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Jean-Luc Vannier, Monaco, le 20 décembre 2025.

Gala pour les 50 ans de l’Académie Princesse Grace : pas une ride et bain de jouvence !

Yarden Arieli. Photographie © Alice BlangeroYarden Arieli. Photographie © Alice Blangero.

Dans son émission du 19 décembre 2025 sur France-Musique « Au cœur du ballet », Hippolyte Pérès posait à Karl Paquette, Professeur de danse au ballet de l’Opéra de Paris, la question de savoir si, selon la formule connue, « c’était mieux avant » ? autrement dit « que le niveau aurait baissé par rapport aux anciennes générations ». Et le danseur étoile de répondre sans hésiter par la négative : « les danseurs dansent mieux aujourd’hui » !

« Il y a des raisons à cela » nous a expliqué Luca Masala, le Directeur Artistique de l’Académie Princesse Grace à l’issue du superbe Gala destiné à célébrer, vendredi 19 décembre au Grimaldi Forum et en présence de S.A.R. La Princesse de Hanovre, les cinquante ans de la prestigieuse école de danse monégasque dont les diplômés sont régulièrement récompensés par le célèbre concours de Lausanne.

Les jeunes et même très jeunes danseurs et danseuses de l’Académie Princesse Grace, nous est-il dit en substance, s’ouvrent aux répertoires contemporains et se familiarisent, ce faisant, avec des mouvements et des rythmes qui débordent le carcan du pur académisme. Certes sans renier ce dernier : nous sommes fort heureusement loin d’un professeur du Ballet Mariinsky à Saint-Pétersbourg interdisant à ses élèves de se « salir » avec des œuvres chorégraphiques modernes.

Andante. Photographie © Alice Blangero.Andante. Photographie © Alice Blangero.

Preuve aussi éclatante qu’irréfutable : la quinzaine de courtes chorégraphies présentées lors de cette soirée, reprises de créations plus ou moins anciennes de précédents galas, nous auront littéralement ébloui par l’excellence — le mot ne nous semble nullement galvaudé — des exécutions nourries de maîtrise et de précision mais dont l’interprétation humaine, puissamment incarnée, dote leur accomplissement d’une intense charge affective. Ce qui nous aura aussi frappé — élément d’ailleurs mentionné dans l’interview précitée de Karl Paquette — réside dans un constat : certains des danseurs et danseuses, astucieusement sélectionnés par Luca Masala comme « solistes » dans ce Gala, affirment déjà des traits marqués de caractère et de personnalité dans lesquels ils puisent — certains sans doute inconsciemment mais parfois aussi avec ce brin d’assurance malicieusement séductrice — afin d’enrichir leur inspiration et de galvaniser des aptitudes qui frôlent la virtuosité.

Nous retiendrons, par exemple, le Black Swan de Marco Goecke créé pour le Gala de l’Académie en juin 2015et où le couple Ella Justi — 17 ans — et Yarden Arieli — 16 ans — nous offre une impressionnante démonstration des mises en exergue de leur musculature réciproque et ce, dans une redoutable mais irréprochable synchronisation. Dans un bref échange, Ella Justi nous confiait qu’il fallait non seulement « connaître avec exactitude les gestes » mais aussi « comprendre cette musique » signée Piotr Ilitch Tchaïkovski.

Dillon Brizic et Dylan Gaddis. Photographie © Alice Blangero.Dillon Brizic et Dylan Gaddis. Photographie © Alice Blangero.

Avec Elles, une chorégraphie toujours délicate de Julien Guérinainsi que dans K3 de Bruno Roque, les deux sur les Gnossiennes d’Erik Satie, créés pour le Gala de 2016, force nous est de constater le fait que Yahel Zaid Hernandez Cruz fait preuve dans ce travail d’un solide « mordant scénique » au point de crever, si ce n’est l’écran, le ballon ! Ce qui le distingue aussi nettement dans le collectif Danse hongroise no 5 de Johannes Brahms créé pour le Gala de juin 2018.

Utako Takeda dans Dov’è la Luna de Jean-Christophe Maillot auquel l’Académie Princesse Grace avait rendu hommage en 2013suscite la même impression qui la fera se détacher de l’ensemble dans Etudes de Michel Rahn sur une musique de Carl Czerny créé pour le Gala de l’Académie en juin 2017. C’est d’ailleurs dans ce même Gala que nous avions découvert Les Indomptés de Claude Brumachon somptueusement repris ce 19 décembre par Dillon Brizic et Dylan Gaddis et ce, d’autant plus qu’ils n’auront eu qu’une semaine pour répéter cette étude : surfant sur l’acceptation progressive de leur vulnérabilité mutuelle, les deux danseurs semblent se découvrir et découvrir leur désir sous-jacent, à mesure que se déroule la chorégraphie.

Sang mêlé. Photographie © Alice Blangero.Sang mêlé. Photographie © Alice Blangero.

Puisqu’il est question de « découverte », l’essentielle de ce Gala fut sans conteste celle d’un tout jeune danseur — 14 ans nous dit-on — en la personne de Camille Cariou dans Andante créé par Roland Vogel sur une musique de Dmitri Chostakovitchpour le Gala de l’Académie en juin 2024 : un véritable phénomène tant par l’extraordinaire aisance avec laquelle il exécute ses évolutions sur scène — on devine une densité et une structure de la gestuelle laquelle demeure néanmoins ondoyante, arachnéenne, évanescente, quasi insaisissable — mais, plus encore, par la présence irradiante mêlée de séduction dont il use — et sans doute abuse par sa lucidité complice des effets certains sur l’audience — lorsqu’il termine sur l’avant-scène et fixe le public droit dans les yeux. L’on comprend mieux les raisons pour lesquelles, nous explique-t-on ultérieurement, les écoles de danse étrangères cherchent par tous les moyens à s’approprier ce prometteur et déjà talentueux « Tadzio » chorégraphique !

Comment s’étonner, dans ces conditions, d’une ovation debout à l’issue du spectacle ? Ovation d’un public à fois rajeuni par ce stimulant bain de jouvence et, plus encore, heureux de voir le futur radieux — garanti par la formation et le niveau de ces admirables danseurs — de l’Académie Princesse Grace.

 

Monaco, le 20 décembre 2025

Jean-Luc Vannier

2025


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ISSN 2269-9910

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