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Actualités musicales

dimanche 24 août 2014

 

Musique de chambre à Giverny : Danses populaires et rendez-vous à Prague

Hier, 3e jour, troisième et quatrième concerts du 11e Musique de chambre à Giverny, Le premier à 15 h 30 à l'église Sainte-Radegonde, reine devenue none après avoir tué son frère. Dehors, le rocher côté portail guérit dit on les maladies de peau par attouchement. J'ai touché au cas où, bien que je n'ai rien à guerir... Mais le soleil est apparu. Selon un responsable municipal, ce serait plutôt grâce aux oboles qu'il verse (de plus en plus importantes selon lui, mai il n'a donné aucun chiffre). Le second à 20 h 30, dans l'église du magnifique village Notre-Dame de Lisle, où nous avons eu le plaisir de passer quelques nuits..

Notre Dame de Lisle

Côté concert il y avait un nombreux public à Giverny, moins nombreux à Notre-Dame de Lisle. Le festival confirme son incroyable engagement musical et la volonté de culminer dans l'art de l'interprétation, avec des moments de grâce.

Concert de 15 h 30 à Giverny

1. Béla Bartók (1881-1945), Danses populaires roumaines, pour cordes, BB 76

Composées pour piano à quatre mains en 1915 (BB 61), remaniées pour petit orchestre en 1917, arrangées pour orchestre à cordes par Arthur Willner en 1937. 1. Danse du bâton ; 2.  Danse du châle ; 3. Sur place ; 4. Dance de Buchum ; 5. Polka roumaine ;  6. Danse rapide 1 et 2.

Joe Puglia (1er violon), Kaja Nowak (1er violon), Sulliman Altmeyer (2e violon),  Eva Zavaro (2e violon), Emlyn Stam (1er alto), Hannah Shaw (2e alto), Michel Strauss (1er violoncelle), Amir Eldan (2e violoncelle).

Musique de chambre à Giverny 2014En répétition.

Bartók appréhende la musique populaire d'une manière moins touristique que le fait Dvořák. Il ne s'agit pas pour lui d'édulcorer et d'arrondir les angles des mélodies traditionnelles pour les hisser à la dignité académique. Dès 1907, il a entrepris des périples, pour enquêter et enregistrer les pratiques musicales paysannes, depuis la Pennsylvanie jusqu'au Maghreb, qui lui donnent la substance d'un langage multimodal, dérivé de ses enquêtes, mais aussi issu de sa propre invention, dans une esthétique souvent âcre et au premier degré, que l'on a pu juger violente quand on la découvrit.

2. Thierry Escaich (né en 1965), Scènes de bal, pour quatuor à cordes

Commande de Radio-France pour le Quatuor Ysaÿe, composées en 2001, diffusées en plusieurs fois par France musique entre les 25 et 29 juin 2001, créées en intégralité le 7 février 2002 à la Maison de Radio-France par le Quatuor Ludwig. 1. Vivacissimo, 2. Moderato energico (tango), 3. Andante, 4. Allegro moderato, 5. Allegro.

(1er violon), Eva Zavaro (2e violon), David Gaillard (alto), Hanna Dahlkvist (violoncelle).

Mirka Šćepanović à Giverny.Mirka Šćepanović à Giverny.

Eva ZavaroEva Zavaro à Giverny.

David GaillardDavid Gaillard à Giverny.

Hanna Dahlkvist à Giverny.Hanna Dahlkvist à Giverny.

Therry Escaich est à l'unanimité un musicien des plus doués et des plus talentueux. Il passe imperturbable à travers les polémiques technologistes et esthétiques qui ne cessent d'agiter le monde de la musique, en développant une personnalité musicale unique ne reniant ni passé ni présent, se souciant peu d'inventer l'avenir. Il peuple son univers musical. Un univers qu'on possède ou pas, mais qu'on n'invente pas avec des artifices rhétoriques. Concertiste, improvisateur recherché, professeur au Conservatoire national supérieur de musique, titulaire de l'orgue de l'église Saint-Étienne-du-Mont à Paris, aimant expérimenter dans le monde du jazz, de la variété, dans l'improvisation sur des films muets, ayant voici peu créé un opéra, Claude, sur un livret de Robert Badinter d'après Victor Hugo. Il doit se dire qu'il faudrait peut-être lever un peu le pied, mais qu'il sera toujours temps d'en décider.

Ses 5 Scènes de bal ne sont pas une restitution savante, bon genre à la  Dvořák ou mauvais genre à la Bartók, mais plutôt une réminiscence d'un monde que le compositeur a bien connu en tant que très jeune accordéoniste. On n'y retrouve pas spécialement la joie du bal populaire, le chaloupé gouape, la toupie à la parigot, ou la java main sur les fesses, mais une atmosphère fantomatique, quelque peur inquiète, voire impressionniste qui n'est pas totalement étrangère aux 5 pièces d'Erwin Schulhoff et peut-être au Bal, pièces de  la troupe du Théâtre Campagnol, magnifiquement mise en cinéma par Ettore Scola en 1983.

3. Erwin Schulhoff (1894-1942), 5 pièces pour quatuor à cordes

Composées en 1923, créées au Festival de la Société internationale pour la musique contemporaine, à Salzbourg, le 8 août 1924. Alia Valse Viennese (allegro), 2. Alla Serenata (allegretto con moto), 3. Alla Czeca (molto allegro), 4. Alia Tango milonga (andante), 5. Alia Tarantella (prestissimo con fuoco).

Michal Kajetan Bielena (1er violon), Mirka Šćepanović (2e violon), David Gaillard (alto), Hanna Dahlkvist (violoncelle).

Michal Kajetan Bielena à Giverny.Michal Kajetan Bielena à Giverny.

En 1923, après un séjour à Berlin, Erwin Schulhoff retourne à Prague, avec une épouse, un jeune fils et toujours la rage au coeur. Il a fait sa table rase, abandonné le style (« postromantique ») d'avant une guerre dont il est revenu révolté, y compris contre la musique romantique. Il est un pianiste apprécié, joue tant le répertoire classique que contemporain, du jazz, des pièces dadaïstes à faire pâlir John Cage qui a tout juste 11 ans. Il jouit d'une audience internationale. Avec le nazisme les choses se gâtent. Sa musique décrétée dégénérée est interdite, il est arrêté le 23 juin 1941, interné à la forteresse de Wülzburg. Atteint de tuberculose, il travaille encore à ses 7e et 8e symphonies avant de s'éteindre le 18 août 1942. Par chance pour son œuvre, les partitions qu'il avait apportées lors d'un séjour en Union Soviétique ont été retrouvées en 1962.

Ses cinq pièces qu'on pourrait aussi appeler « Scènes de bal » sont des pièces ou études caractéristiques flamboyantes avec en quelque sorte des commentaires qui ne manquent ni d'ironie grinçante ni de démesure.

4. Antonín Dvořák (1841-1904), Quintette à cordes « américain » en mi bémol majeur, opus 97

Composé aux États-Unis entre le 26 juin et le 1er août 1893, créé à New York par le Kneisel-Quartet, le 12 janvier 1894. 1. Allegro non tanto, 2. Allegro vivo, 3. Larghetto, 4. Finale, Allegro giusto.

Kaja Nowak (1er violon), Sulliman Altmeyer (2e violon), Hannah Shaw (1er alto), Emlyn Stam (2e alto), Michel Strauss (violoncelle).

Musique de chambre à Giverny 2014En répétition.

Jeannette Thurber (1850-1845), femme d'un richissime négociant en laine et présidente du Conservatoire national de musique d'Amérique qu'elle subventionne généreusement avec la fortune de son mari — ceci expliquant peut-être cela — rêve d'un style musical proprement américain. Elle fait appel à Antonín Dvořák, dont la musique, programmée depuis 1879 au Nouveau Monde jouit d'une grande notoriété. Elle lui offre le poste de directeur  artistique et de professeur de composition, dès octobre 1892, pour un salaire de 15 000 dollars annuels, ce qui est 25 fois ce qu'il perçoit au Conservatoire de Prague. Il a six enfants dont le plus âgé a treize ans, il se laisse tenter, débarque avec son épouse et deux enfants le 16 septembre, il prend ses fonctions comme prévu le 1er octobre, crée son Te Deum le 21 à Carnegie Hall et se met au travail. Il rassemble comme il peut du matériel musical traditionnel : chants des plantations du Sud, chant et tambours indiens, mélodies populaires, notamment de tradition irlandaise.

Il compose en 1893, le quatuor « américain » en fa majeur, opus 96, no 12, le quintette opus 97, également dit « américain », la sonatine en sol majeur opus 100, pour violon et piano. Anton Seidl dirige la 9e symphonie « Nouveau Monde » le 16 décembre 1893 à Carnegie Hall.

Suite à des difficultés financières, Mis Thuber a du mal à faire les poches de son mari pour payer Dvořák. Séjournant en Bohême, le compositeur décide d'y rester. Fin du rêve américain.

On devrait entendre dans cette œuvre des échos de musiques populaires américaines, de gospel des congrégations religieuses noires, des bribes de mélodies irlandaises, les tambours indiens (premier mouvement), des traits pentatoniques… Il est vrai que cette belle musique, lumineuse et simple évoque bien le mythe pastoral américain, résistance fantasque à une époque d'urbanisation, d'industrialisation et d'immigration massives.

 

Concert de 20 h 30 à Notre-Dame de Lisle

Prague est musicalement célèbre par les séjours de Mozart en janvier-février et octobre 1787, au cours desquels il dirige une représentation de Figaro, donne un concert avec sa symphonie  K 504, « Prague »,  accepte la proposition que lui fait l'impresario pragois Pasquale Bondini, de composer un nouvel opéra, y crée avec succès Don Giovanni le 29 octobre. Il en dirige même trois représentations. Mais en réalité le prestige musical de Prague ne se résume pas au mythe mozartien. Au xixe siècle, la vie musicale y est florissante (en partie grâce aux réformes émancipatrices de Joseph II). Son école d'orgue est remarquable, de nombreuses sociétés musicales de professionnels et d'amateurs sont actives, on y programme un grand nombre d'opéras, plusieurs périodiques musicaux jouent un rôle non négligeable (certains organisent des concerts). Surtout à partir du soulèvement de 1848, écoles, conservatoire, sociétés de musique allemandes et tchèques sont en concurrence.

1. Josef Suk (1874-1935), Čtyři skladby, 4 pièces, pour violon et piano, opus 17.

Composées en 1900. 1. Quasi Ballata (Andante sostenuto), 2. Appassionato (vivace), 3. Un poco triste (Andante espressivo, Moderato, Tempo I), 4. Burleska (Allegro vivace, Pochettino meno mosso, Tempo I)

Joe Puglia (violon), Jean-Claude Vanden Eynden  (piano).

Musique de chambre à Giverny

Josef Suk est tout d'abord mis à l'orgue et au violon par son père, avant d'intégrer le Conservatoire de Prague à l'âge de 11 ans. Il commence à composer trois années plus tard. En 1891-1892, Dvořák le dirige pour le diplôme final, avec en prime la main de sa fille Otylka en 1898. Suk mène une magnifique carrière de soliste, notamment au sein du célèbre Quatuor tchèque. Il sera professeur de composition au Conservatoire de Prague, membre de l'Académie des sciences, et docteur honoris causa de l'université de Brno.

Le matériel mélodique, voire rythmique de ces quatre pièces est plus bohémien que germanique. Il est constitué de très courtes cellules qui pourraient être empruntées à des comptines ou à des pas de danse, agencées en questions, réponses, conclusions, parfois de manière lancinante (particulièrement évident à l'oreille dans les nos 1 et 3).

Chacune de ces pièces est de forme ABA. Une exposition variée, une partie contrastée plus développée et concertante, retour à la première partie et coda conclusive.

La burlesque est un morceau de haute bravoure, où l'humour, rendu par des trivialités musicales,  est surtout perceptible dans la partie centrale.

 2. Krystof Maratka (né en 1972), Poèmes, pour violon et violoncelle.

Composés en 1994, pour violon et alto ou violoncelle. Création de la version avec violoncelle, mai 1995. 1. Naissance (Molto lento), 2. Printemps, 3. Danse, 4. Souvenir, 5. Conte, 6. ? (Molto lento).

Michal Kajetan Bielenia (violon), Michel Strauss (violoncelle)

Musique de chambre à Giverny 2014

Les œuvres de Krystof Maratka, privilégiant la musique de chambre,  sont aujourd'hui appréciées dans le monde entier. Pragois depuis  la naissance jusqu'à une bourse de l'Institut français qui lui permet en 1994 de continuer ses études musicales à Paris, il décide de continuer l'expérience en prenant la nationalité parisienne, mais continue certainement à importer sa bière et ses knedlík (Knödel).

Récipiendaire de nombreuses distinctions internationales et à la tête d'un important catalogue initié à la fin des années 1980, il est aussi un chef d‘orchestre accueilli par de nombreux orchestres : Philharmonie de la Radio Polonaise et la Philharmonia Pomorska de Bydgoszcz en Pologne, L'orchestre du Théâtre national de Prague et le Talich Chamber Orchestra, l'Irkoutsk Philharmonic Orchestra, l'Orchestre Jyväskyla de Finlande, le Nordenwest Philharmonie Herford en Allemagne, l'Ensemble Calliopé,  ou La Follia de Strasbourg en France …

3. Antonín Dvořák, Quintette avec piano en la majeur, opus  81 (B 155)

Composé en août et septembre 1887, créé à Prague le 6 janvier 1888, dédicacé au professeur Bohdan Neureuther. 1. Allegro (ma non tanto), 2. Dumka (Andante con moto, Vivace), 3. Scherzo : Furiant (Molto vivace), 4. Finale (Allegro).

Jean-Claude Vanden Eynden (piano), Maria Milstein (1er violon), Joe Puglia (2e violon), David Gaillard (alto), Amir Eldan (violoncelle).

Musique de chambre à Giverny 2014 Avant.

Après.

Les œuvres de Dvořák sont régulièrement jouées à Prague depuis 1871. En 1873, l'année de son mariage, sa cantate Dědicové bílé hory (Les héritiers de la montagne blanche) est une réussite qui le hisse parmi les compositeurs estimés. Toutefois, il ne réunit pas les fonds qui lui seraient nécessaires pour séjourner auprès de Franz Liszt à Weimar et doit enseigner dans une école privée. Il cherche à s'affranchir de l'influence wagnérienne avec un 5e quatuor à cordes intégrant des idiomes populaires, révise son opéra Le roi et le charbonnier, devenu ainsi selon lui une œuvre plus nationale que wagnérienne, détruit une partie de ses compositions, reprend la numérotation de ce qu'il conserve. Le succès est au rendez-vous de 1877, grâce en partie à l'appui de Johannes Brahms, avec les Danses slaves. Dix ans plus tard, peu de temps avant son départ aux États-Unis où il sera un temps professeur de composition et directeur musical du Conservatoire national, il s'occupe de nouveau à des révisions, remet sur le métier son quintette opus 5 (1872), dont en fin de compte, il tire ce nouveau quintette opus 81.

Il revient à la facture adoptée après 1873 : post-classicisme, inspiration brahmsienne et colorations populaires slaves. Signature d'un grand Dvořák avec une diversité mélodique chatoyante, une harmonie raffinée aux multiples éclats, des rythmes vifs, de brillants effets de timbre.

Premier mouvement à la coloration pathétique mené à partir d'un thème exposé par le violoncelle. Le second mouvement annonce son caractère de ballade élégiaque par son titre « Dumka », il est coupé par un épisode central enjoué. Le troisième mouvement, « Furiant », d'une danse populaire de couple tchèque, alternant mesures à deux temps et mesures à trois temps est ici plutôt une valse rapide, enchâssée d'un beau cantabile mélancolique.

Avec son accomplissement formel, un rare équilibre entre les cordes et le piano, ce quintette est un des joyaux de la musique de chambre du xixe siècle.

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