Marc-Antoine Charpentier (1643-1704), Michel-Richard Delalande (1657-1726), Robert de Visée (v.1650-v.1725), Charles Mouton (1626-1700), Jean de Sainte-Colombe (v.1640-1700), Le Sieur de Machy (seconde moitié du xviie siècle), Gaspard Le Roux ( ....–1707), François Roberday (1624-1680), Nicolas Gigault (v.1627-1707), Guillaume Gabriel Nivers (v.1632-1714), Gilles Jullien (v.1650-1703), Jacques Boyvin (v.1653-1706), André Raison (v.1650-1719)
Marc-Antoine Charpentier, portrait supposé, Almanach royal gravé par Landry en 1682 (détail). Dans l'ensemble de la gravure, tous les visages masculins et féminins des personnages de premier plan, sont identiques.
Au nombre des « oubliés » de cette revue, s'il est un nom à citer en premier, c'est bien celui du grand Marc-Antoine Charpentier (1643-1704), ce disciple de Carissimi à qui nous devons tant de trésors en musique vocale sacrée, à commencer bien sûr par les sublimes Leçons de ténèbres, ainsi qu'une riche production en œuvres destinées à la scène. On sera tenté de croire qu'il n'est évoqué ici que pour ses collaborations avec Molière (Le Malade imaginaire, Le Mariage forcé), ou alors pour tel ou tel de ses préludes et ouvertures (et l'on pense tout de suite au Prélude de son « Te Deum » qui s'est acquis une belle célébrité en tant qu'indicatif pour l'Eurovision). Mais ce serait oublier qu'il fut également l'auteur d'une quarantaine d'œuvres instrumentales, un ensemble assez disparate où figurent certes des pièces de circonstance dénuées de toute ambition, mais aussi des œuvres d'une réelle consistance comme la Symphonie pour un reposoir, le Concert à 4 parties de violes, ou encore cette Sonate à 8 qui vaut à Charpentier d'être cité pour avoir signé la première sonate française. Peut-être d'ailleurs reste-t-il à découvrir dans ce corpus des œuvres injustement ignorées…
Marc-Antoine Charpentier, Prélude du « Te Deum », Le Poème Harmonique, sous la direction de Vincent Dumestre.Notice biographique musicologie.org
Autre nom tout aussi prestigieux, surtout s'agissant d'un musicien qui, lui, fut couvert d'honneurs et de charges par Louis xiv : celui de Michel-Richard Delalande (1657-1726). Il fut le grand compositeur officiel à Versailles et succéda à Lully comme surintendant de la Musique royale. « Au lieu d'un arriviste génial mais sans scrupule, tout entier tourné vers l'opéra et la musique des divertissements de la cour, voici un homme modeste, qui parviendra sans intrigue, par l'effet de son seul talent, aux plus hautes destinées musicales de son temps, et plus volontiers tourné vers la chapelle que vers le bal et l'opéra. »1 Et en effet, le meilleur de son talent est allé à ses motets et autres œuvres religieuses. On ne saurait cependant dédaigner son répertoire instrumental, en particulier ses fameuses Symphonies pour les Soupers du Roi, dix-huit suites — et plus de trois cents morceaux au total ! — dans lesquelles il a largement et adroitement réutilisé des pièces issues de ses ballets et divertissements. c'est grand, c'est noble et paré de couleurs instrumentales souvent savoureuses. Bref, une musique suffisamment riche et inspirée pour qu'on ne l'abandonne pas aux seuls nostalgiques du Grand Siècle.
Michel-Richard Delalande, Symphonies pour les Soupers du Roy, 5e suite, « La Grande Pièce Royal », Symphonie du Marais, sous la direction d'Hugo Reyne.1. Philippe Beaussant, dans Jean & Brigitte Massin (dir.), Histoire de la musique occidentale, Fayard, 2003 , p. 420.
Notice biographique musicologie.com
Lui aussi musicien officiel à la cour de Louis XIV, mais dans un rôle plus effacé, Robert de Visée (v.1650-v.1725) mérite plus qu'une simple citation. Ce guitariste, théorbiste, violiste et même chanteur, ne se contenta pas d'être le guitariste favori d'un souverain qui aimait lui-même toucher l'instrument. Dans les années 1680, il a publié trois livres de suites pour la guittarre dont le premier (1682) est tout simplement dédié au roy et précédé d'un Avis assorti d'un hommage au tout puissant Lully. Il fallait à l'évidence montrer patte blanche pour avoir le privilège d'égayer les royales soirées. A en juger par ce que le musicien nous a laissé, Madame de Maintenon et Louis XIV devaient être souvent comblés : ces pièces sont gracieuses à souhait et souvent très belles, « marquées par cette élégance de ligne et de tournure très française qui dote chaque danse d'une légèreté chorégraphique charmeuse et poétique. »1
Robert de Visée, Chaconne de la « Suite en la mineur », Pascal Montheillet.1. Jean-Luc Macia, dans « Diapason » (473) septembre 2000
Notice biographique dans musicologie.org
Au même rayon des luthistes, outre Denis Gaultier (1603-1672), on se gardera d'oublier Charles Mouton (1626-1700) qui, parmi d'autres, perpétua brillamment une tradition bien ancrée en France.
Charles Mouton, Chaconne Hopkinson Smith. Charles Mouton, Pièces pour luth, par Franco Pavan.Notice biographique dans musicologie.org
Du côté des violistes, même si Marais leur a fait de l'ombre, comment ne pas rendre hommage à deux autres grandes figures de ce xviie siècle : d'abord à son maître vénéré, Monsieur de Sainte-Colombe, puis à « Monsieur » Damachy, dont les Suites de viole (1685) témoignent d'un art austère, plus porté vers le jeu harmonique et contrapuntique que vers la mélodie, mais d'une profonde gravité et d'une émouvante intériorité.
Sainte-Colombe, Gavotte du Tendre, par Jordi Savall.Quant à la musique pour clavecin, elle a connu à cette époque un autre contributeur de talent dont le nom n'encombre guère les dictionnaires : Gaspard Le Roux ( ....–1707). On ne sait à peu près rien de sa vie même s'il semble qu'il ait eu une grande réputation à travers l'Europe. Mais il a eu l'heureuse idée de publier en 1705 un recueil de Pièces de clavessin constitué de sept suites dans lesquelles il assemble des séries de danses en les corsant parfois de titres (L'incomparable, La Vauvert, La Lorenzany, La Favoritte, Le Bel-Ebat…) bien dans l'esprit du temps. c'est une musique libre et inventive, riche de bien des joyaux, et si quelques pièces (préludes non mesurés) peuvent être taxées d'archaïsme, la plupart du temps Le Roux se montre « tourné vers le futur : la richesse de son écriture, le grain serré de sa trame, l'opulence de ses harmonies, la sûreté de leur conduite, et jusqu'à cette oreille qu'on sent gourmande de dissonances [ …], tout cela confère à ses pièces une étonnante modernité. Ses allemandes et ses courantes, notamment, les plus travaillées, les plus ornées de ses danses […] annoncent les plus belles de Couperin. »1
Gaspard Le Roux, Suite n° 1 en re mineur pour 2 clavecins, Les Cyclopes, Bibiane Lapointe et Thierry Maeder.1. Jean-Luc Macia, dans « Diapason » (473) septembre 2000.
Enfin n'oublions surtout pas de citer quelques compositeurs organistes qui ont aussi compté dans le paysage de ce XVIIe siècle français :
François Roberday (1624-1680) : « Orfèvre du roi mais passionné de musique… il s'est arrêté de composer après la publication en 1660 de son seul recueil, les Douze Fugues et Caprices à quatre parties. Hommage à l'artcontrapuntique hérité de la Renaissance via Froberger et Frescobaldi, ces pages austères, ésotériques même, plongent dans des abîmes d'introspection. »1
François Roberday, Fugue deuxième et Caprice, par Michel Chapuis1. Pablo Galonce, Le Monde de la musique (264), avril 2002
Organiste brillant et grand collectionneur d'instruments, il a laissé deux Livres de Musique, un recueil de Noëls pouvant être touchés sur divers instruments (1683) et un livre d'orgue comportant plus de 180 pièces. Une production volontiers dénigrée : on y entend plus une musique d'organiste qu'une musique de compositeur, même si l'auditeur passionné pourra ici ou là y trouver du grain à moudre.
Nicolas Gigault, Prélude du 1er ton, par David Warren Steel.Grand dévot devant l'Éternel, il fut une grande figure de la musique du grand siècle, et certainement une des personnalités dominantes de l'école d'orgue française. Pleins d'innovations, ses trois Livres d'orgue (1665, 1667, 1675) exerceront une influence certaine sur des générations de musiciens qui sauront reconnaître leur dette à l'égard de ce grand aîné. L'auditeur d'aujourd'hui risque cependant de rester sur la réserve face à une musique qui ne s'envole guère vers les sommets.
>Guillaume Gabriel Nivers, Suite du 1er ton (extrait), par André Isoir.Notice biographique musicologie.org
Ce bon provincial partagea sa vie entre la gestion de ses terres et sa charge d'organiste de la cathédrale de Chartres. Les 80 pièces de l'unique Livre d'orgue (1690) qu'il ait publié trahissent une forte influence de Gigault, et séduisent parfois par le goût de la couleur et de la mélodie qu'y manifeste le musicien.
Gilles Jullien, Prélude à 5 parties, Cromorne en taille, Dialogue sur les grands jeux, par André IsoirLongtemps après Titelouze, il officia à la tribune de la cathédrale de Rouen et devait limiter sa production à deux Livres d'orgue (1689 et 1700), une œuvre qu'il serait injuste d'ignorer, « d'autant plus que l'artiste se montre souvent habile harmoniste et d'un sentiment délicat dans ses tournures mélodiques, lesquelles ne manquent jamais de grâce. »1
Jacques Boyvin, Grand prélude à 5 parties, à 2 chœurs, par Michel Chapuis.1. François Sabatier, dans Gilles Cantagrel (dir.), Le guide de la musique d'orgue, Fayard, 2003, p.189.
Mentor de Clérambault, lui aussi publia deux Livres d'orgue (1688 et 1714), dont le premier contient cinq messes alors que le second inclut une vingtaine de noëls pour orgue ou clavecin. Dans tout cela, on distingue surtout, et assez justement, une offertoire du premier livre que le musicien composa en l'honneur de Louis XIV sous le titre Le Vive le Roy des Parisiens.
André Raison, Offerte du 5e Ton sur le « Vive le Roy des Parisiens », par André Isoir.À propos - contact | S'abonner au bulletin | Biographies de musiciens | Encyclopédie musicale | Articles et études | La petite bibliothèque | Analyses musicales | Nouveaux livres | Nouveaux disques | Agenda | Petites annonces | Téléchargements | Presse internationale | Colloques & conférences | Collaborations éditoriales | Soutenir musicologie.org.
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Jeudi 28 Mars, 2024