En donnant à chacune de ces deux sonates opus 27 l’intitulé Quasi una fantasia, Beethoven affirme son indépendance désormais totale vis-à-vis de la sonate traditionnelle. Le terme fantasia renvoie au verbe allemand fantasieren (improviser), et c’est bien la première de ces deux sonates — l’opus 27 no 1 en mi♭ majeur, le « versant ensoleillé de l’opus » — qui « improvise le plus, multipliant les contrastes, les changements d’humeur, avec une brusquerie déroutante. Sa succession de morceaux enchaînés peut se diviser en quatre mouvements : les deux extrêmes, ramifiés, encadrent deux courts mouvements centraux, d’un seul tenant. »54 Cette liberté extrême sur le plan formel s’affirme dès l’Andante initial, d’un calme débonnaire, qui se passe de développement pour faire place en son milieu à une section Allegro d’une vivacité presque déchaînée. Elle n’est pas démentie par les deux brefs mais remarquables mouvements centraux, un Scherzo et un Adagio (indiqué con espressione) dont l’enchaînement même produit invariablement son effet de surprise. Puis, à nouveau sans césure, c’est le finale, le mouvement le plus long, qui tire son aspect fugué de la construction à deux voix de son thème principal et emprunte avec une étonnante liberté à la forme sonate. « Cet Allegro vivace (en mi♭ majeur), robuste et volontaire, où tout converge, il n’en faut pas chercher la beauté mélodique, et pour une fois, peu importe ; tel quel, c’est un jaillissement continu vers la lumière. Il s’arrête un instant pour citer dix mesures de l’adagio, cette fois en mi♭, et conclut brièvement, presto, dans un crescendo irrésistible. »55
Ludwig van Beethoven, Sonate opus 27 no 1 en mi bémol majeur, 2. Allegro molto e vivace, par Glenn Gould.Michel Rusquet
12 septembre 2019
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54. Sacre Guy, La Musique de piano, Robert Laffont, Paris 1998, p. 340-341.
55. Ibid., p. 341.
56. Szersnovicz Patrick, dans « Le Monde de la musique » (238), décembre 1999.
57. Boucourechliev André, Beethoven, « Solfèges », Éditions du Seuil, Paris 1963, p. 32.
58. Sacre Guy, op. cit., p. 342.
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