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Michel Rusquet, Trois siècles de musique instrumentale : un parcours découverte —— La musique instrumentale de Beethoven à Schubert.

La 8e symphonie de Franz Schubert

Symphonie no 8, en si mineur, « Inachevée », D 759.

Symphonies nos 1 (D 82), 2 (D 125) et 3 (D 200) ; no 4, « Tragique », D 417 ; no 5, D 485 ; no 6, D 589 ; no 8, « Inachevée », D 759 : no 9, en ut majeur, D 944 : ébauches ; ouvertures.

Franz Schubert

Cette œuvre célébrissime conserve sa part de mystère : on sait que Schubert en commença la composition le 30 octobre 1822, mais on ne saura probablement jamais pourquoi il n’en acheva que les deux premiers mouvements, ne laissant par ailleurs qu’une ébauche de scherzo. Peut-être fut-il accaparé par d’autres priorités, mais sans doute eut-il parfaitement conscience d’avoir atteint là une sorte d’idéal en terme de lyrisme : à n’en pas douter son dessein était « de projeter dans le moule de la symphonie la richesse de la vie intérieure, et comme un peintre transfigure un paysage en état d’âme, de faire d’une forme classique une méditation lyrique, un abrégé de la religion romantique du sentiment et de l’effusion. »128. Auquel cas il aurait abandonné la partie en se disant que jamais il ne parviendrait à garder le même ton, la même puissance d’émotion, à prolonger l’extase en pénétrant des mêmes sentiments les mouvements plus vifs du scherzo et du finale. Hypothèse hautement plausible, en effet, et qui devrait suffire à dissiper les regrets.

Réjouissons-nous plutôt du fait que la partition ait survécu, et plus précisément que les frères Hüttenbrenner, auxquels Schubert avait fait cadeau du manuscrit, l’aient pieusement conservé dans un tiroir pour finalement l’exhumer quarante ans plus tard. C’est en effet grâce à eux, et à la complicité d’un grand chef d’orchestre, Johann von Herbeck, que l’œuvre fut révélée au public viennois en 1865 et commença avec éclat la carrière que l’on sait.

« Œuvre "immobile" dans son tournoiement de thèmes ressassés, la Symphonie "Inachevée" est à contre-courant de la symphonie classique et romantique, habituellement en marche vers un but. Son rythme à trois temps, qui tourne sur lui-même, identique entre les deux mouvements, accentue ce caractère ni très lent, ni très rapide d’une musique qui se referme sur elle-même, à l’allure sans cesse retenue et haletante, avec un accompagnement en rythmes syncopés. Dès ses premières mesures, l’Inachevée est aussi profondément différente de toutes les symphonies de l’Histoire par son recours aux ostinatos, au "silence expressif" et à un ambitus étroit des thèmes. L’émotion qui se dégage d’une telle musique est à la fois sensuelle et d’une abstraction presque affolante. »129   On n’en finirait pas, en effet, de recenser, jusqu’à l’utilisation de trois trombones, les ressorts sur lesquels repose le pouvoir de cette œuvre singulière où tout semble viser « à l’unité d’effet, à la continuité de l’émotion, à la coulée du pathétique » . Et tout cela ne serait que peu de chose si l’on n’y entendait avant tout battre le cœur du Schubert qu’on aime, et c’est semble-t-il, selon le fameux témoignage du critique Hanslick, ce qui toucha au plus profond le public viennois lors de la première exécution. Car cette symphonie à nulle autre pareille est un chef-d’œuvre d’inspiration pure. « Tel est le secret de sa beauté et de son ascendant sur nous. »130

Franz Schubert, Symphonie no 8, en si mineur, « Inachevée », I. Allegro moderato, II. Andante con moto, Staatskapelle Dresden, sous la direction de Wolfgang Sawallisch, 1967.

plumeMichel Rusquet
19 mai 2020
© musicologie.org

Notes

128.  Schneider Marcel, Schubert, « Solfèges », Ed. du Seuil, Paris  1957, p. 147.

129. Szersnovicz Patrick, dans « Le Monde de la musique » (224), septembre 1998.

130. Schneider Marcel, op. cit., p.147.

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l'œuvre symphonique de Franz Schubert

Symphonies nos 1 (D 82), 2 (D 125) et 3 (D 200).

Symphonie no 4, en ut mineur, « Tragique », D 417.

Symphonie no 5, en si bémol majeur, D 485.

Symphonie no 6, en ut majeur, D 589.

Symphonie no 8, en si mineur, « Inachevée », D 759.

Symphonie no 9, en ut majeur, D 944.

Ébauches de symphonies

Ouvertures


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