Michel Rusquet, Trois siècles de musique instrumentale : un parcours découverte. IV. Entre Bach et Mozart.
Introduction ; sonates pour clavier ; autres œuvres pour clavier ; œuvres pour orgue ; musique de chambre ; œuvres concertantes ; les symphonies.
Carl Philipp Emanuel, à la différence de son aîné Friedemann, n'occupa jamais de poste d'organiste. On ne s'étonnera donc guère, dans son cas, du peu d'empressement manifesté pour les compositions destinées à l'orgue. Sa production en ce domaine se limite à une vingtaine de pièces, et, dans l'ensemble, il ne donne pas l'impression d'y être dans son élément. Sans doute, comme le suggère Gilles Cantagrel, « l'orgue lui paraissait-il trop lié au langage d'un passé révolu, impuissant à traduire les frémissements de l'âge nouveau. »19
Composées entre 1755 et 1758 et dédiées à la princesse Amélie, ces six Sonates omettent toute partie de pédalier car leur dédicataire, pourtant férue d'orgue, ne jouait paraît-il que manualiter. En réalité, leur écriture en fait des œuvres peu adaptées à l'instrument : « Les nombreuses batteries, les traits, les accords brisés, les modulations insolites irisant les mélodies rêveuses des mouvements lents, tout, à l'exception peut-être des indications forte et piano pouvant suggérer des oppositions de claviers, semble davantage fait pour le clavicorde ou le piano-forte. »20 Et en effet, il n'est pas rare aujourd'hui de voir des pianistes s'y intéresser, même si ces œuvres sont loin de s'élever au niveau des meilleures sonates pour clavier du musicien.
L'esprit d'Emanuel ne le portait guère aux grands développements contrapuntiques dont son père était si friand. Il a néanmoins écrit diverses fugues dont le style indique qu'il avait été à bonne école. Parmi elles, en dehors de quelques pièces d'attribution douteuse, on relève une fugue à trois voix en sol mineur (Wq 112/19), une Fughette sur le nom « C. Filippo E. Bach », et surtout les quatre fugues Wq 119/2 - 3 - 4 et 6 , de 1755, dont notamment la dernière, une triple fugue en mi♭majeur, au caractère grave et concentré, retient l'attention.
Passons sur les quelques préludes de choral (H 336 et 337), assez insignifiants au fond, pour mieux retenir trois œuvres isolées : un charmant petit Adagio (H 335), un puissant Preludio Wq 70/7 (H 107), et par dessus tout la fantaisie et fugue en ut mineur Wq 119/7 (H 103) qui impressionne par le caractère farouchement sombre et pathétique de son premier volet et par l'ample développement de sa fugue à quatre voix. « Une œuvre comme celle-ci, où l'héritage du passé est revivifié par les apports d'une pensée neuve et originale, ne fait que regretter que le musicien n'ait pas consacré à l'orgue davantage de son incontestable génie. »21
Carl Philipp Emanuel Bach, fantaisie et fugue en ut mineur Wq 119/7 par François-Henri Houbart , orgue Alfred Kern de Masevaux.Notice biographique Musicologie.org
19. Cantagrel Gilles, Guide de la Musique d'orgue, Fayard, Paris 2003, p.41
20. Cantagrel Gilles, op. cit., p.41
21. Cantagrel Gilles, op. cit., p.42.
Voir également : Wilhelm Friedemann Bach - Carl Philipp Emanuel Bach - Johann Christian Bach - Johann Christoph Friedrich Bach - Christoph Willibald Gluck - Franz Xaver Richter - Johann Ludwig Krebs - Gottfried August Homilius - Johann Gottlieb Goldberg - Johann Gottlieb Graun - Johann Adolph Scheibe - Joachim Bernhard Hagen
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Vendredi 31 Mai, 2024