« Les seize Quatuors à cordes (complétés par la péremptoire Grande Fugue) constituent, dans l’œuvre entière de Beethoven, un corpus singulier dont le compositeur lui-même reconnut qu’il revêtait une signification quasi historique : non seulement pour sa propre évolution créatrice, mais du point de vue du genre et de son avenir présumé. Car c’est bien en affrontant ce genre et en le façonnant par approches, par recherches et par solutions successives, que Beethoven a livré sa bataille la plus ouverte et la plus décisive contre les conventions. Il assuma non seulement l’héritage important d’un Haydn et d’un Mozart en ce domaine, mais sut réaliser un inventaire des moyens acquis en vue de leur dépassement permanent ; au point de révolutionner complètement l’écriture pour quatre instruments et de la projeter jusqu’aux confins du xxe siècle. Car on ne peut douter que les derniers Quatuors portent témoignage d’un art musical spécifique qui ne put ensuite — sauf grandioses exceptions (nous songeons à Bartók) — que survivre à lui-même. Telle est l’incomparable grandeur des Quatuors à cordes de Beethoven. »120
Jalonnant les moments cruciaux de sa vie d’homme et d’artiste, les quatuors sont nés en trois périodes bien distinctes qui reflètent les « trois manières » successives du compositeur. Ce sont d’abord, des années 1798-1800, les six quatuors opus 18, qui bien qu’encore respectueux d’une certaine tradition, illustrent déjà le goût de Beethoven pour les expérimentations subversives et l’affirmation d’un langage tout à fait personnel. Ce sont ensuite, de la période « héroïque » 1805-1810, les cinq quatuors centraux — les trois « Razumowsky » opus 59 et les opus 74 et 95 — dans lesquels Beethoven fait éclater les traditions formelles du genre en franchissant de nouvelles étapes en terme d’individualisation et d’intensification de son langage. Enfin, des années 1822-1826, ce seront les cinq derniers quatuors et la Grande Fugue. « La troisième manière du compositeur incarne ici le point extrême de ses recherches, de son indépendance et de toutes ses audaces d’invention. Dans les tout derniers Quatuors, les polyphonies plus complexes, plus escarpées que jamais (au point – cas de la Grande Fugue – de paraître plus satisfaisantes à la lecture qu’à l’audition), et les sollicitations techniques ou expressives réclamées des instruments font qu’on sera parvenu à un degré tel d’émancipation et d’épanouissement du genre qu’on ne pourra plus que s’interroger sur sa « vérité » et les lois de sa propre réalité musicale. »121
Quatuors à cordes 1-6, opus 18
Quatuors à cordes 7-9, opus 59
Quatuors à cordes 12, opus 127
Quatuors à cordes 13, opus 130
Quatuors à cordes 14, opus 131
Quatuors à cordes 15, opus 132
Quatuors à cordes 16, opus 135
Michel Rusquet
19 octobre 2019
120. Tranchefort François-René, Guide de la musique de chambre, Fayard, Paris 1998, p. 74-75.
121. Ibid. p. 75.
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Mercredi 8 Mars, 2023