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Théâtre des Champs-Élysées, 4 février 2023 — Frédéric Norac

Une Cenerentola ou le Grand Hôtel des Rêves

La Cenerentola, Théâtre des Champs-Élysées. Photographie © Vincent Pontet.

Après Carmen, reine du cirque en 2019, l’Élixir d’amour en 2021 et Rigoletto en 2022, le TCE continue son exploration du grand répertoire d’opéra à l’intention du jeune public, sous la forme de représentations « participatives » où les enfants sont invités à chanter, assurant les chœurs et donnant la réplique aux solistes.

En cette seconde matinée tout public où les enfants sont accompagnés de leurs parents, c’est la qualité de la préparation qui leur a été offerte qui frappe pendant le court filage qui précède la représentation ainsi que la justesse parfaite des ensembles. Bien sûr l’opéra a été adapté, traduit en français et son intrigue simplifiée (surtout pour ce qui concerne le dénouement). Les récitatifs secs ont été transformés en dialogues et les accompagnati en mélodrames. Si la prosodie des airs nous a semblé un peu inégale et pourrait être parfois plus simple et plus naturelle, il ne manque aucun numéro à la partition. Ils ont été bien sûr écourtés de leurs reprises pour tenir dans le format réduit d’une heure quinze.

Le théâtre n’a pas lésiné sur la qualité de la distribution, composée de chanteurs jeunes, eux aussi, mais dont la plupart se distinguent dans des rôles exigeants et pourraient très bien les assumer dans une production « normale ». Tous méritent un satisfecit, mais, sur le plan de la présence théâtrale et de la virtuosité, on donnera un bon point supplémentaire au baryton mexicain Sergio Villeglas-Galvain qui se révèle un brillant vocaliste dans le rôle de Dandini dont il maîtrise l’air d’entrée avec toute la désinvolture voulue. Une fois de plus, Les Frivolités parisiennes sous la direction d’Alphonse Cemin donnent le meilleur d’elles-mêmes dans une lecture pleine de vivacité de la partition.

La mise en scène, venue d’Italie1, transpose l’action dans un hôtel. Elle joue essentiellement sur le côté bouffe de l’histoire, ajoutant trois clowns — les grooms — dont les facéties sont pensées pour parler aux enfants. Elle gomme quelque peu les aspects les plus noirs du livret de Ferretti, faisant de Don Magnifico et de ses deux filles des personnages plus bêtes que méchants. Dans une esthétique colorée, avec des costumes entre cirque et music-hall, elle fonctionne à merveille avec quelques gadgets comme cet ascenseur qui gère les apparitions des personnages.

Évidemment, il y a en arrière-plan du spectacle tout un travail de médiation en direction du jeune public pour aboutir à ces trois représentations tout public (ajoutées à onze scolaires dont trois en audio description et deux en langue des signes française pour que l’inclusion soit totale).

La Cenerentola, Théâtre des Champs-Élysées. Photographie © Vincent Pontet.

Une des jolies idées de l’adaptation est de faire « bruiter » l’orage du deuxième acte par le public avec des sons corporels. L’ensemble très efficace réussit à maintenir l’intérêt du jeune public, en partie grâce à la nécessité de devoir participer à la représentation. Il est vrai que le sujet lui-même appartenant au répertoire des contes universels, il est susceptible de parler de façon immédiate aux enfants. Au final, le spectacle fait un triomphe, prouvant que l’opéra n’est pas un genre réservé à un public averti, mais plutôt à un public préparé. Parmi celui de cette matinée, certains parents découvraient peut-être eux-mêmes un opéra pour la première fois.

Le spectacle aurait dû être repris le mois prochain à l’Opéra de Rouen-Normandie qui en est coproducteur, mais il vient de faire les frais de la crise énergétique qui oblige beaucoup de théâtres à réduire drastiquement leur fonctionnement. Les petits Normands n’y auront pas droit.

______________

1. Elle est issue du programme de l’ASLICO, littéralement « association lyrique et de concerts », qui offre aux jeunes chanteurs débutants un parcours de formation, notamment à travers des spectacles « itinérants », un peu à la manière de « Génération Opéra » (ancien CNPL).

plume_07 Frédéric Norac
4 février 2023
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