiques sont dites in campo aperto ou plus rarement chironomiques (gestuelles), c'est-à-dire que l'interprétation de leur signification ne dépend pas de leur spatialisation relative.

Graduel et antiphonaire de Compiègne, IXe siècle (Bibliothèque nationale de France, manuscrit Latin 17436, fo 23.).

Extrait de la section hivernale de l'antiphonaire dit d'Hartker, Saint-Gall vers 990-1000 (Sant Gallen, Stiftsbibliothek, Cod. Sang. 390, fo 17v.).

Sans qu'on puisse précisément en dater la pratique, les scriptoriums (ateliers de copie) ayant leurs propres usages et particularités, on est passé de la notation in campo aperteo à la notation diastématique, c'est à dire disposant spatialement les signes de bas (grave) en haut (aigu). Sans ligne, avec une ligne à la pointe sèche ou de couleur pour repère, ou plusieurs lignes.

Liber antiphonarium de toto anni circulo a festivitate sancti Aciscli usque in finem, dit antiphonaire mozarabe de la Cathédrale de León. Copié vers 960 (Catedral de León, ms. n° 8, désormais ACL 8).

Graduel de S Cecilia (Cod. Bodmer 74, Fondation Martin Bodmer, Comigny, Suisse), daté de 1071 à Rome, fo 17 v.

Liber cantus Chorj, graduel de la cathédrale de Palerme, XIIe siècle.

Les spécialistes reconnaissent des neumes liquescentes, qui auraient été employées dans le cas de la succession de deux consonnes, pour rendre liquide une articulation difficile, et les neumes d'ornementation (tremblements, gruppetto...), mais cela reste assez obscure, peut-être introduisons-nous des concepts inconnus à l'époque.

On trouve dans quelques traits du moyen-âge des tableaux récapitulatifs des neumes avec leurs noms, mais voici celui de l'édition vaticane du Graduel de 1903 :

Un manuscrit du xiie siècle conservé à la bibliothèque nationale de Vienne (ms. 1595, fol. 86v.) donne, sous forme de poème :

Eptophanus [= hemiphonus], strophicus, punctus, porrectus, oriscus;
Virgula, cephalicus, clinis, quilisma, podatus;
Scandicus et salicus, climacus, torculus, ancus;
Et pressas minor ac maior
non pluribus utor
[il ne m'en faut pas plus]

Michael Denis, Codices manuscripti theologici bibliothecae palatinae ..., Volume 1. 1795.

Eptophanus (corrompu = hemiphonus), semi-voyelle. C’est un neume liquescent à un mouvement ascendant.

Strophicus : ornement, répétition d'une note, repos sur la dernière.

Punctus : piqué, simple note.

Porrectus = étendu, se réfère bien à la forme allongée du neume, mouvement mélodique aigu-grave-aigu.

Oriscus : ornement.

Virgula = petite tige, note isolée, plus haute que celle qui la précède ou qui la suit.

Cephalicus, neume en forme de tête, neume liquescent, descendant.

Clinis = incliné, mouvement mélodique aigu-grave.

Quilisma, neume d’ornement.

Podatus = neume en forme de pied, mouvement mélodique grave-aigu.

Scandicus (scandere = monter), montée mélodique de trois notes ou plus.

Salicus, version ornementale du scandicus.

Climacus (de klimâkion= petite échelle), mouvement mélodique descendant de trois notes ou plus.

La graphie des neumes, on peut en décompter jusqu'à 600, n'est pas unifiée, elle change selon les époques, les lieux, les criptoriums influents.

Houdard Georges, L'art dit grégorien d'après la notation neumatique : étude préliminaire. Librairie Fischbacher, Paris 1897.

 

Neumes romaines et gothiques depuis le IXe siècle jusqu'aux temps nouveaux, dans Otto Ursprung, « Die Katholische Kirchenmusik », Handbuch der Musikwissenschaft, akademische Verlagsgesellschaft Athenaion, Potsdam 1931, planche V.

La démonstration concrète des formules vocales va laisser place à celle plus abstraite et universelle des notes, qu'on nomme traditionnellement dans les traités théoriques (de grave à aigu) :

A B C D E F G a b c d e f g aa bb cc dd ee ff gg

Mais sans donner les indications de durée, conjugué au sentiment d'un étagement des sons de gave à aigu, de bas en haut. Comme en témoignent deux folios du tonaire du manuscrit Latin 7211 conservé à la bibliothèque nationale de Paris.

Manuscrit Latin 7211, bibliothèque nationale de Paris, fo 127v. À la notation diastématique dite d'Aquitaine, s"ajoutent les noms de notes F (fa grave) c (do aigu), etc. Et au folio suivant...

Manuscrit Latin 7211, bibliothèque nationale de Paris, fo 128r, traduction de la page précédente en lettres dites guidoniennes (Olivier Culin, L'image musique, Fayard 2006, planches 21 et 22.)


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Bibliographie

Floros Constantin, The Origins of Western Notation (revu et traduit par Neil Moran). Peter Lang 2011.

Huglo Michel, L’absence de lettres significatives notkériennes dans l’école de Metz au IXe siècle. Dans Christian-Jacques Demollière (direction), « L’art du chantre carolingien. Découvrir l’esthétique première du chant grégorien », Metz, Éditions Serpenoise, 2004. p. 67-79.

Culin Olivier, L'image musique, Fayard 2006.

——, Essais sur la musique au Moyen-Âge, Fayard, Paris 2004.

Ferrand Françoise (direction), Guide de la musique du Moyen-Âge. « Les indispensables de la musique », Fayard, Paris 1999.


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Dimanche 21 Février, 2021