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France 3 Bretagne, 11 décembre 2020 —— Frédéric Norac.

La chouette Dame Blanche de l’Opéra de Rennes

Dame BlancheLa Dame Blanche, Opéra de Rennes. Photographie © Rémi Blasquez.

Coproduite par la Co[opéra]tive, un regroupement de six scènes lyriques, cette nouvelle Dame blanche, moins d’un an après celle de l’Opéra Comique, aurait dû débuter sa tournée au Théâtre Impérial de Compiègne en novembre dernier, mais elle a fait les frais du couvre-feu puis du reconfinement. Second partenaire du projet, l’Opéra de Rennes a pris le parti d’en diffuser la générale en streaming live avec le soutien de La Fabrique ftv et de France 3 Bretagne, pour notre plus grand plaisir, mais aussi un peu d’énervement et de frustration dus à une transmission chaotique ou régulièrement l’image se figeait et dont la continuité faisait les frais de désagréables ruptures.

Il n’importe, avec un peu de persévérance, elle nous a permis de découvrir et d’apprécier une jeune distribution d’excellent niveau et une lecture orchestrale très étonnante. Avec des tempi et des phrasés inhabituels, dus bien sûr à l’utilisation d’instruments d’époque, l’orchestre des Siècles placés sous la direction de Nicolas Simon donne une vision entièrement renouvelée de la musique de Boieldieu aux couleurs ravivées. Cela est particulièrement frappant dans le grand air le plus célèbre de la partition, « Viens, gentille dame », où les cors légèrement âpres et un tempo nettement plus rapide associés à un rubato plus appuyé valorisent singulièrement le charme de la mélodie.

Du côté du plateau vocal, si l’équipe se révèle d’une belle homogénéité, on distingue singulièrement le jeune ténor malgache Sahy Ratia, au timbre chaud et rond, à l’articulation parfaite et au phrasé nuancé, maîtrisant l’aigu en voix mixte comme les aspects plus héroïques de l’écriture du rôle avec un naturel très séduisant. Lui répond dans le rôle-titre, l’Anna de Caroline Jestaedt, voix de soprano lyrique léger à qui l’on souhaiterait peut-être un peu plus de corps, mais qui ne démérite pas dans les aspects virtuoses de son rôle. On aime beaucoup la voix plus corsée de la Jenny de Sandrine Buendia ainsi que le Dikson de Fabien Hyon. Excellents la Marguerite de Majdouline Zerari (transformée en araignée géante filant devant sa toile) et le Gaveston de Yannis François (devenu un insecte à carapace). Une mention également pour le Mac-Irton bien caractérisé de Ronan Airault et le chœur Le Cortège d’Orphée qui malgré un effectif réduit ne donne jamais l’impression de manquer d’ampleur et de sonorité.

Dame BlancheLa Dame Blanche, Opéra de Rennes. Photographie © Rémi Blasquez.

Dans sa note de mise en scène, Pauline Vignaud dit avoir voulu introduire un regard « critique » sur les aspects conventionnels de l’œuvre en faisant réécrire les dialogues parlés par Pauline Noblecourt, introduisant quelques anachronismes et une certaine ironie qui fait souvent mouche. Si la transposition en « fable animalière » est prétexte à quelques jolis costumes (Cindy Lombardi), il n’est pas toujours évident d’identifier les animaux évoqués. Les ovidés et les bêtes à cornes du chœur des montagnards écossais sont à peu près reconnaissables de même que la chouette « Dame blanche » du rôle-titre, mais Georges Brown avec sa crête bicolore est-il un écureuil ou un putois et à quel insecte le méchant Gaveston est-il assimilé ? Reste un spectacle, vif et coloré, à l’esthétique surprenante et dont les aspects ludiques font en effet passer certaines naïvetés du livret pour mettre en relief la brillante partition si enlevée de Boieldieu.

Spectacle visible en replay sur la chaîne YouTube de FR3 Bretagne (Il faut passer 5 min d’écran fixe avant que l’opéra proprement dit ne démarre)

Le spectacle devrait être présenté à Besançon les 19 et 20 janvier et à Amiens le 5 février 2021 si la pandémie le permet.

Frédéric Norac
11 décembre 2020
© musicologie.org


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Mercredi 5 Octobre, 2022 3:13