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Monaco, 18 septembre 2017, par Jean-Luc Vannier ——

Dvořák, Bartók joué par E. Kissin, Janáček et Kodály pour le concert de gala des Amis de l'Orchestre Philharmonique de Monte-Carlo

KissinEvgeny Kissin. Photographie © Sasha Gusov.

Annoncée par Kazuki Yamada, le Directeur Artistique et Musical de l'orchestre philharmonique de Monte-Carlo, la nouvelle saison 2017-2018, intitulée « Musique et Nature », invite à voyager « aux quatre coins de la planète » et « à en faire découvrir toute la diversité ». Le concert de gala organisé par l'association « Les Amis de l'Orchestre Philharmonique de Monte-Carlo » et donné dimanche 17 septembre à l'auditorium Rainier III, commençait, pourrions-nous résumer, par l'Europe centrale et orientale : Dans le royaume de la Nature, ouverture de concert opus 91 B.168 de Antonin Dvořák,  le Concerto pour piano et orchestre no 2 de Béla Bartók interprété par Evgeny Kissin, La petite Renarde rusée de Leoš  Janáček (première exécution à Monte-Carlo) et Hàry Jânos, suite d'orchestre opus 15 de Zoltán Kodály.  Un programme dont les apparences de longueur, inhabituelle, auront été facilement surmontées. Plusieurs raisons à cela : l'originalité dans la sélection des compositeurs. Mais une sélection dont la logique thématique permet à l'audience de satisfaire son appétence de synthèse tout en flattant son désir de nouveauté, toujours valorisant, par la découverte de nouvelles pièces. Sans aucun doute le pic musical constitué par l'interprétation fascinante du concerto de Bartók par le pianiste Evgeny Kissin et les impressionnantes qualités musicales de l'orchestre philharmonique de Monte-Carlo auront contribué à faire oublier les deux bonnes heures de la performance.

La direction musicale de Lawrence Foster, que nous avions quitté à l'opéra de Marseille en juin dernier sur un avis contrasté, nous plaît et nous déplaît en même temps. Rien à dire sur la précision d'ensemble ou sur celle, encore plus exigeante car individuelle, requise des instrumentistes dans l'exécution par exemple de Hàry Jânos : le maestro colle à la partition, régule fermement la densité du trafic orchestral, lance des attaques aussi nettement qu'il tranche les arrêts. Mais son travail nous paraît dénué d'inspiration spécifique. Il donne le sentiment de souffrir d'une insuffisance d'audace et d'une lecture personnelle faiblement investie. Deux conditions qui, si elles avaient été remplies, auraient davantage structuré les mouvements toujours amples des pupitres et auraient caractérisé par des couleurs plus vives, par des intonations plus soutenues, des œuvres qui les réclament. Dans La petite Renarde rusée, plus encore dans la suite d'orchestre de Kodály, l'oreille ne parvient pas à se départir d'une impression, parfois pesante, de répétition.   

Nous avons retrouvé avec un plaisir non dissimulé le pianiste Evgeny Kissin en charge du Concerto pour piano et orchestre no 2 de Bartók.  Une pièce dont l'auteur lui-même affirme qu'il a « voulu donner un morceau contrastant avec le premier concerto…une œuvre moins hérissée de difficultés pour l'orchestre et dont les matériaux thématiques soient plus avenants ». Aucune concession néanmoins à l'impérieuse virtuosité pianistique dont Kissin vient à bout avec cette plongée si fascinante du soliste dans le gouffre sidéral de son interprétation. Une virtuosité qui ne tient pas seulement aux redoutables efforts rythmiques requis par les premier et troisième mouvements. Mais plus encore par les puissantes intonations du langage si particulier adopté par Evgeny Kissin : sous d'immenses tableaux orchestraux dont les imperceptibles oscillations suscitent une expectative presque anxieuse, chaque note ponctuée dans cet alanguissement du second mouvement déclenche chez Kissin ce rictus et ce clignement des yeux déjà mentionnés en 2014. Le son de la note pianistique le transperce douloureusement pour témoigner de sa déchirante intensité expressive malgré son apparente fragilité. Sublime. Tout comme ces quelques mesures où les cordes et le piano rivalisent dans cette subtile vibration, étrangement somptueuse, d'une simple note. Ovationné – comment cela ne se pourrait-il pas ? – Evgeny Kissin offre deux magnifiques « bis » : une des « variations »  de Piotr Ilitch Tchaïkovski et une des célèbres valses de Frédéric Chopin.

Le concert d'ouverture de la saison philharmonique aura lieu, quant à lui, le 22 septembre prochain. Kazuki Yamada dirigera l'orchestre philharmonique avec au programme : Gigues, extrait des Images de Claude Debussy, Concerto pour piano no 1 de Franz Liszt interprété par Boris Berezovski, la Totentanz et, enfin, Daphnis et Chloé de Maurice Ravel.

Monaco, le 18 septembre 2017
Jean-Luc Vannie
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Vendredi 3 Novembre, 2023