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Actualités musicales

vendredi 22 août 2014

 

Musique de chambre à Giverny sur la première corde

 

Le 11e Musique de chambre à Giverny a ouvert ses portes et ses jardins sonores hier soir. Un concert émouvant, parce qu'on y a honoré la mémoire de Raphaël Drouin, qui était une personne irradiant le festival depuis plusieurs années, unanimement aimée et admirée.

L'auditorium du musée des impressionnismes était plein, il a manqué de sièges... Miracle attendu, on a retrouvé le son, la puissance musicale, l'engagement qui prend aux tripes, toutes choses qui caractérisent cet événement. Magnifique programme inspiré, avec en ouverture la première série des Danses slaves de Dvořák dans la version originale à quatre mains, qu'on peut préférer à la version orchestrée qui écrase peut-être les couleurs harmoniques chatoyantes et l'extraordinaire invention mélodique du compositeur. En clôture, dans ce silence profond de la salle clouée d'émotion, le tragique trio opus 15 en sol mineur, pour violon, violoncelle et piano de Smetana, dans une interprétation bouleversante, par la perfection musicale, la conviction et la jeunesse des interprètes.

Les luthiers sont déjà à l'œuvre, sous l'autorité de Frank Ravatin. En dix jours de résidence, ils vont fabriquer le violoncelle qui sera vendu aux enchères en clôture de Musique de chambre à Giverny.

Luthiers à Gyverny

Ils sont venus de toute la France : Maurice Beaufort (Besançon), Francesco Coquoz, Michel Desplanches (Paris), Pascal Douillard (Le Puy en Velay), Pascal Lavigne (Grenoble), Nicolas Perrin (Boulogne-Billancourt), Frédéric Samzun (Inzinzac Lochrist), Jean Seyral,(Cagnotte).

Luthiers à Giverny

Luhiers à Giverny

Lutiers à Giverny

luthiers à Giverny

Pendant ce temps, Macha Belooussova et Jean-Claude Vanden Eynden Pauffinent le programme du soir, on travaille aussi le sextuor de Schulhoff qui clôturera le concert de demain.

Mache Belooussova et Jean-Claude Vanden Heyden

Michel Strauss et Hanna Dahlkvist Michel Strauss et Hanna Dahlkvist en répétion (Sextuor de Schulhoff).

Le concert

1. Antonín Dvořák (1841-1904), Danses slaves, pour piano à 4 mains

Extrait de la 1re série, opus 46, composée entre avril et le 22 août 1878 : 1. do majeur, Presto ;  2.  mi mineur, Allegretto scherzando ; Allegro vivo ; 6. majeur, Allegretto scherzando ; 8. sol mineur, Presto.

Maria Belooussova, Jean Claude Vanden Eynden

Macha Beloousoova et jean-Claude Vaden EyndenGiverny, 21 août 2014.

Antonín Dvořák, est encore altiste au Théâtre provisoire de Prague devenu théâtre national en 1866 quand Smetana en prend la direction artistique, mais il quitte bientôt son pupitre pour une carrière qui le mène à donner des leçons de piano, à être organiste, mais aussi à composer avec un succès assez rapide, dans la voie ouverte par Smetana. Brahms adore sa musique, lui fait obtenir une bourse du gouvernement Autrichien (Brahms de Hambourg, vit à Vienne), et fait éditer ses Moravské dvojzpěvy, « Duos de Moraves » pour deux voix et piano, par l'éditeur Fritz Simrock. Ce dernier lui commande en 1877 une série de huit  danses slaves pour piano à quatre mains, qui sont orchestrées dans la foulée au printemps de 1878. Le succès est immense. En 1886, pour tenter de le renouveler, Dvořák livre une seconde série de huit autres danses slaves pour piano à quatre mains, qui sont aussi immédiatement orchestrées.

2. Antonín Dvořák (1841-1904), Trio no 4 en mi mineur, opus  90b, « Dumky »,  pour violon, violoncelle et piano

Composé entre novembre 1890 et février 1891, créé à Prague le 11 avril 1891. Lento maestoso, 2. Poco adagio, 3. Andante, 4. Andante moderato, 5. Allegro, 6. Lento maestoso.

Mirka Šćepanović (violon), Michel Strauss (violoncelle), Maria Belooussova (piano)

Musique de chamre à GivernyGiverny 21 août 2014.

Giverny 2014Giverny 21 août 2014.

La Duma, ou Dumka dans sa forme diminutive, est une ballade narrative populaire ukrainienne, à épisodes contrastés, de nature élégiaque, langoureuse et méditative. Elle puise son origine dans la lutte des Ukrainiens contre les Tatars aux xiiie et xive siècles. Composée essentiellement en mode mineur et ouverte aux accents orientaux, la liberté formelle, mélodique et harmonique (une suite de scènes relativement indépendantes), voire l'exotisme qu'elle permet, furent assez prisés par les « romantiques ».

Elle a été remise à l'honneur par les compositeurs polonais animés de sentiments patriotiques après le partage de leur pays en 1795, entre la Russie, l'Allemagne et l'Autriche.

3. Josef Suk (1874-1935), Élégie pour violon, violoncelle et piano opus 23

Composée en 1902, à l'origine pour violon, violoncelle, quatuor à cordes, harmonium, harpe, arrangée par la suite pour trio avec piano.

Nikita Boriso-Glebsky (violon), Hanna Dhalkvist (violoncelle), Maria Belooussova (piano)

Giverny 2014Giverny 2014.

On reste à Prague avec Josef Suk, élève et gendre de Dvořák. Compositeur, il a surtout fait une carrière de violoniste, notamment au sein du mythique « Quatuor tchèque ». Au cours de sa carrière il a donné plus de 4000 concerts.  Comme Dvořák, il a le soutien de Brahms qui fait éditer sa Sérénade pour cordes, opus 6 par Simrock  en 1896.

Cette belle phrase langoureuse à peine contredite par quelques mesures véhémentes, est inspirée d'un poème épique de Julius Zeyer, « Vyšehrad », glorifiant le passé et la forteresse de Prague. Un beau thème qui chante presque, à quelques harmonies près, comme une romance de Broadway.

4. Bedřich Smetana (1824-1884), Trio opus 15 en sol mineur, pour violon, violoncelle et piano

Composé de septembre à novembre 1855 : 1. Moderato assai, 2. Allegro, ma non agitato ; Alternativo I, Andante ; Tempo I ; Alternativo II, Maestoso ; Tempo I, 3. Finale : Presto ; Meno Presto, Tranquillo assai ; Tempo I ; Meno Presto, Tranquillo assai ; Grave quasi Marcia ; Tempo I.

Nikita Boriso-Glebsky (violon), Amir Eldan (violoncelle), Yun-Yang Lee (piano)

Giverny 2014Giverny 2014.

Lorsque le trio en sol mineur est créé à Prague le 3 décembre1855, Smetana n'est pas le héros de la musique tchèque qu'il deviendra au seuil de la mort. Il rêve peut être encore de devenir « Liszt pour la technique et Mozart pour la composition », comme il le confia à son journal, au sortir de l'adolescence. Sa tentative de tournées de concerts huit ans plus tôt a été un échec. Il vivote grâce à des leçons privées, l'école qu'il a fondée n'y suffit pas, et de quelques récitals de piano pour des aristocrates locaux. Depuis une quinzaine d'années il compose, essentiellement pour le salon, des pièces de piano, des polkas, des romances, des hymnes patriotiques inspirés des  émeutes révolutionnaires du printemps 1848. Très peu de musique d'orchestre, quelques essais de jeunesse, une ouverture, une symphonie. Il s'est marié en 1849, avec une excellente pianiste. Ils ont déjà trois filles. Gabriela est morte de la tuberculose en 1854, cette fois Bedřiška, l'ainée, est emportée par la scarlatine. Le trio en sol mineur est né de cette tragédie.

On peut suivre à travers les trois mouvements, eux-mêmes composés d'épisodes internes, la lutte de l'ombre contre la lumière, l'insouciance enfantine menacée, la mort annoncée dans le 1er mouvement, avec un premier thème élégiaque d'une belle liberté rhapsodique, un second, plus choral donné au violoncelle  (ils irradient toute l'œuvre), avec une saisissante accélération de la conclusion qui scelle l'inexorable spirale.

Le second mouvement plus lumineux au départ, d'un beau lyrisme mélodique et en épisodes alternés, serait, de la même manière que dans les Chants et danses de la mort de Moussorgski ou le quatuor « La jeune fille et la mort » de Schubert, un dialogue avec la mort, une négociation qui doit se conclure par la soumission au destin.

Enfin le troisième mouvement, chevauchement implacable — qui n'est pas sans rappeler l'Erlkönig (Roi des Aulnes) de Schubert — avec ses trois coups fatidiques frappés à la basse du piano (mi bémol, do, la bémol), et sa marche funèbre, s'achève sur trois courtes mesures après un silence, comme dans le Roi des aulnes : « Dans ses bras l'enfant était mort ».

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Vendredi 22 Août, 2014 14:56

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