Luca Salsi (Scarpia) et les Choeurs de l'opéra. Photographie © OMC, Marco Borrelli.
Lorsqu’ils investissent avec fougue et passion leur rôle — rôle dont ils connaissent les moindres inflexions, les moindres accentuations pour l’avoir interprété sur les plus grandes scènes d’opéra — il est des chanteurs qui font complètement oublier le fait qu’il s’agit d’une « simple » version de concert. Et ce, pour le plus grand bonheur de l’audience à laquelle sont concédées les ressources inextinguibles de son imaginaire pour palier, ici un éventail compromettant, là un poignard assassin, là encore un peloton d’exécution.
Ce fut exactement le cas, vendredi 15 novembre au Grimaldi Forum, pour une Tosca donnée par l’opéra de Monte-Carlo dans le cadre du « Festival centenaire Puccini ». Placé sous la direction de Marco Armiliato — tout aussi énergétique que dans la production d’Andrea Chénier en février 2023 —, accompagné par l’orchestre philharmonique de Monte-Carlo qui nous a gratifié de superbes sonorités mélodiques — rutilance des cuivres, suavité des cordes —, Roberto Alagna, applaudi à son entrée en scène comme au temps de « Au théâtre ce soir » pour une certaine génération, a enflammé dans le personnage de Mario Cavaradossi le public du Grimaldi Forum : inlassable multiplication d’impressionnants forte dont il manie la technique avec autant d’assurance que de brio. Et ce, nonobstant de très rares — mais discernables — élans un peu plus difficiles pour les atteindre. Mais son jubilatoire « Vittoria, vittoria ! » à l’acte II et l’incandescence tragique de son « E lucevan le stelle » au début de l’acte III feraient fondre n’importe quelle banquise et lui valent, parmi tant d’autres dans cette soirée, une ovation enthousiaste.
Maria José Siri (Tosca) et Roberto Alagna (Mario Cavaradossi). Photographie © OMC Marco Borrelli.
Nous serons plus réservé sur Maria José Siri dans le rôle-titre : techniquement, sa ligne de chant est irréprochable mais il manque à son interprétation cette fine pointe d’hystérie, ce mordant du caractère qui rendent crédible la jalousie de Tosca. Comme le faisait délicatement remarquer notre confrère à propos d’un récital où la soprano d’origine uruguayenne débutait en 2018 sur une scène parisienne, et alors que nous l’avions, nous aussi, entendue sur le Rocher en 2015, les qualités de sa voix « énorme » — amples arrondis qui adoucissent ses aigus — l’auront peut-être empêchée d’insuffler cette rage fiévreuse, cette ardeur combattante qui font la force et la fragilité, toutes deux empathiques, du personnage. Son « Vissi d’arte », vocalement juste, n’en souffre pas moins d’une ténuité dans l’expression, sans doute insuffisante pour convaincre la Madone tandis que son « Avanti a lui tremava tutta Roma » devrait plus correspondre au tranchant de la lame qui vient d’occire Scarpia !
Marco Armiliato (Chef d'orchestre). Photographie © OMC Marco Borrelli.
À propos de Scarpia, c’est sans aucun doute Luca Salsi qui, dans ce rôle, obtient à l’applaudimètre les suffrages incontestés du public : déjà entendu par notre confrère dans une Lucia di Lammermoor parisienne, le baryton met à profit les immenses atouts de son armature vocale — puissante projection et superbes graves d’airain — pour jongler avec un rare talent — scénique et plus encore vocal — avec toutes les facettes perverses du baron : lubricité haineuse, cruauté sadique. Absolument magnifique !
Tosca. Photographie © OMC Marco Borrelli.
Nonobstant la brièveté du personnage de Cesare Angelotti, Giorgi Manoshvili qui avait remplacé au dernier moment Salvo Vitale dans le rôle du Moine/Charles Quint d’un Don Carlo monégasque en novembre 2023, emprunte d’ailleurs le même chemin d’une interprétation très réussie. Le sacristain Giovanni Romeo (le poète Prosdocimo dans Il Turco in Italia à Monte-Carlo en janvier 2022) ne dépare pas cette production. Cerise sur le gâteau, les chœurs de l’opéra de Monte-Carlo et les chœurs d’enfants de l’Académie de musique Rainier III (chefs de chant Stefano Visconti et Kira Parfeevets) nous enchantent dans leur Te Deum à la fin de l’acte I.
Jean-Luc Vannier
17 novembre 2024
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Lundi 18 Novembre, 2024 16:47