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Actualités musicales

mardi 7 janvier 2014

L'Effet Mozart

S Jenkins, The Mozart effect, MD, FRCP 40 Way, Hampstead, Londres NW11 7JL, Royaume-Uni, Journal of the Royal Society of Medicine, 2001.

 

plume Traduction par Jean Granoux

 

En 1993, Rauscher et al.1 a émis l'assertion surprenante que, après avoir écouté la sonate de Mozart pour deux pianos (K448) pendant 10 minutes, les sujets normaux montraient de bien meilleures capacités de raisonnement spatiales qu'après des périodes consacrées, soit à suivre les instructions de relaxation conçues pour abaisser la pression artérielle, soit au silence. Les scores moyens de QI spatial étaient de 8 et 9 points plus élevés après avoir écouté la musique que dans les deux autres cas. L'amélioration ne s'étendait pas au-delà de 10-15 minutes. Ces résultats ont fait l'objet de controverses. Certains enquêteurs ont été incapables de reproduire les résultats2 3 4, mais d'autres ont confirmé que l'écoute la sonate K448 de Mozart produisait une légère augmentation des performances spatio-temporelles, telles que mesurées par différents tests dérivés de l'échelle de Stanford-Binet comme les procédures de découpage et de pliage de papier5 6 7, ou les tâches de « labyrinthe-crayon à papier »8. Toutefois, Rauscher a souligné que l'effet Mozart est limité à un raisonnement spatial et temporel et qu'il n'y a pas d'amélioration de l'intelligence générale ; quant à certains résultats négatifs, elle pense, qu'ils pourraient provenir de protocoles expérimentaux inappropriés9.

Donc, l'effet Mozart existe-t-il ? Dans l'ensemble, les conclusions initiales positives ont été critiquées au motif qu'un quelconque effet Mozart est dû à l'excitation jouissive occasionné par cette musique particulière et n'aurait pas lieu pour qui ne l' apprécierait pas. Cette interprétation est contrecarrée par des expériences animales dans lesquelles des groupes distincts de rats ont été exposés, d'abord in utero puis après une période post-partum de 60 jours, à l'écoute de la Sonate pour piano K 448 de Mozart, à celle de pièces de musique minimaliste de Philip Glass, à un bruit blanc ou au silence, et enfin soumis à des tests de capacité à négocier un labyrinthe. Le groupe Mozart termina le test du labyrinthe beaucoup plus rapidement et avec moins d'erreurs ( P <0,01) que les trois autres groupes : dès lors il est peu probable que le plaisir et l'appréciation de la musique aient été à la base de l'amélioration10.

Localisation de la perception de la musique et de l'imagerie spatiale dans le cerveau

Une explication des résultats obtenus après avoir écouté de la musique peut se situer dans la manière dont la musique et l'imagerie spatiale sont traitées dans le cerveau. Il y a eu de nombreuses études sur la localisation de la perception musicale. Des techniques telles que la tomographie par émission de positons (TEP) et par scanning fonctionnel (résonance magnétique), ainsi que des études sur des lésions localisées du cerveau, ont montré que l'écoute de la musique sollicite des zones du cerveau largement distribuées. L'aire auditive primaire se trouve classiquement dans les circonvolutions transversale et temporale supérieures, mais des éléments particuliers d'appréciation musicale impliquant rythme, hauteur, mètre, mélodie, et le timbre sont traités dans de nombreuses différentes zones du cerveau. Celles-ci vont du cortex préfrontal et du gyrus temporal supérieur aux precuneus du lobe pariétal, avec une grande interconnexion entre les différents réseaux activés11 12 13. Le rythme et la discrimination des hauteurs sont traités essentiellement par l'hémisphère gauche, tandis que le timbre et la mélodie se trouvent principalement dans le droit. Le sens de la métrique (de la mesure musicale) ne semble pas montrer de préférence hémisphérique.

Les zones du cerveau concernées par l'imagerie mentale testées grâce à des tâches spatio-temporelles (comme la construction d'ensembles de cubes en séquence tri-dimensionelle) ont également été cartographiées par tomographie par émission de positons (TEP)14. Les résultats montrent que les régions activées sont les régions préfrontales, temporelle et precuneus qui se chevauchent avec celles qui sont impliquées dans le traitement de la musique. Il en découle, par conséquent, que l'écoute de la musique amorcerait l'activation des zones du cerveau concernées par le raisonnement spatial.

Effets à long terme de la musique eur le cerveau

Les expériences initiales sur les adultes exposés à la musique de Mozart étaient de durée réduite. Dans des expériences connexes15, les effets à long terme de la musique ont été étudiés dans des groupes d'enfants de 3-4 ans qui auront reçu des leçons de piano pendant six mois, période pendant laquelle ils ont étudié des intervalles de hauteur, les techniques de doigté, la lecture à vue, la notation musicale et le jeu par coeur. À la fin de la formation, tous les enfants étaient en mesure de jouer des mélodies simples de Beethoven et de Mozart. Pendant ce temps, ils ont été soumis à des tests de raisonnement spatio-temporel adaptés à leur âge, et leur performance dépassait de plus de 30% celle des enfants du même âge auxquels on avait donné des cours d'informatique pendant 6 mois ou qui n'avaient pas reçu de formation spéciale (P <0,001). L'amélioration se limitait au raisonnement spatio-temporel, il n'y avait pas d'effet sur la reconnaissance spatiale. L'effet s'est prolongé inchangé pendant 24 heures après la fin des leçons de musique, mais la durée précise de l'amélioration n'a pas été explorée plus avant. La durée de l'effet, plus longue que dans les rapports précédents, a été attribuée à la période d'exposition à la musique et à la plus grande plasticité du jeune cerveau. Dans d'autres expériences de ce genre, il a été affirmé que l'amélioration de la répartition spatio-temporelle raisonnement chez les enfants après la formation de piano a donné lieu à des notes significativement plus hautes en mathématiques supérieures16.

Le musique et le schéma électroencéphalographique

Des tentatives ont été faites pour enquêter sur les schémas de décharge électrique de zones du cerveau après une exposition à la musique. Dans une étude, l'écoute de la sonate de Mozart K 448 pendant 10 minutes, contrairement à l'écoute d'une histoire courte, a abouti à la synchronisation améliorée du modèle de mise en oeuvre des zones temporo-frontales droite et gauche du cerveau, qui ont persisté pendant 12 minutes. L'écoute de la sonate a également été accompagnée par une puissance accrue du spectre bêta de l'électroencéphalogramme dans les zones temporale droite et gauche et dans la région frontale droite17. Dans une autre étude, écouter de la musique (pas celle de Mozart) ont également donné lieu à une plus grande puissance bêta, notamment dans le domaine des precuneus (bilatéralement)18.

L'Effet Mozart sure l'Épilepsie

Une indication plus impressionnante d'un effet Mozart se rencontre dans l'épilepsie. Dans 23 des 29 patients atteints de décharges focales (focal discharges) ou des explosions de complexes généralisés de pointe et d'ondes (bursts of generalized spike and wave complexes) qui ont écouté la sonate pour piano K 448 de Mozart il y a eu une diminution significative de l'activité épileptiforme comme le montre l'électroencéphalogramme (EEG)19. Certains patients individuels ont montré une amélioration particulièrement frappante. Chez un homme, inconscient en état de mal épileptique (unconscious with status epilepticus), les modes ictales?? (ictal patterns) étaient présents 62% du temps, alors que pendant l'exposition à la musique de Mozart cette valeur tombait à 21%. Chez deux autres patients atteints de mal épileptique, des ensembles de pointe et d'onde bilatéraux permanents ont été enregistrés 90-100% du temps avant la musique, pour tout à coup tomber à environ 50% cinq minutes après que la musique a commencé. Le fait que l'amélioration a eu lieu, même chez un patient comateux démontre une nouvelle fois qu'il n'est pas nécessaire d'apprécier la musique pour constater l'effet Mozart.

Pour déterminer si cette musique pourrait exercer un effet plus durable, des études ont été menées chez une fillette âgée de huit ans affectée d'une forme redoutable d'épilepsie infantile, le syndrome de Lennox-Gastaut, avec plusieurs attaques brusques accompagnées d'ensembles bilatéraux de pointe et d'onde et de décharges focales provenant de la zone temporale postérieure droite20. La sonate de Mozart a été jouée pendant dix minutes, à chaque heure de la journée où elle était éveillée. À la fin de la période d'éveil le nombre de crises cliniques avait chuté de neuf au cours des quatre premières heures à une au cours des quatre dernières heures et le nombre de secondes pendant lesquelles se produisaient les décharges générales avait chuté de 317 à 178. Le lendemain, le nombre d'attaques était de deux en sept heures et demie.

Spécificité de la musique de Mozart

Dans quelle mesure les changements sont-ils attribuables spécifiquement à la musique de Mozart ? Après les premières expériences de Rauscher et al. la plupart des chercheurs ont utilisé la sonate pour deux pianos K 448 de Mozart, qu'Alfred Einstein, qui fait autorité sur Mozart, a appelé « une des plus profondes et des plus abouties de toutes les compositions de Mozart », mais son concerto pour piano no 23 en la majeur K 488 s'est également révélé efficace8. Certains chercheurs ont observé qu'aucune amélioration des tests spatio-temporels n'a été observée à la suite de la musique minimaliste de Philip Glass5, et qu'on n'a constaté aucune amélioration dans les tracés EEG épileptiformes après l'écoute de musique populaire traditionelle19 (old-time pop music). Rideout et al., rapportent cependant que la composition contemporaine du musicien greco- américain, Yanni-qui est, selon eux, similaire à la sonate de Mozart en termes de tempo, de structure, de mélodie et d'harmonie, a également été efficace7. Pour tenter de déterminer les caractéristiques physiques responsables de l'effet Mozart, Hughes et Fino21 ont soumis un large échantillon de musiques à l'analyse informatique. 81 morceaux de Mozart, 67 de Jean-Chrétien Bach, 67 de Jean-Sébastien Bach, 39 de Chopin, ainsi que 148 autres pièces provenant de 55 autres compositeurs, ont été analysés. L'élément caractéristique d'une grande partie de la musique de Mozart, et partagé avec les deux Bach, était un haut degré de de périodicité longue, en particulier entre dix et soixante secondes.

Une autre similitude entre la musique de Mozart et celle des deux Bach est l'accent sur la puissance moyenne de certaines notes, notamment G3 (196 Hz), C5 (523 Hz) et B5 (987 Hz). En revanche, la musique minimaliste de Philip Glass et la musique pop traditionnelle, qui se sont toutes deux révélées sans effet sur les tâches spatio-comportementales (spatial behavioural tasks) ou sur l'épilepsie, a montré peu de périodicité longue. Il est suggéré que la musique dotée d'un degré élevé de périodicité longue, qu'il s'agisse de Mozart ou d'autres compositeurs, résonerait dans le cerveau pour diminuer l'activité de crise et pour améliorer les performances spatio-temporelles.

Conclusion

Une meilleure mise en œuvre du raisonnement spatio-temporel, après avoir écouté du Mozart pendant 10 minutes, a été rapportée par plusieurs chercheurs, mais pas par tous. Même dans les études qui présentent des résultats positifs, l'amélioration est modeste et dure environ 12 minutes. L'effet varie selon les individus et dépend de la tâches spatiale choisie ; l'intelligence générale n'est pas affectée. Plutôt plus convaincant se révèle l'effet bénéfique sur certains patients atteints d'épilepsie. Les résultats ne sont pas spécifiques à des compositions de Mozart, mais les critères musicaux exacts requis n'ont pas été totalement définis.

L'utilisation pratique de ces observations est encore incertaine, d'autant plus que la plupart des expériences ne concernent que des périodes d'écoute courtes de la Sonate pour piano K448 de Mozart. D'autres études sont nécessaires, impliquant une exposition de plus longue durée à Mozart ainsi qu'à un large échantillon d'autres compositeurs, avant que l'effet puisse être pleinement évalué.

Source : S Jenkins , MD, FRCP 40 Way, Hampstead, Londres NW11 7JL, Royaume-Uni, Journal of the Royal Society of Medicine, 2001.

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Notes

1. Rauscher FH, Shaw GL, Ky KN. Music and spatial task performance. Nature 1993;365: 611.

2. Chabris CF. Prelude or requiem for the `Mozart effect'? Nature 1999;400: 826-7.

3. Steele KM, Dalla Bella S, Peretz I, et al. Prelude or requiem for the `Mozart effect'? Nature 1999;400: 827.

4. Newman J, Rosenback JH, Burns IL, et al. An experimental test of “the Mozart effect”: does listening to his music improve spatial ability? Percept Motor Skills 1995;81: 1379-87.

5. Rauscher FH, Shaw GL, Ky KN. Listening to Mozart enhances spatial-temporal reasoning: toward a neurophysiological basis. Neurosci Lett 1995;185: 44-7.

6. Rideout BE, Laubach CM. EEG correlates of enhanced spatial performance following exposure to music. Percept Motor Skills 1996;82: 427-32.

7. Rideout BE, Dougherty S, Wernert L. Effect of music on spatial performance: a test of generality. Percept Motor Skills 1998;86: 512-14.

8. Wilson TL, Brown TL. Re-examination of the effect of Mozart's music on spatial task performance. J Psychol 1997;131: 365-70.

9. Rauscher FH. Comment. Nature 1999;400: 827.

10. Rauscher FH, Robinson KD, Jens JJ. Improved maze learning through early music exposure in rats. Neurol Res 1998;20: 427-32.

11. Warren JD. Variations on the musical brain. J R Soc Med 1999;92: 571-5. [PMC free article]

12. Platel H, Price C Baron JC, et al. The structural components of music perception: a functional anatomical study. Brain 1997;120: 229-43.

13. Ligeois-Chauvel C, Peretz I, Babai M, et al. Contribution of different cortical areas in the temporal lobes to music processing. Brain 1998;121: 1853-67.

14. Mellet E, Tzourio N, Crivello F, et al. Functional anatomy of spatial imagery generated from verbal instructions. J Neurosci 1996;16: 6504-12.

15. Rauscher FH, Shaw GL, Levine LJ, et al. Music training causes longterm enhancement of preschool children's spatial-temporal reasoning. Neurol Res 1997;19: 2-8.

16. Graziano AB, Peterson M, Shaw GL. Enhanced learning of proportional maths through music training and spatial-temporal reasoning. Neurol Res 1999;21: 139-52.

17. Sarnthein J, von Stein A, Rappelsberger P, et al. Persistent patterns of brain activity: an EEG coherence study of the positive effect of music on spatial-temporal reasoning. Neurol Res 1997;19: 107-16.

18. Nakamura S, Sadato N, Oohashi T, et al. Analysis of music-brain interaction with simultaneous measurement of regional blood flow and electroencephalogram beta rhythm in human subjects. Neurosci Lett 1999;275: 222-6.

19. Hughes JR, Daaboul Y, Fino JJ, et al. The Mozart effect on epileptiform activity. Clin Electroencephalogr 1998;29: 109-19.

20. Hughes JR, Fino JJ, Melyn MA. Is there a chronic change of the “Mozart effect” on epileptiform activity? A case study. Clin Electroencephalogr 1999;30: 44-5.

21. Hughes JR, Fino JJ. The Mozart effect: distinctive aspects of the music—a clue to brain coding? Clin Electroencephalogr 2000;31: 94-103.

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