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Olga Peretyatko et Juan Diego Florez réunis pour Les Contes d'Hoffmann à l'opéra de Monte-Carlo

Olga Peretyatko (Olympia) et Juan Diego Florez (Hoffmann). Photographie © Alain Hanel.

Monaco, 23 janvier 2018, par Jean-Luc Vannier ——

Œuvre testamentaire de Jacques Offenbach (1819-1880) qui ne put assister à sa création à l'Opéra-Comique de Paris le 10 février 1881, l'opéra fantastique Les Contes d'Hoffmann énonce avant l'heure le message freudien : il est vain de courir la gueuse et la libido sexualis doit être déviée de la satisfaction directe vers des finalités plus créatrices et artistiques. Ainsi s'exprime à la fin de ces trois actes, encadrés par un prologue et un épilogue, la muse inspiratrice : « Des cendres de ton cœur, réchauffe ton génie ».

Reprenant une ancienne, désormais désuète et limite kitsch, de ses mises en scène — la dernière représentation à l'Opéra de Monte-Carlo eut lieu le 31 janvier 2010 — Jean-Louis Grinda et l'établissement lyrique monégasque faisaient néanmoins le pari, lundi 22 janvier pour la première de gala, d'une nouvelle production de ces Contes puisqu'il s'agissait de confier le rôle-titre à Juan Diego Florez. Un pari d'autant plus audacieux pour cette prise de rôle que le ténor péruvien nous a depuis fort longtemps charmé par ses interprétations presque exclusivement belcantistes : après son triomphe dans La Favorite en décembre 2013 à Monaco, il avait ensorcelé la salle Garnier en faisant le joli cœur avec sa guitare en avril 2016. La voix est toujours aussi chaleureuse, passionnée, vibrante d'affects toniques : nous pouvons presque compter les nombreux forte qui surgissent au détour des emportements fiévreux et tourmentés d'Hoffmann, notamment dans son récit de la légende de l'avorton Kleinzach. Mais cette belle ligne de chant a parfois du mal à s'imposer lorsqu'elle est confrontée aux moments polyphoniques.

Nicolas Courjal (Coppélius) et Sophie Marilley (Nicklausse). Photographie © Alain Hanel.

Entendue dans un Don Carlo marseillais ou plus récemment dans une magnifique interprétation du moine Balthazar, là encore dans La Favorite sur la Cannebière en octobre 2017, la basse Nicolas Courjal, qui campe plusieurs personnages (Lindorf, Coppélius, Dr Miracle et Capitaine Dapertutto) avec une puissance et une stabilité vocales, toutes deux remarquables, lui volerait très facilement la vedette. Mais la vraie révélation de cette soirée demeure sans aucun doute la performance d'Olga Peretyatko qui, à l'image des sublimes ubiquités vocales d'Annick Massis à l'opéra de Nice en janvier 2009, tient les quatre rôles : une automate qui finit cassée comme un jouet, une chanteuse lyrique qui entretient, à travers le souvenir de la voix d'une mère défunte, un rapport mortifère avec le chant, une courtisane vénale qui dérobe le reflet du poète en contrepartie d'un diamant, et, dans le prologue et l'épilogue, la prima donna de la réalité. Nonobstant une diction qu'il conviendrait d'améliorer, la soprano née à Saint-Pétersbourg enchaîne tour à tour et avec une rare aisance dans les déplacements de sa tessiture, les superbes vocalises d'Olympia du premier tableau qui n'ont rien à envier à celles de La Traviata du premier acte, les aigus plus ingénus, plus souffrants d'Antonia au second et les notes aux tonalités plus sombres de Giulietta dans le troisième tableau. Nous manquerons d'enthousiaste pour la mezzo-soprano Sophie Marilley dans son personnage de Nicklausse : belle voix mais projection faible ce qui nuit par exemple au célèbre duo de la barcarolle « Belle nuit, ô nuit d'amour ».

Les Contes d'Hoffmann. Opéra de Monte-Carlo. Photographie © Alain Hanel.

De toutes les productions pour ce type de second rôle (Goro dans Madama Butterfly ou Bardolfo dans Falstaff, égal à lui-même pour notre plus grand plaisir, Rodolphe Briand campe de savoureux caractères (Andrès, Cochenille, Frantz, Pitichinaccio).  Le ténor Marc Larcher (Nathanaël), la basse Yuri Kissin (Hermann et Schlemil), la basse Antoine Garcin (Luther), le ténor Reinaldo Macias (Spalanzani), la basse Paata Burchuladze (Crespel) et la mezzo-soprano Christine Solhosse (La mère d'Antonia) complètent élogieusement ce tableau avec quelques figurants :  Vanessa d'Ayral de Sérignac, Heathcliff Bonnet, Julien Faure, Nicolas Leroy, Alain Louis-Jacquet, Yoann Piazza et Nicolas Vitale. Les chœurs de l'opéra de Monte-Carlo (Stefano Visconti) nous enchantent toujours. 

La direction musicale de Jacques Lacombe nous avait davantage séduit  dans d'autres productions : ainsi La Favorite à Monte-Carlo précédemment citée tout comme Lady Macbeth de Mtsensk sur le Rocher.  L'énergie insufflée à l'orchestre philharmonique de Monte-Carlo est toujours présente mais la direction du plateau laisse passer quelques asymétries entre musique et chant tout comme elle tarde parfois dans les enchainements. Au point de ralentir le rythme d'une partition qui dure déjà deux heures et quarante minutes. 

Les Contes d'Hoffmann. Opéra de Monte-Carlo. Photographie © Alain Hanel.

Monaco, le 23 janvier 2018
Jean-Luc Vannier

 

Jean-Luc Vannier, jlv@musicologie.org, ses derniers articles : Gustavo Dudamel dirige sans passion la Wiener Philharmoniker à l'opéra de Monte-CarloI Puritani pour touristes à la Staatsoper de VienneBeethoven tonique avec Philippe Jordan et le Wiener SymphonikerIngela Brimberg, incandescente Brünnhilde au Theater an der WienEffets visuels et clichés sexistes pour Viva Momix Forever de Moses Pendleton au Monaco Dance ForumToutes les chroniques de Jean-Luc Vannier.

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bouquetin

Mardi 23 Janvier, 2018 19:43