Actualités musicaleslundi 11 février 2013Opéra et cinéma : Citations, scènes, imaginaires, affinités électives (appel à communications)
Journée d'étude coorganisée par le CELLAM (EA 3206) de l'Université Rennes 2 et l'Institut universitaire de France, le Centre de recherches en littérature et poétique comparées (EA 3931) de l'Université Paris-Ouest Nanterre, et l'équipe CIMArtS – ELLIADD (EA 4661) de l'Université de Franche-Comté Rennes, le 11 février 2013 Comité d'organisation : Aude Ameille, Pascal Lécroart, Timothée Picard et Emmanuel Reibel Pour Rennes : Jean Cléder et Timothée Picard Cette journée s'inscrit dans un double cadre : le programme « Opéra et cinéma », partenariat entre les Universités de Besançon, Paris-Ouest Nanterre et Rennes 2 ; la troisième édition du Festival « Transversales cinématographiques » consacrée au thème « Opéra et cinéma », partenariat entre l'Université Rennes 2, l'Opéra de Rennes, le Ciné-TNB et les Champs Libres (rétrospectives, concerts, conférences et tables rondes), et couplée au colloque « Verdi / Wagner, 1813-2013, images croisées » (Rennes, 11-17 février 2013). D'un point de vue chronologique, elle souhaite faire la jonction entre la journée de Besançon (5 avril 2013), consacrée aux premières décennies de l'histoire du cinéma, et celle de Nanterre (18 octobre 2013) dont l'objet est l'époque la plus contemporaine. Si l'une et l'autre journées sont toutes deux placées sous le signe des indécisions génériques, des hybridations, et des expérimentations, celle-ci souhaite explorer un aspect certes plus connu de l'étude des relations entre opéra et cinéma, particulièrement représenté en cette période intermédiaire, mais avec une ambition théorique et synthétique accrue : la question des usages, conceptions, et représentations de l'opéra au cinéma, qu'il s'agisse des « films d'auteur » ou du cinéma « grand public ». Il est nombre de films qui utilisent l'opéra à titre de citations, plus ou moins motivées par l'intrigue : si les usages les plus neutres font de lui avant tout un marqueur social (genre aujourd'hui considéré comme élitiste, l'opéra est associé à ce que Bourdieu appelle une « logique de la distinction ») ou un amplificateur émotionnel (depuis Rousseau, le chant est considéré comme le fruit beau et sincère de l'intériorité sensible, cliché qui se redouble lorsque l'opéra se trouve associé à des figures de femmes ou d'homosexuels – voir par exemple Philadelphie, 1993, l'un des premiers films consacrés aux ravages du sida), on recense aussi un certain nombre de citations qui, au risque de se figer en lieu commun dans les esprits, ont pris valeur d'exemplarité : c'est le cas, entre autres, pour l'utilisation de « l'air du froid » du Roi Arthur de Purcell dans Molière d'Ariane Mnouchkine (1978), de la « Chevauchée des Walkyries » par Coppola dans Apocalypse now (1979), de l'air de Paillasse dans Les Incorruptibles de Brian de Palma (1987), etc. De Senso de Visconti (1954) au Parrain III de Coppola (1990), de L'Heure du loup de Bergman (1968) au Temps de l'innocence de Scorsese (1993), et de Citizen Kane d'Orson Welles (1941) à Match point de Woody Allen (2005), il est ensuite des films qui contiennent de grandes « scènes d'opéra » : des morceaux de bravoure cinématographique qui se déroulent à l'opéra, et mettent en vis-à-vis, par un effet de « mise en abyme » significatif, l'intrigue de l'oeuvre citée et celle du film – un geste qui n'est d'ailleurs pas exclusivement réservé au cinéma d'auteur : voir, par exemple, Pretty woman (1990), où le personnage de prostituée joué par Julia Roberts peut se reconnaître dans l'héroïne de La Traviata, ou le « James Bond » Quantum of solace (2008), où, lors d'une représentation de La Tosca donnée au festival de Bregenz, le personnage maléfique de Scarpia vient se superposer à la figure du « méchant » joué par Mathieu Amalric. Il est encore toute une série de films qui font intervenir des personnages fictifs de chanteurs et divas (Romance, 1930, avec Greta Garbo, Diva de Beinex, 1980, La Tentation de Vénus, 1991), ou se déroulent dans le « lieu opéra » (voir, de Rupert Julian en 1925, à Joel Schumacher en 2004, en passant par Brian de Palma en 1974 et Dario Argento en 1998, les multiples adaptations auxquelles a donné lieu le roman semi fantastique de Gaston Leroux Le Fantôme de l'opéra, 1910 ; voir également, sous une forme irrévérencieuse, Une Nuit à l'opéra des Marx Brothers, 1935, ou, d'une façon autre, Et vogue le navire de Fellini, 1983). On dénombre également plusieurs « biopics » (« films biographiques ») plus ou moins romancés qui, de Maria Malibran (La Malibran de Sacha Guitry, 1944, La Mort de Maria Malibran de Werner Schroeter, 1972) à Maria Callas (Callas for ever de Zeffirelli, 2002, sans parler de divers projets en cours), portent sur des figures mythiques de l'art lyrique – et, à l'instar de ces films où les cantatrices Geraldine Farrar ou Maria Cebotari jouent elles-mêmes des personnages de cantatrices (quand ce n'est pas leur propre rôle), ces produits peuvent parfois se placer à la frontière de « l'autofiction ». A la pointe de ce mouvement de resserrement entre opéra et cinéma, on trouve le genre du « film opéra », et tous ses avatars. On le sait, sur ce terrain précisément, un certain nombre de défis esthétiques et socioéconomiques – tantôt posés dans l'absolu, tantôt tributaires de leurs temps – ont rendu et rendent encore leurs noces tumultueuses, objets de vifs débats. Elles sont néanmoins apparues comme suffisamment désirables pour avoir été contractées très tôt – paradoxalement, bien avant la naissance du film parlant (grâce à la synchronisation du film et d'un phonographe qui, dès 1908, permet l'existence d'un Trouvère) –, et riches de suffisamment de possibles pour avoir perduré sous des formes variées jusqu'à aujourd'hui, naissant et renaissant sans cesse à travers tout le XXe siècle. Parmi les motivations ayant présidé à de tels projets, on trouve cette « popularité » dont, au même titre qu'un certain nombre d'esthétiques « mélodramatiques » ou « épico-historiques », l'opéra a joui dans certaines cultures (particulièrement en Italie, mais aussi, favorisé par le régime, en URSS, etc. – voir notamment Sadko d'Alexander Ptouchko, 1951, Boris Godounov, 1954 et La Khovantchina, 1959, de Vera Stroeva, ou encore Eugène Onéguine de Roman Tikhomirov, 1959) jusque tard dans le siècle, si bien qu'au prix d'un certain nombre de compromis (adaptations, coupures, etc.) et d'un attelage habile de stars du chant et du cinéma (les héroïnes se voient servies à la fois par le timbre angélique de la Tebaldi et la plastique parfaite de Sophia Loren ou Gina Lollobrigida), le succès public et la rentabilité économique se sont montrés au rendez-vous. Le cinéma a alors pu bénéficier de la collaboration de stars de l'opéra (Tauber en Allemagne) qui gagnaient encore en notoriété. Certains chanteurs dotés d'un physique avantageux (de Franco Corelli à Plácido Domingo) ou réputés pour leurs talents de comédiens (de Tito Gobbi à Ruggero Raimondi) ont particulièrement bénéficié de cette sorte de collaborations, à laquelle de grands réalisateurs (Gance avec Thill, Pabst avec Chaliapine) ne rechignaient pas non plus. L'un des plus représentatifs sinon des plus inventifs en la matière est l'Italien Carmine Gallone (1886-1973) qui, au gré d'une production abondante, a à la fois pratiqué « l'opéra en prose » (on reprend la trame d'un opéra dans un film entièrement parlé, dont les rôles sont par exemple tenus par Anthony Quinn ou Lino Ventura), « le film paraphrase » (qui suit l'intrigue de « l'opéra source » de près, et lui adjoint certains de ses airs et thèmes musicaux les plus célèbres), et « le film opéra » en tant que tel qui, malgré quelques coupures, suit de près la partition de « l'oeuvre mère » (le plus souvent Verdi et Puccini), et est entièrement chanté. D'une certaine manière, Franco Zeffirelli (La Traviata, 1982, Otello, 1986) est le continuateur de cette veine, à laquelle Visconti lui-même (dont Zeffirelli, tout comme Francesco Rosi, réalisateur d'une célèbre Carmen, 1984, a été l'assistant) n'est pas entièrement étranger. Plus tard, à l'inverse (à partir des années 1970 et de la renaissance « moderne » du genre), c'est le désir – contesté par les puristes, à la fois dans les moyens et dans les fins – de démocratiser des objets et pratiques artistiques désormais considérés comme élitistes, qui a pris le relais. De Zeffirelli à Comencini (La Bohème, 1988) ou Frédéric Mitterrand (Madame Butterfly, 1995), ce souci, porté notamment par le producteur Daniel Toscan du Plantier, a été le point de départ de plusieurs films caractérisés par un académisme pédagogue (dans le bon sens des termes) qui n'exclut cependant pas quelques audaces. Certains d'entre eux souffrent de partis-pris esthétiques datés (Rigoletto de Jean-Jacques Ponnelle, 1983), tous n'ont pas rencontré le succès public attendu (Boris Godounov d'Andrzej Zulawski, 1989), mais certains représentent cependant d'incontestables réussites (Carmen de Francesco Rosi, Tosca de Benoit Jacquot, 2000). Aux côtés de ces excellents « artisans du cinéma », ou de ces amateurs éclairés que leur amour pour l'opéra a porté de l'autre côté de la caméra, on trouve également – et très tôt – de grands réalisateurs prêts à relever le défi du « film opéra » au moyen d'expérimentations diverses ou de relectures très personnelles des oeuvres adaptées. En plus des quelques noms déjà évoqués (Gance, Pabst – dont L'Opéra de Quat'sous, 1931, Rosi, Jacquot, etc.), il faut également citer Ophuls (La Fiancée vendue, 1932), Rossellini (Jeanne d'Arc au bûcher, 1954), Powell (Les Contes d'Hoffmann, 1951), Preminger (Carmen Jones, 1954, Porgy and Bess, 1959), etc. Après un moment d'éclipse (les années 1960), La Flûte enchantée de Bergman (1975) inaugure, à partir du milieu des années 1970, un nouvel âge d'or, représenté également par le Don Giovanni de Losey (1979) ou le Parsifal de Hans-Jürgen Syberberg (1982). De Buñuel à Herzog, Visconti à Bertolucci, Scorsese à Coppola, de Palma à Argento, Bergman à Téchiné, nombre de grands réalisateurs ont d'ailleurs entretenu des liens privilégiés avec l'opéra, soit parce qu'il joue un rôle essentiel dans la culture dont ils sont les héritiers (c'est évidemment le cas pour des réalisateurs italiens, italo-américains ou allemands), soit pour des raisons d'affinités personnelles particulières – quand ce ne sont par les deux à la fois. Pour cette journée, seront privilégiées :
2. les études monographiques synthétiques portant sur :
NB : la question des différents usages des musiques et figures de Verdi et de Wagner fait l'objet d'une demi-journée à part entière du colloque « Verdi / Wagner, 1813-2013, images croisées ». Tous les aspects ne seront pas abordés, mais ce corpus n'est donc pas considéré comme prioritaire. Les projets de communications (titre et résumé de 1000 caractères maximum) sont à adresser à Jean Cléder (jean.cleder@wanadoo.fr) et Timothée Picard (timothee.picard@gmail.com). Calendrier :
Pour mémoire : https://www.fabula.org/actualites/opera-et-cinema_51799.php https://www.fabula.org/actualites/verdi-et-wagner-1813-2013-images-croisees_49665.php https://transversalescinematographiques.blogspot.fr/ (mise à jour prochaine) Responsable : Timothée Picard et Jean Cléder (Rennes 2 / IUF, CELLAM, groupe Phi) Adresse : Université Rennes 2UFR ALCCampus VillejeanPlace du Recteur Henri Le MoalCS 24 30735 043 Rennes cedex.
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