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Michel Rusquet, Trois siècles de musique instrumentale : un parcours découverte —— La musique instrumentale de Beethoven à Schubert.

La 9e symphonie de Franz Schubert

Symphonie no 9 en ut majeur, D 944

Franz Schubert

Datée de mars 1828, mais probablement conçue dès 1825-1826 (la mystérieuse symphonie dite « de Gastein » semble bien en avoir été l’ébauche), voici celle qu’on appelle fort justement « la grande ». Grande, elle ne l’est pas seulement par ses proportions monumentales ou par la puissance de feu orchestrale qui la caractérise. Elle l’est surtout par l’accomplissement absolu qu’elle réalise dans l’art de Schubert en matière symphonique. Schumann, qui, en 1839,  fut à l’origine de la création de l’œuvre à Leipzig sous la baguette de Mendelssohn, ne s’y était pas trompé, lui qui, dans un long article demeuré célèbre (c’est là qu’il parla de « divines longueurs »), s’en fit un ardent propagandiste.

« Œuvre fondamentale, la neuvième symphonie offre une maîtrise concise du rythme, des procédés structurels et rythmiques dignes de Beethoven et une rigueur de la forme qu’on ne retrouve dans aucun autre ouvrage symphonique ou instrumental de Schubert. Si la symphonie « Inachevée » était profondément différente de toutes les symphonies de l’Histoire, la neuvième symphonie s’oppose à l’Inachevée tout en semblant être paradoxalement issue de son « impasse » même. Elle représente la clé de voûte de toute la carrière de son auteur et, dans son respect de la forme stricte, elle est un jalon aussi essentiel que la neuvième de Beethoven (qui la rompt). En tant qu’exemple parfait d’unité interne (seulement une demi-douzaine de motifs élémentaires la gouvernent de bout en bout), elle est la pierre angulaire de toute la littérature orchestrale à venir. Elle porte aussi à son apogée la palette et les dons d’instrumentation du compositeur qui, en dépit de son peu de pratique de la direction, trouve d’emblée l’équilibre de couleurs et d’expressions rendant son orchestre limpide et homogène.

La postérité des deux derniers chefs-d’œuvre orchestraux de Schubert, ignorés par presque tout le monde pendant plus d’un demi-siècle, est beaucoup plus grande qu’on ne le croit : il y a, malgré les différences de dimensions, une évidente filiation entre l’Inachevée et la neuvième symphonie de Mahler, comme il y a une filiation tout aussi indiscutable entre la grande symphonie en ut et les meilleures symphonies de Bruckner à partir de la quatrième. »131

Jusque dans la « survitalité » dont il fait preuve dans cette réalisation grandiose, Schubert donne l’impression de s’être surpassé en surmontant définitivement, un an après la mort de Beethoven, les complexes qui l’avaient longtemps inhibé face à son idole. On a dit qu’il avait voulu ici rivaliser avec le Beethoven de la neuvième. Plus sûrement, il a cherché, et magnifiquement réussi, à marier la forme classique et l’esprit romantique, en restant lui-même dans l’expression d’un lyrisme tout personnel, fût-elle moins intériorisée que dans l’Inachevée, tout en poussant l’art des développements à des sommets dignes du plus grand Beethoven. On sait qu’il était hautement conscient de la valeur de son œuvre. Aussi dut-il souffrir beaucoup du refus de la jouer, fondé sur les (indiscutables) difficultés d’exécution, qui lui fut opposé quand il la proposa à la Société des amis de la mlusique. Il était écrit, décidément, qu’il devait quitter ce bas monde en ne laissant derrière lui, comme indiqué sur sa tombe, que de précieuses espérances.

Franz Schubert, Symphonie no 9 en ut majeur, « Grande symphonie », D 944, 1. Andante, 2. Andante con moto, 3. Scherzo, 4. Finale, par la Staatskapelle Dresden, sous la direction d'Herbert Blomstedt.


plumeMichel Rusquet
20 mai 2020
© musicologie.org

Notes

131. Szersnovicz Patrick, dans « Le Monde de la musique » (206), janvier 1997.


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l'œuvre symphonique de Franz Schubert

Symphonies nos 1 (D 82), 2 (D 125) et 3 (D 200).

Symphonie no 4, en ut mineur, « Tragique », D 417.

Symphonie no 5, en si bémol majeur, D 485.

Symphonie no 6, en ut majeur, D 589.

Symphonie no 8, en si mineur, « Inachevée », D 759.

Symphonie no 9, en ut majeur, D 944.

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