Roles de Melle Borghèse et Henri dans La Fille du Régiment, Le Pont Neuf, Chronique des Théâtres, dessins de C.V., 1840.
Musique de Gaetano Donizetti, sur un livret de Jules-Henri Vernoy de Saint-Georges et Jean-François Bayard, créée en 1840, Paris, Opéra-Comique.
Marie, jeune femme orpheline, a été élevée par tout un régiment de l’armée française, le 21e. Tonio, un jeune Tyrolien tombé amoureux d’elle — un amour réciproque — pour demander sa main, entre dans le régiment. Mais la marquise de Berkenfield, alléguant être la tante de Marie, emmène celle-ci dans son château en Suisse pour lui donner une « vraie » éducation et la prendre sous sa tutelle. Les amoureux sont donc séparés par le départ de Marie chez sa « tante » la marquise. Plusieurs mois plus tard, chez la marquise, Marie se morfond. Elle a été promise au neveu de la duchesse de Crakentorp, mais elle ne pense qu’à Tonio et au régiment. Alors que le mariage doit être célébré, Tonio et le régiment français arrivent. Marie se sent obligée de suivre l’ordre de sa tante. Mais celle-ci, plutôt que d’empêcher un mariage d’amour, celui de Tonio et de Marie, préfère avouer que Marie est sa propre fille, née de ses amours avec un capitaine de ce fameux 21e, mort dans la bataille, avant qu’il n’ait pu légitimer son union avec la marquise. Le courage de cet aveu scandalise peut-être la duchesse de Crakentorp et son neveu, mais remplit de joie tout le régiment français ainsi que Tonio et Marie, qui pourront enfin se marier.
Gaetano Donizetti, La Fille du régiment, « Salut à la France », Jodie Devos, Orchestre national de France, sous la direction de James Gaffigan.
Jenny Lind dans La Fille du régiment, gravure Albert Henry Payne.
Le sexe sans mariage pouvait avoir de lourdes conséquences, même dans un opéra-comique. Oui, lourdes conséquences puisque, si le sexe sans mariage n’avait pas été interdit, la marquise de Berkenfield n’aurait pas confié sa fille à son amant, le capitaine français du 21e régiment, et la protagoniste n’aurait jamais été élevée par le 21e, et il n’y aurait donc pas de « fille du régiment ». Lourdes conséquences aussi, car les décisions de la marquise, son remords, sa volonté de bien épouser sa nièce-fille, puis son remords à nouveau et sa décision finale de consentir au mariage des amoureux naissent aussi de cette première figure de sexe interdit. Et même en s’agissant d’un opéra-comique, où toutes les invraisemblances sont admises, les remords évoqués devaient être poignants pour toutes les dames « honnêtes » qui avaient dû renoncer à un enfant illégitime — et il faut parier qu’il devait y en avoir dans la salle à chaque représentation, peut-être n’étaient-elles pas foule, mais dans tous les cas ce n’était pas une situation complètement absurde ni décalée pour les dames — ni pour les messieurs — de l’époque.
La Fille du régiment. Opéra de Monte-Carlo, mars 2024. Photographie © OMC-Marco Borrelli.
Aujourd’hui il nous reste un opéra-comique délicieux, tendre et sympathique à souhait.
Gaetano Donizetti, La Fille du régiment, scène finale, Natalie Dessay, Diego Flórez , the Metropolitan Opera, sous la direction de Marco Armiliato.
Frédéric Léolla
31 décembre 2024
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Dimanche 5 Janvier, 2025 21:48