5 avril 2023 — Frédéric Norac
Jiří Kylián invité au Palais Garnier, 8-31 décembre 2023. Photographie © Opéra de Paris.
Les théâtres lyriques commencent à annoncer leurs saisons 2023-2024. Feuilleter leurs brochures c’est déjà déguster d’avance les productions qui vont enrichir nos soirées à partir de septembre prochain.
À tout seigneur, tout honneur, commençons par l’Opéra de Paris. À son habitude, l’Opéra national de Paris proposera sept nouvelles productions et une dizaine de reprises. Huit si l’on compte Street Scene de Kurt Weill que Ted Huffman montera avec les jeunes chanteurs de l’Académie, à la MC 93 de Bobigny en avril. Après Michael Hanneke en 2006 et Ivo van Hove en 2018, il reviendra à Claus Guth de proposer sa vison de Don Giovanni pour l’ouverture de saison. À n’en pas douter, ce sera à nouveau une pomme de discorde parmi les amateurs. Lohengrin qui en 2017 avait été présenté dans sa mise en scène, sera confié cette fois au très médiatique Kirill Serebrennikov. Piotr Beczala devra y affronter le souvenir de Jonas Kaufmann dans le rôle-titre. En février, la très rare Beatrice di Tenda de Bellini fera son entrée au répertoire dans une mise en scène très inattendue de Peter Sellars. Le compositeur britannique Thomas Adès aura enfin les honneurs de notre scène nationale avec son opéra L’ange exterminateur, créé en 2016, d’après le film éponyme de Luis Buñuel, dans une mise en scène de Calxto Bieito. Très rares aussi la Médée de Marc-Antoine Charpentier dirigée par Christie et mise en scène par David McVicar et La Vestale de Spontini montée par Lydia Steier dont la Salomé sanguinolente a fait beaucoup couler d’encre cette saison. Enfin le Don Quichotte de Massenet qui n’avait pas été présenté depuis 1986 (avec Ruggero Raimondi et Gabriel Bacquier) sera confié à Damiano Michieletto avec Ildar Abrazakov dans le rôle-titre.
Du côté des reprises dont certaines déjà un peu anciennes et pas toujours très bien reçues à leur création, l’Opéra mise sur d’excellentes distributions et des têtes d’affiche porteuses pour les ranimer un peu. Don Pasquale sera porté par Laurent Naouri et Julie Fuchs ; L’Affaire Makropoulos par Karita Mattila ; Turandot par Sondra Radvanovsky, Les Contes d’Hoffmann par Benjamin Bernheim, Adriana Lecouvreur par Anna Netrebko, La Traviata par Nadine Sierra et Ludovic Tézier reviendra défendre la production bien terne de Simon Boccanegra de 2018. Du côté du ballet, bien peu de créations. Deux entrées au répertoire, Sadeh 21 de Ohad Naharin et Barbe-Bleue de Pina Bausch (créé en 1977 !). Deux spectacles « nouveaux » tout de même, dont une soirée Jiri Kylian (comprenant 4 pièces, dont 2 entrées au répertoire). Pour le reste toute la galerie du ballet classique est là du Lac des Cygnes à Giselle en passant par Don Quichotte et Casse-Noisette, essentiellement dans les productions de Rudolf Nureev.
On le voit, Alexander Neef joue à fond la carte du théâtre de répertoire et disons-le avec un certain talent, trouvant un bon équilibre en tradition et audace pour les productions et tout de même un brin de curiosité pour le répertoire.
Carmen à l'Opéra-Comique, 24 avril-4 mai 2023. Photographie © OPéra-Comique de Paris.
À l’Opéra Comique, entre rattrapage des années Covid et recyclage de productions antérieures, la saison prochaine proposera sept titres parmi lesquels quatre véritables nouvelles productions : La Fille de Mme Angot, opérette de Charles Lecocq aussi célèbre que méconnue bien que le Palazetto Bru-Zane en ait proposé une version concert en 2021 ; une double affiche réunissant Pulcinella de Stravinsky et L’heure espagnole de Ravel que dirigera le directeur artistique Louis Langrée. En juin, Lilo Baur montera une nouvelle production de l’Armide de Lully dans les décors de celle de Gluck de 2022, mais avec de nouveaux costumes. Le rôle-titre en sera confié à Ambroisine Bré. La saison offrira une création d’Isabelle Aboulker, destinée aux enfants de la Maîtrise populaire, Archipel (s). La compositrice (née en 1938) dont l’œuvre est particulièrement riche dans le domaine des opéras pour enfants, n’avait sans doute jamais été montée sur une scène parisienne. Elle dit que cette œuvre sera la dernière pour elle. L’autre voyage, une soirée « anthologique » consacrée aux opéras de Schubert conçue par Silvia Costa et Raphaël Pichon complète les nouveaux spectacles. Les Parisiens pourront également découvrir Macbeth-Unterworld de Pascal Dusapin créé en a Bruxelles en 2019. Une reprise de Fantasio d’Offenbach, créée au Châtelet en 2017 pendant les travaux de la Salle Favart, avec une distribution prestigieuse réunissant notamment Gaëlle Arquez, Jodie Devos et Jean-Sébastien Bou devrait faire le plein en décembre. À chacune de ces productions, le théâtre ajoute un ensemble de manifestations de petit format, « Les Pléiades » : conférences, masterclasses, petits concerts. Si l’affiche peut paraître modeste et laisse l’impression d’une recherche d’économie bien que Jean-Yves Larouturou, président du conseil d’administration, affirme que le théâtre se porte bien au plan budgétaire, elle est bien relevée par la qualité des distributions et par ses à-côtés souvent très originaux.
La grande nouveauté de l’Opéra Comique cette année est la création d’une académie réunissant sur un projet de professionnalisation, deux chefs d’orchestre, deux chefs de chant, un chef de chœur, cinq chanteurs et deux metteurs en scène (des deux sexes bien sûr). Cette nouvelle initiative fait suite à celle de la Maîtrise populaire qui cette année avait fourni quelques excellents éléments à la production du Voyage dans la lune d’Offenbach mis en scène par Laurent Pelly, et qui offrira une « passerelle » à une ou un maîtrisien.ne.
La maison continue à chercher à s’ouvrir à de nouveaux publics et propose des accès aux répétitions pour les jeunes et les scolaires, des concerts en famille, des opérations en direction des jeunes publics, des publics en situation de handicap et des publics éloignés de la culture, car selon Louis Langrée, être un théâtre national, c’est être un théâtre populaire ouvert au plus grand nombre. Une citation de mémoire que nous avons eu le tort de ne pas noter.
Le Théâtre des Champs-Élysées. Photographie © Théâtre des Champs-Élysées.
Sans en détailler la totalité, on peut en mettre en avant les propositions les plus intéressantes, au moins de notre point de vue.
Du côté des spectacles mis en scène, Cédric Klapisch fera son premier essai dans le domaine de l’opéra avec une Flûte enchantée dirigée par François-Xavier Roth qui devrait concentrer beaucoup de curiosité. Boris Godounov, confié à Olivier Py avec Matthias Goerne dans le rôle-titre sera sûrement un évènement. Du côté baroque, Jean Bellorini (actuel directeur du TNP de Villeurbanne) et Sébastien Daucé proposeront une nouvelle production de David et Jonathas de Charpentier. Quant à Jean-Christophe Spinosi, il s’associera à Emmanuel Daumas pour l’Olimpiade de Vivaldi. Tous ces titres offrant des distributions de premier plan.
Du côté des versions de concert, difficile de faire un choix dans une offre on ne peut plus éclectique qui va de Lully (Atys et Alceste) à Strauss (Elektra) en passant par Haendel (Rinaldo, Berenice, Jules César, Tolomeo), Rameau (Les Boréades), Mozart (L’Enlèvement au sérail et Don Giovanni), Bizet (Carmen et Les Pêcheurs de perles) et Cilea (Adrienne Lecouvreur). Mais, quant à nous, nous prenons déjà rendez-vous pour La Walkyrie, deuxième volet de La Tétralogie brillamment commencée en 2022 par Yannick Nézet-Seguin, pour la rare Iphigénie en Tauride de Desmarest et Campra, pour L’Enlèvement au Sérail avec le Concert de la Loge et Julien Chauvin et La Damnation de Faust en version oratorienne, comme l’avait souhaité Berlioz, avec une distribution entièrement francophone sous la direction de Cristian Macelaru.
Du côté des récitals, un concert réunira les frères Pati (Amitai et Pene) avec la soprano Golda Schutz, Matthias Goerne avec Evgeny Kissin dans Schumann et Brahms, Lisette Oropesa et Benjamin Bernheim, pour ne citer ces quelques intéressants « couplages ». Les baroqueux ne manqueront pas Philippe Jaroussky, Franco Fagioli, Marina Viotti dans Haendel et un quatuor (Eva Zaijuck, Bruno de Sà, Christophe Dumaux et Laurence Oliva) accompagné des Accents de Thibaut Noally.
Le TCE continue aussi de former les jeunes publics et proposera après la Cenerentola de cette saison une « petite » Flûte enchantée, qui leur sera spécialement destinée en février.
On le voit, la saison prochaine s’annonce florissante et pleine de découvertes, il sera bien difficile de faire tenir tout cela — neuf ou rénové — dans un seul agenda.
Frédéric Norac
5 avril 2022
Des Puritains de bon aloi — Bric-à-brac rossinien : La Petite Messe solennelle vue par Wilson et Houben — Une Médée renouvelée à redécouvrir — ... Tous les articles de Frédéric Norac ... norac@musicologie.org.
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Mardi 12 Décembre, 2023 13:54