Il y a de bonnes raisons pour réunir ces deux œuvres comme pour les mettre en évidence : non seulement elles ont en commun d'avoir été écrites pour un clavecin à deux claviers, mais surtout elles forment à elles deux la seconde partie de la Clavierübung, publiée par Bach en 1735. C'est dire qu'aux yeux du compositeur lui-même, il ne s'agissait pas d'œuvres secondaires. Sans doute cette association était-elle aussi de sa part un manifeste (un de plus…) en faveur des « goûts réunis ».
L'Ouverture à la française en si mineur — ou plus exactement Ouverture dans le style français (Ouverture nach französischer Art ) BWV 831 — est en réalité une sorte de septième partita, et donc une grande suite comportant onze mouvements avec de nombreuses danses, françaises pour la plupart (gavottes, passepieds, bourrées, courante, gigue). Particularité : Bach sacrifie ici l'allemande règlementaire, mais il inclut une sarabande et conclut par un amusant Echo où il joue des contrastes dynamiques que permet un instrument à deux claviers. Tout cela nous donne une fort belle série de pièces où l'esprit français rêgne en maître, mais on peut se demander si l'œuvre, dont le moment fort est constitué par cette ample et formidable ouverture tripartite qui lui donne son nom, ne souffre pas un peu de sa longueur.
Ouverture dans le style français BWV 831(1), Sviatoslav Richter.Une critique qui ne viendrait à l'esprit de personne s'agissant du Concerto Italien en fa majeur BWV 971, de son vrai nom Concerto nach italianischem Gusto. Dans cette œuvre en trois mouvements, où, comme dans les concertos de Vivaldi qu'il prend pour modèle, deux mouvements vifs encadrent un mouvement lent, Bach revient à la manière italienne qu'il avait abondamment cultivée vingt ans plus tôt, mais ici il ne s'agit plus de transcrire tel ou tel concerto existant. Ce qu'entreprend le compositeur avec ce Concerto dans le goût italien, c'est d'arranger pour le clavecin un concerto de violon imaginaire, d'essence bien entendu très vivaldienne. La forme en est clairement reconnaissable dans le brillant premier mouvement, de même que dans l'éblouissant finale. L'admirable Andante central, rêveur et nostalgique, où l'on entend comme un long solo de violon avec un accompagnement de cordes en sourdine, évoque tout autant le modèle vivaldien. D'un bout à l'autre de cette œuvre dont la popularité n'est pas usurpée, on sent « la sérénité et la joie du maître en pleine maîtrise de son métier. »75 Et « c'est en ce Concerto Italien, mieux qu'ailleurs peut-être, qu'on saisira l'art avec lequel Bach sut réaliser la synthèse entre la clarté de style et la transparence mélodique italiennes et la solide architecture polyphonique germanique. »76
Concerto Italien BWV 971 (1er mouvement), Evgeni Koroliov.75. Geiringer Karl, Bach et sa famille : sept générations de génies créateurs (traduction par Marguerite Buchet et Jacques Boitel). Buchet Chastel, Paris 1955, p. 310.
76. DE PLACE ADELAÏDE, dans François-René Tranchefort (dir.), « Guide de la Musique de piano et de clavecin », Fayard, 1998, p. 66.
voir : Introduction - Inventions à deux et trois voix - Suites Anglaises - Suites Françaises - Partitas - Clavier bien tempéré - Variations Goldberg - Diptyques avec fugue - Toccatas - Petits préludes - Fantaisies, préludes ou fugues isolés - Suites isolées - Sonates - Les seize Concertos - Pièces diverses.
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Vendredi 5 Avril, 2024