8. Londres et préparatifs pour l’Écosse ; 9. Le piano Broadwood à Calder House ; Sommaire
Jane Stirling.
Dès que Chopin arrive à Londres au 10 Bentinck Street le 20 avril 1848, il pense changer de domicile :
« Les braves Erskine ont pensé à tout ; non seulement au chocolat, mais aussi au logement dont je changerai d’ailleurs car il en est un qui est libre dans la rue qu’elles habitent et il est mieux pour 4 guinées par semaine1.
Trois jours plus tard, il n’a pas encore sa nouvelle adresse :
Mes lettres sont encore dans mon portefeuille, mon piano n’est pas encore déballé... Je ne suis pas encore définitivement casé mais il faut que cela arrive2. »
Il s’installera finalement le 28 avril :
… mon adresse 48 Dover Street où je suis logé enfin depuis hier. Nous sommes aujourd’hui le 29 et je ne suis pas encore sorti rendre mes lettres tellement je me sens abattu par le climat3.
Deux pianos4 sont livrés à ce domicile un jour plus tôt dont un qui sera sorti de sa caisse :
Thursday April 27th 1848 P 229/2 Chopin removing GPF & Case Mr Chopin 48 Dover Street from Bentinck St Manchester Square to the above & unpacking do & bringing Case from do to wait./ Hal & Bowerman W 3995.
Ce GPF (Grand Piano Forte) est à l’évidence « son » piano Pleyel no 138196. L’autre piano livré est un piano fourni par la firme Erard. Un troisième piano, le Broadwood GPF no 17093, fera partie de son grand salon le 2 mai7.
Erard s’est montré très empressé et a mis un de ses pianos à disposition. J’ai donc un instrument Broadwood, un autre de Pleyel ; en tout trois pianos, mais à quoi cela me sert-il puisque je ne n’ai pas le temps de jouer8.
Le fait que la caisse du no 13819 est notée en attente (« to wait ») signifierait-il que Chopin prévoyait la possibilité de rentrer en France avec ce piano ?9 Cet argument pourrait ainsi aller contre le fait qu’il était convenu déjà à Paris que ce piano serait vendu par Chopin à Londres à Lady Trotter.
Le piano Pleyel est livré au 48 Dover Street un jour avant l’aménagement de Chopin dans ce domicile. Celui-ci n’a donc pas pu parler aux transporteurs. Chopin indique à la fin avril qu’il est abattu par le climat et qu’il n’est pas encore sorti rendre ses lettres. Le 2 mai, le piano Broadwood lui est livré. Sa première visite chez Henry Fowler Broadwood pourrait dater ainsi du lundi 1er mai. Cela signifie que Chopin n’a certainement pas mentionné ou n’a pas eu l’occasion de mentionner qu’il allait vendre « son » piano Pleyel dans trois mois à Lady Trotter. Quand l’entreprise Broadwood déménage ce « piano étranger » le 27 avril, il est assez logique qu’elle garde cette caisse vu qu’Henry Fowler savait pertinemment que Chopin n’allait pas rester définitivement à Londres10. C’est donc vraisemblablement une procédure soit de prudence soit de routine réalisée par la firme anglaise.
Dans la lettre du 24 avril à Marie de Rozières, Chopin parle de « mon piano ». Dans celle du 13 mai à Albert Grzymala, il parle du « mien » :
J’ai trois pianos, puisqu’en plus du Pleyel, j’ai un Broadwood et un Erard mais jusqu’à présent je ne me suis servi que du mien11.
A l’évidence, Chopin n’était pas propriétaire de « son » piano puisqu’il a envoyé le 1er août à Camille Pleyel l’argent de la vente :
Je profite de la bonté de Monsieur Mankowski pour vous envoyer £ 80, que je viens de recevoir pour votre piano12.
Toutefois Chopin n’aurait-il pas voulu l’acquérir mais, que faute d’argent et voyant qu’il ne s’installerait pas à Londres, il s’est vu contraint de le vendre sur place13 ? Mais alors qu’aurait-t-il dit à Pleyel avant de partir à Londres ? Qu’il allait rester là-bas et l’acheter quand il aura gagné sur place assez d’argent ? Connaissant la prudence de Chopin, c’est fort peu probable. D’ailleurs pourquoi ne l’aurait-il pas déjà acheté à Paris après son concert du 16 février qui a dû lui apporter une belle petite somme d’argent ?
En réalité quand Chopin parle « du mien », il voulait simplement signifier qu’il s’était servi du Pleyel. On retrouve cette dénomination quand Chopin parle des deux pianos à Nohant en 1845 :
Ici on ne va pas mal, excepté les pianos, dont un ne fait rien du tout et l’autre très peu. Le très peu est le mien, bien entendu14.
Chopin spécifie ici simplement par « le mien » que c’est le piano à queue (en l’occurrence le no 11527 mis à disposition par Pleyel et non pas acheté par Chopin) pour le distinguer du piano droit qui est loué par George Sand pour sa fille Solange.
D’ailleurs, dans les quatre lettres de Chopin à Londres parlant de ce piano, « le mien » ou « mon » n’y figure pas, mais on trouve « un autre de Pleyel », « un Pleyel », « votre [de Camille Pleyel] piano » et « le premier envoyé par Pleyel ».
Rien dans les faits n’atteste donc que Chopin aurait eu une quelconque intention d’acheter le piano no 13819. Comme à Majorque et à Nohant à sept reprises, il a disposé d’un piano à l’extérieur de Paris.
En conclusion, aucun élément ne semble donc contredire le fait qu’il était convenu déjà à Paris que ce piano sera vendu à Lady Trotter à la fin du séjour londonien de Frédéric Chopin.
Dans leur appartement au 44 Welbeck Street, les Écossaises se font livrer le 3 mai un piano droit, le Cottage Boudoir PF No 8474 de Broadwood15. La commande a dû se faire en même temps que celle du no 17093 pour le salon de Chopin. A l’évidence, ces dames voulaient faire plaisir à Chopin qui aimait jouer sur des pianos droits. Le maître venait très régulièrement chez elles :
« Mes chères dames écossaises me témoignent beaucoup d’affection ; je suis toujours chez elles quand je ne vais pas dans le monde16.
Chopin utilisera le Pleyel no 13819 pour une soirée chez Lady Blensington le 10 mai. Par la suite, lors d’apparitions publiques, il ne jouera plus que sur des pianos Broadwood, en particulier le no 17047 qui lui sera mis à disposition à plusieurs reprises dont les deux matinales chez madame Adelaïde Sartoris le 23 juin et chez le comte de Falmouth le 7 juillet.
Chopin confirme deux semaines plus tard après la vente du no 13819 que ce piano Pleyel a bien été acheté par Lady Trotter :
Avant mon départ pour l’Écosse où je compte passer tranquillement – (si c’est possible) quelques semaines – je vous ai écrit un petit bout de lettre, de Londres, en vous envoyant les 80 L. que j’ai reçu de Lady Trotter pour votre piano17.
En date du 8 juillet, Chopin écrit :
La saison est terminée à présent. Quelle suite vais-je donner à mes projets ? Je l’ignore. J’ai peu d’avance en poche et je ne sais ce que je vais faire. Peut-être me rendrai-je en Écosse. Mes Écossaises sont bonnes et affectueuses, mais elles m’ennuient parfois à mourir18.
Les deux matinales de fin de saison procurent à Chopin quelque pécule lui permettant, comme il le dit une semaine plus tard, d’avoir tout de même une réserve pour près de six mois.
Jane et Katherine ont donc début juillet proposé à Chopin ce voyage en Écosse. Celui-ci est peu motivé. Elles vont insister en faisant intervenir leur beau-frère Lord Torphichen habitant à Calder House à 20 km à l’ouest d’Édimbourg :
Lord Torphichen, dans une lettre écrite de Calder-House (en anglais) le 14 juillet, annonce que, vu le projet que fait Chopin de se rendre en Écosse, il désirerait beaucoup, quoique ne le connaissant pas personnellement, le recevoir chez lui. Il ajoute qu’il espère l’arrivée de ses belles-sœurs : Mme Erskine et Mlle Stirling19.
Juste après avoir reçu cette lettre, Chopin, n’étant pas dupe de la manœuvre, est sur le point de céder :
Elles m’accablent d’objurgations au point que je ne sais plus à quoi me résoudre. Elles veulent absolument que je les accompagne dans leur famille en Écosse. Ce serait fort bien si à présent je pouvais encore avoir envie de quelque chose20.
Chopin accepte car, quelques jours après, ses Écossaises font leur bagage.
Entre la fin juillet et le début août, il y eut beaucoup de mouvements de pianos21 :
Avant de se poser plusieurs questions sur ce « bal » de pianos, il convient de relever les propos de Chopin à la fin juillet :
Je partirai la semaine prochaine pour les environs d’Édimbourg où je dois me rendre chez un certain Lord Torphichen, beau-frère de mes Écossaises. Elles sont déjà chez lui. Il m’a adressé une lettre d’invitation. J’en ai reçu une aussi de Lady Murray, grande dame très connue dans la région et qui aime fort la musique. Je ne tiens pas compte d’une multitude d’invitations verbales données avec les adresses car je ne suis plus en état de vagabonder d’un endroit à l’autre – j’ai assez de cette vie-là – je n’en vois plus l’utilité pour moi- Je resterai donc en Écosse jusqu’au 29 août – je me suis engagé pour le 29 [en réalité le 28] à Manchester où un grand concert doit avoir lieu… Que ferai-je de moi ensuite ? Je ne sais23.
En clair, juste avant son départ en Écosse, Chopin n’a un planning que pour un seul mois : Calder House puis Manchester puis sous-entendu retour à Londres ou Paris puisqu’il ne pense pas rester en Écosse après son concert à Manchester.
Les Écossaises sont donc parties avant Chopin, probablement le 22 juillet, date de l’envoi du Pleyel de Jane à Calder House. On peut comprendre que Chopin ne prenne pas « son » Pleyel no 13819 et le vende avant de partir à Lady Trotter : à Calder House Jane et Chopin habiteront dans la même maison, contrairement à Londres, et le maître pourra profiter du Pleyel de Jane, ce qui, entre nous soit dit, fera un grand plaisir à son élève !
Dans un catalogue de Broadwood de 188524 le piano à queue no 17001 de la firme est décrit comme étant choisi par Chopin pour ses concerts en Écosse à Glasgow et Édimbourg. Or, lors de ce choix, Chopin n’est pas au courant d’un prolongement de son voyage au-delà du 28 août encore moins des deux concerts écossais qui auront lieu le 28 septembre et le 4 octobre respectivement. De Calder House, Chopin mentionne le 11 août :
J’ai un piano de Broadwood dans ma chambre, le Pleyel de Miss St.[Stirling] au Salon – je ne manque pas de papier ni de plumes25.
Les biographes ne font pas mention de l’origine possible de ce piano Broadwood et le distingue du no 17001 « spécialement » prévu pour les deux concerts en Écosse.
Pourtant Chopin ne choisit pas le no 17001 sur la base de concerts en Écosse qu’il ne connaît pas mais alors bien pour une installation à Calder House ! Jane a sans aucun doute mentionné à Broadwood qu’il n’y avait pas de piano à Calder House ou du moins pas de piano de qualité. Henry Fowler, toujours soucieux que son protégé bénéficie des meilleurs pianos, lui en met un à nouveau à disposition. On en a une preuve supplémentaire par le mot indiqué lors de la livraison de ce piano le 5 août :
En cas de retour dans un délai d’un mois, nous payons toutes les dépenses26.
Broadwood se montre encore généreux ici en prêtant le no 17001 pendant un mois et surtout en assumant les frais de transport27 : cette durée est à mettre en relation avec le fait que Chopin pensait certainement retourner à Londres après son concert de Manchester28. Le piano no 17001 n’était donc pas initialement prévu pour des concerts en Écosse mais bien pour Chopin à titre privé ! Cela signifie que ce piano à queue no 17001 était sans aucun doute le piano Broadwood qu’il avait dans sa chambre lors de son premier séjour à Calder House entre le 7 et le 23 août.
La lettre du 11 août ne mentionne pas de concerts en Écosse. Il faut attendre le 19 août pour lire un prolongement du voyage :
Après le concert [de Manchester], je retournerai à Glasgow pour me rendre chez la belle-sœur de mon lord [Torphichen]. De là j’irai chez lady Murray puis à Stirling et enfin à Édimbourg où l’on veut que je joue au commencement d’octobre29.
Il paraît évident que Jane avait depuis longtemps rêvé de présenter Chopin à plusieurs membres de sa famille dans l’espoir d’épouser le musicien… Pour ne pas brusquer son maître, elle procède par petites étapes.
En fonction de ces nouveaux projets, Jane avertit vraisemblablement Broadwood qu’elle veut garder ce piano no 17001 pour Chopin en Écosse. C’est John Muir Wood, qui avait fait le voyage en train de Londres à Édimbourg avec Chopin et chez qui le piano fut initialement livré, qui s’occupera de la gestion de ce piano, en particulier pour les concerts écossais.
Ce sera donc un autre piano, le no 17047 sur lequel Chopin a joué lors des soirées privées et lors de deux matinales, qui sera envoyé le 23 août pour le concert qui aura lieu à Manchester cinq jours plus tard.
Broadwood 17047.
Tout pourrait ainsi se tenir. Reste le piano Broadwood no 17093 qui était dans l’appartement de Chopin à Londres. Pourquoi Chopin n’a-t-il pas pris ce piano à Calder House au lieu de choisir le no 17001 ? Cela aurait été plus simple car il le connaissait. Ce changement de piano n’est pas loin de nous faire penser avec ce qui se passait concernant les pianos Pleyel : quand Chopin quittait Paris pour Nohant, il changeait de piano. Broadwood se serait-il inspiré de cela ? Peut-être. Mais qu’est devenu ce piano ?
Ce piano no 17093 est mis le 17 août sur le bateau à vapeur Royal Victoria pour une destination non enregistrée dans les archives Broadwood30, ce qui est une information pour le moins singulière. Dans les faits, le Royal Victoria assurait un service entre le quai Sainte Catherine de Londres au port d’Édimbourg, Leith, de 1835 à au moins 185231. La destination était donc Édimbourg, mais probablement n’était-ce qu’une destination intermédiaire.
Calder House.
La Calder House est un vieux manoir à 20 km à l’ouest d’Édimbourg, dont les bases sont essentiellement du xvie siècle, qui a subi plusieurs modifications. C’est à l’époque la résidence de James Sandilands (1770 – 1862), 10e Lord Torphichen, beau-frère de Jane Stirling. Sa femme Margaret Douglas était décédée en 1836. Ils ont eu 4 enfants.
Chopin fit deux séjours à Calder House, le premier du 7 au 25 août, le deuxième du 5 au 17 octobre 1848.
D’après les descriptions que fit Chopin, il est certain qu’il résida dans deux chambres différentes. La première fois, il est logé loin des autres et du salon et il a une vue splendide sur le parc32. Lors du deuxième séjour, il est logé au rez-de-chaussée33. Ce changement d’affectation vient probablement du fait que Chopin notait encore le 1er octobre à Keir House que les chambres sont à l’étage et qu’il devait se faire porter par son serviteur34.
Lors du premier séjour, le piano Broadwood no 17001 se trouve dans la chambre de Chopin, assez spacieuse, de l’aile nord35. Jane Stirling a son piano Pleyel no 13823 dans le grand salon.
Ce piano Broadwood aurait été par la suite amené à Glasgow pour le concert de Chopin le 27 septembre puis pour le concert du 4 octobre à Édimbourg selon l’accordeur londonien Alfred James Hipkins36.
Retrouve-t-on à nouveau ce piano à Calder House pour le second séjour du compositeur du 5 au 17 octobre ? On pourrait le penser puisqu’il aurait composé une valse en si majeur dédiée à Katherine Erskine dont on ne connaît que la couverture et la page de garde avec cette inscription « Valse pour Mme Erksine, 12 octobre 1848 F. Chopin »37.
Mais cet argument n’est de loin pas décisif car Chopin pouvait disposer du Pleyel de Jane.
Quoiqu’il en soit ce piano est racheté en date du 6 mars 1849 pour la somme de 92 £ par John Muir Wood et son frère à Édimbourg probablement pour le revendre à un client38.
Selon le témoignage de Mme Lyszczynski, ce piano a été vendu « for £ 30 above the price. Thus, at any rate, runs the legend39. » Le prix de vente de base de ce piano « Concert Grand with Elliptical End » était compris entre 125 £ et 160 £40.
Un tel piano n’est à l’évidence pas à la portée de toutes les bourses. Et rajouter un gros pourcentage dessus est des plus singuliers. Cela fait très fortement penser à Jane Stirling quand elle acheta son piano Pleyel no 13823 dont elle rajouta 300 francs au prix de vente (dont 250 francs de commission pour Chopin). Jane a certainement remercié John Muir Wood de ses bons services à sa façon, c’est-à-dire anonymement.
On ne peut pas laisser passer ici une coïncidence temporelle pour le moins troublante entre la date de cet achat du piano et celle de la curieuse affaire d’un don anonyme à Chopin le 8 mars 1849 : une somme de 25 000 francs (!) a été glissée dans une enveloppe qui a été donnée à la concierge du compositeur, Mme Étienne. Celle-ci aurait oublié de la transmettre à qui de droit. L’enveloppe aurait été retrouvée à la fin juillet, avec une explication des plus extravagantes de Katherine Erskine, à la plus grande stupeur de Chopin. Histoire rocambolesque certes mais révélant une fois de plus l’immense générosité des Écossaises (de Jane surtout…) envers le maître.
On a une confirmation de l’achat du piano Broadwood no 17001 par Jane et de son installation à Calder House. Une de ses nièces, Minnie Stirling, dit avoir souvent joué à Calder House sur le piano Broadwood que sa tante avait acquis pour Chopin :
I have often played on the Broadwood Piano my aunt [Jane] got for him. Part of the large drawing room was where Knox celebrated his first Sacrament. Chopin loved to wander round the Lake41…
Minnie est en fait le surnom de Williamina Mary Stirling (1846-1936), fille cadette d’un second mariage de William Stirling (1787-1862), un frère de Jane. Pour se rappeler avoir joué souvent sur ce Broadwood à Calder House, Minnie devait avoir clairement plus de 3 ans ! Cela signifie que le Broadwood no 17 001 resta bien au-delà de l’année 1849 dans ce manoir42.
Alors bien sûr, la question : ce piano Broadwood no 17 001 est-il encore à Calder House ?
Dans ce manoir très privé, qui a abrité un moment un embryon de musée Chopin créé par Jane, il pourrait y avoir encore quelques souvenirs comme des lettres de Louise à Jane :
Les recherches effectuées en Écosse n'ont pas donné les résultats escomptés. On peut cependant supposer que ces lettres n'ont pas été détruites par les héritiers de Stirling, mais qu'elles se trouvent dans l'un des châteaux écossais43.
Audrey Evelyn Bone, à la fin de l’annexe concernant en bonne partie Calder House, fait une remarque cinglante :
À la fin de cette annexe, je me permets de lancer un appel public à ceux qui possèdent des documents sur Jane Stirling et qui ont délibérément refusé d'y donner accès - par courtoisie, ils ne sont pas nommés.44
Un connaisseur de la période écossaise de Chopin, ayant été invité à Calder House mais seulement dans le salon, relate :
Il y a de fortes chances que de nombreux objets liés à Chopin se trouvent encore en Écosse, très probablement à ... Calder House45
En août 1930 le musicologue Edouard Ganche visite quelques lieux fréquentés par Chopin en Écosse. À Calder House il ne semble avoir visité que le salon et les deux bibliothèques. Il dit qu’on ne connaît pas la chambre occupée par Chopin pendant dix-huit jours46. C’est pour le moins étonnant.
Par rapport à ces témoignages, il n’est pas invraisemblable de penser que dans la chambre où vécut Chopin lors de son premier séjour il reste quelques souvenirs du maître, en particulier… le piano Broadwood no 1700147 !
Alain Kohler
septembre 2024
1. Résumé ; 2. Notes sur Jane Stirling et sa famille ; 3. Les débuts de Jane Stirling avec Chopin ; 4. Les pianos de Jane Stirling ; 5. Le journal de Fanny Erskine ; 6. Le dernier concert à Paris et l’annonce du départ ; 7. Le piano Pleyel du dernier concert à Paris ; 8. Londres et préparatifs pour l’Écosse ; 9. Le piano Broadwood à Calder House ; 10. Thomas Tellefsen ; 11. L’énigme du piano à Glasgow ; 12. Le piano Broadwood à Gargunnock ; 13. Le piano Erard no 713 à Keir House ; 14. Épilogue ; 15. Annexe I, la gestion des pianos par Pleyel ; 16. Annexe II : Le piano Pleyel du dernier concert à Paris
2. Lettre de Chopin à Mlle de Rozières entre le 24 et 29 avril 1848, le passage est ici du 24 avril. https://kolekcja.nifc.pl M/3255/1 (consulté le 28 février 2024). 3. Ibid. 4. JUDE, p. 515. 5. Surrey History Centre 2185/JB/42/42, Broadwood porters’ book. Relevé par COBBE, p. 12. 6. Dans les archives Broadwood, quand le numéro de série n’est pas indiqué, il s’agit d’un piano qui n’est pas de Broadwood. Jean Jude conteste le fait qu’il s’agisse ici du Pleyel no 13819. Selon lui, c’est le piano Pleyel no 13823 de Jane Stirling qui a été amené dans l’appartement londonien de Chopin. Ce scénario, rocambolesque à plus d’un titre, part de l’idée fausse qu’un piano à l’inventaire au 1er juillet devait rester physiquement au magasin : l’analyse des archives Pleyel met en évidence que beaucoup de pianos mis à la disposition de pianistes pendant l’été étaient notés à l’inventaire. Pour plus de détails, lire mon article « Les pianos chez Chopin pendant sa relation avec George Sand » sur le site musicologie.org. Dans son livre au chapitre II, Alec Cobbe amène de solides éléments d’archive en faveur du Pleyel no 13819. 7. COBBE, p. 20. 8. CFC t. III, p. 341, lettre de Chopin à Adolphe Gutmann du 6 mai 1848. 9. C’est l’hypothèse d’Alec Cobbe, p. 13. 10. Il est à noter que le séjour de Chopin à Londres en 1837 a duré moins de trois semaines. 11. CFC t. III, p. 344, lettre de Chopin à Albert Grzymala du 13 mai 1848. 12. CFC t. III, p. 359, lettre de Chopin à Camille Pleyel du 1er août 1848. 13. C’est un résumé du point de vue d’Alec Cobbe dans son livre aux pages 9 et 15. 14. CFC t. III, p. 217, lettre de Chopin à Mlle de Rozières du 19 août 1845. 15. COBBE, p. 31. 16. CFC t. III, p. 348, lettre de Chopin à Albert Grzymala du 2 juin 1848. 17. CFC t. III, p. 362, lettre de Chopin à Camille Pleyel du 15 août 1848. 18. CFC, t. III, p. 354, lettre de Chopin à Albert Grzymala, 8 juillet 1848. 19. KARLOWICZ, p. 182. 20. CFC, t. III, p. 357, lettre de Chopin à Albert Grzymala, 8 au 17 juillet 1848. Le passage est ici du 17 juillet. 21. COBBE, p. 16 – 25 – 26 – 31. 22. Il est à noter (JUDE p. 517) que le prix de la location du piano droit pour moins de trois mois est de 43 £ et le transport du piano à queue en Écosse de 57 £ ! On ne peut être que d’accord avec Chopin qui se plaint très souvent de la vie chère à Londres. Et aussi réaffirmer ici que Jane et sa sœur n’étaient de loin pas démunies. 23. CFC, t. III, p. 358, lettre de Chopin à Albert Grzymala, fin juillet 1848. 24. The International Inventions Exhibition, booklet : List of John Broadwood and Sons’ Exhibits, London, Fargues and Co, 1885, p. 12-13. Le texte a sans doute été écrit par Alfred James Hipkins. 25. CFC, t. III, p. 361, lettre de Chopin à Auguste Franchomme du 11 août 1848. 26. COBBE, p. 25. 27. On peut alors supposer que ce piano a dû être loué par la suite : Jane Stirling s’en est très probablement occupée. 28. Les voyages étaient longs même en train express : 12 heures de Londres à Édimbourg (650 km) et 8 h d’Édimbourg à Manchester (400 km). Voir CFC t. III, p. 374 et 378. On peut alors comprendre que Chopin quittait l’Écosse pour se rapprocher de Londres par son concert à Manchester. 29. CFC t. III, p. 378, lettre de Chopin à sa famille du 10 au 19 août 1848, ici le 19 août. On remarque l’habituel discrétion de Chopin quand il parle de la belle-sœur de son lord au lieu de dire plus simplement la sœur de mes Écossaises. Même chose avec le « on veut » au lieu de dire « mes Écossaises veulent ». 30. COBBE, p. 25. 31. COLIN BAIN Joseph, Employment of the steamship in the Scottish East coast trades to 1850, thesis, University of St Andrews, 1996, p. 318. https://hdl.handle.net/10023/6418 (consulté le 27 février 2024). 32. CFC, t. III, p. 375 et 379, lettre de Chopin à sa famille du 10 au 19 août 1848. 33. CFC, t. III, p. 393-94, lettre de Chopin à Adolphe Gutmann du 16 octobre 1848. 34. CFC, t. III, p. 389, lettre de Keir House de Chopin à Albert Grzymala du 1er octobre 1848. 35. Ibid. p. 44, plans de Calder House. 36. The International Inventions Exhibition, p. 12-13. 37. La partition, qu’Arthur Hedley dit avoir vue chez un particulier, n’a jamais été retrouvée. Certains experts doutent par ailleurs de l’existence d’un tel manuscrit. 38. Aimable communication du 19 mars 2018 par M. Andrew Chase de la maison John Broadwood and Sons. 39. NIECKS Frederick, Frederick Chopin : as a man and musician, third ed., London, Novello and Company, 1902, Vol. II, p. 298. 40. ALASTAIR Laurence, The evolution of the Broadwood Grand Piano 1785-1998, DPhil. University of York, Department of Music, 1998, p. 91-92. 41. BONE, appendix i) : ce passage est inséré dans un paragraphe parlant de Calder House. 42. S’il y avait déjà un piano Broadwood à Calder House, pour quelle raison Chopin aurait choisi encore le no 17001 alors qu’il n’avait aucune idée de ce qu’il allait faire après son concert à Manchester le 28 août ? Il y avait peut-être un piano mais pas de qualité ou du moins pas de la qualité que voulait offrir Henry Fowler à son protégé. 43. Chopin Studies 1, Hanna Wroblewska-Straus, Jane Wilhelmina Stirling’s Letters to Ludwika Jedrzejewicz, Frederick Chopin Society, Warsaw 1985, p. 73 note 1. 44. BONE, annexe iii). 45. Propos recueilli en février 2017 auprès d’un spécialiste ayant pu visiter Calder House en 2016. Visiter signifiait être dans le salon mais rien d’autre. Propriétaires très privés paraît-il. 46. GANCHE Edouard, Voyages avec Frédéric Chopin, Paris, Mercure de France, 1934, p. 97-98. 47. Une demande de renseignements faite au propriétaire de Calder House est restée sans réponse.
Musicologie.org, 56 rue de la Fédération, 93100 Montreuil. ☎ 06 06 61 73 41. ISNN 2269-9910. Jeudi 27 Mars, 2025 15:22Notes
1. CFC t. III, p. 338, lettre de Chopin à Albert Grzymala du 21 avril 1848.
M. et Mme Lyszczynski ont accueilli plusieurs fois Chopin chez eux au 10 Warriston Crescent lors de ses passages à Édimbourg.
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