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Michel Rusquet, Trois siècles de musique instrumentale : un parcours découverte : La musique instrumentale en Italie au temps de Mozart et de Haydn.

Les œuvres de Muzio Clementi (1752-1832)

IntroductionSonates pour pianocapricciosGradus as Parnassumdiverschambre et orchestre.

Comment se fait-il qu’encore aujourd’hui ce compositeur, qui fit l’admiration de Beethoven et de Chopin, soit à ce point méconnu et sous-estimé ? Le grand Horowitz l’avait pourtant remis à l’honneur, et, de ci de là, d’autres pianistes lui ont emboîté le pas en faisant quelques incursions dans ses sonates, mais rien n’y fait ou presque : tout se passe comme si la postérité ne voulait retenir sous ce nom que l’image (le cliché…) du brillantissime virtuose sillonnant l’Europe qu’il fut pendant la première moitié de sa longue carrière, et de l’immense pédagogue (grand « faiseur d’exercices ») qu’il fut par la suite.

Véritable enfant prodige, il se forma à Rome, sa ville natale, et obtint dès l’âge de neuf ans un premier poste d’organiste. Quelques années plus tard, alors qu’il avait commencé à s’essayer à la composition, son talent  fut remarqué par un gentilhomme anglais qui convainquit les parents de laisser leur brillant rejeton poursuivre sa formation en Angleterre. Le jeune Muzio passa ainsi sept ans chez son protecteur, dans le Dorsetshire, puis, vers 1773, se fixa à Londres où il se fit rapidement une grande réputation, y donnant des récitals et dirigeant pendant trois ans des représentations lyriques au King’s Theatre.

À partir de 1780, ce seront de glorieuses tournées de récitals à travers l’Europe, et, épisode resté dans les annales, c’est à l’occasion d’un séjour à Vienne, fin 1781, que, sous les auspices de l’empereur Joseph II, notre virtuose aura à affronter Mozart dans une de ces joutes pianistiques dont l’époque était friande. Après 1785 et pendant plus de quinze ans, il va rester à Londres mais ne poursuivra sa carrière de pianiste que quelques années. Il se consacre en effet de plus en plus à la composition, à la direction d’orchestre et à la pédagogie. Par la suite, et jusqu’à ses vieux jours, d’autres activités s’y ajouteront, de l’édition musicale à la vente et à la manufacture de pianos, et, à des titres divers, y compris pour affaires, il effectuera à nouveau de nombreux voyages à travers le continent européen. Que ce soit à Londres, où il participe à la création de la Philharmonic Society, ou au cours de ces déplacements sur le continent, il se produira encore assez souvent en public, mais ce sera pour diriger quelques grandes phalanges et, notamment, tenter d’imposer ses propres symphonies. Et ce grand voyageur à la vie bien remplie ne « décrochera », pour se mettre au vert dans le Worcestershire, que deux ans avant de mourir et de connaître l’ultime  consécration, celle que l’Angleterre a le chic de réserver à ses meilleurs citoyens d’adoption, avec obsèques nationales et inhumation à Westminster Abbey.

Que, dans le vaste catalogue laissé par ce musicien, l’on fasse la fine bouche sur l’œuvre pour orchestre, au demeurant peu fournie, ainsi que sur les nombreuses partitions de musique de chambre, cela peut se comprendre. Que l’on ait une certaine prévention à l’égard du corpus pédagogique, passe encore : c’est un a priori assez naturel, qu’il faut simplement se garder ici de pousser jusqu'à une condamnation générale. Mais que le dédain s’étende à l’ensemble de la production pianistique de Clementi, c’est proprement inexplicable. Certes, cette production est très inégale, et, même dans ses sonates, qui en constituent le fleuron, on rencontre parfois des baisses de tension, des passages à vide ou des dérives virtuoses un peu gratuites qui peuvent faire douter. Mais Clementi n’en a pas l’apanage, et ces quelques faiblesses éparses ne sont rien à côté de tout ce qui rend son œuvre essentielle.

Déjà de son temps, on faisait de lui le « père du piano-forte », et de fait « il fut sans doute le principal créateur du style pianistique moderne, à la fois sur les plans technique (tierces et octaves parallèles) et sonore, - ce dont devaient largement s’inspirer ses élèves et successeurs. »1  Et il y a bien plus que ces innovations purement pianistiques : « Sans Clementi […], nous n’aurions pas eu Beethoven, ou du moins pas le même. Ce que le cadet doit à l’aîné est innombrable, et l’on appelle abusivement beethovéniens toutes sortes de traits qui ont d’abord été clementiniens : les élans soudains, les ruptures de discours, les accents impérieux, les hardiesses instrumentales, la liberté formelle, les thèmes courts, anguleux, et même abrupts, les développements étendus, l’espacement entre les mains, les brusques changements de registre, les forts contrastes dynamiques, les modulations brutales , les effets orchestraux… »2

Tout cela n’empèche pas qu’on rencontre chez lui des échos de Scarlatti, des fils de Bach ou de Haydn , mais, loin de se contenter de jeter un pont entre deux époques, Clementi affiche, dans son style comme dans son expression, une personnalité qui en fait beaucoup plus que l’ébauche d’un génie et justifie, selon l’expression du même Guy Sacre, qu’on puisse vraiment « l’aimer pour son propre compte ».

—— Sonates pour piano

—— Capriccios

—— Gradus ad Parnassum

—— Divers

—— Œuvres de chambre et orchestre

Notes

1. Vignal Marc, dans Tranchefort François-René (dir.), « Guide de la musique de piano et de clavecin ». Fayard, Paris 1998, p. 258.

2. Sacre Guy, La musique de piano, Robert Laffont, Paris 1998, p. 755-756.


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Lundi 24 Mai, 2021

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