Michel Rusquet, Trois siècles de musique instrumentale : un parcours découverte —— La musique instrumentale de Beethoven à Schubert.

Le concerto pour piano n^o 3, opus 37, de Ludwig van Beethoven

beethoven

Des années 1800-1802, le troisième concerto, écrit dans cette tonalité d’ut mineur si chère au compositeur, serait pour certains le plus faible des cinq du point de vue de la construction et de l’économie structurelle. Mais pour beaucoup, et pour le public, c’est assurément le premier « grand » concerto de Beethoven, par sa vigueur, par son ton très personnel, par une éloquence typique du Beethoven de la maturité, et par les nets progrès dont il témoigne dans l’équilibre entre soliste et orchestre. On le vérifie notamment dans l’allegro con brio initial, où « un véritable dialogue concertant s’instaure entre le soliste et l’orchestre, en un vaste développement où le piano module d’abondance. Émancipation notable de ce dernier par rapport aux deux concertos précédents : ses répliques ont conquis une netteté du trait, une ampleur du phrasé encore inconnues ; [et on l’observe tout autant dans le brillant Rondo conclusif, avec ses] échanges serrés, pleins d’esprit et d’entrain, entre soliste et orchestre, en épisodes contrastés et modulants… »²⁰³

Mais, plus que tout dans ce concerto, il y a le merveilleux largo central en mi majeur, « mouvement d’ambiance presque nocturne, et d’essence plus harmonique que proprement mélodique, dans lequel le piano est roi. »²⁰⁴ Beethoven y fait entendre « une voix d’une profonde ferveur, digne, dans ce qu’elle a justement de personnel, des Andante des concertos mozartiens ».²⁰⁵ Comment ne pas y voir une forme d’hommage, conscient ou non, à un autre musicien de génie dont il aimait tout spécialement certains concertos ?