Les carmélites. Photographie © Vincent Pontet.
Grand succès de la saison 2013-2014, les Dialogues des Carmélites d’Olivier Py font retour aux Champs-Élysées dans une distribution entièrement renouvelée. Vannina Santoni y succède à Patricia Petibon en Blanche de la Force, cette dernière assumant désormais le rôle de Mère Marie de l’Incarnation. La première se coule à merveille dans son personnage angoissé et fébrile tandis que la seconde donne au sien un caractère exalté et quelque peu fanatique. Elle sera pourtant la seule à être sauvée de la guillotine, par un concours de circonstances, après avoir mené l’ensemble de la communauté à faire vœu de martyre. Sophie Koch qui tenait le rôle il y a dix ans est désormais la première Prieure, celle qui agonise dans la terreur de mourir, une scène puissante, vue en contreplongée (sous le regard de Dieu ?), où elle donne le meilleur d’elle-même après un premier acte, un peu moins convaincant. Seule Véronique Gens a conservé son rôle. Elle est toujours Lidoine, la seconde Prieure, un personnage modéré, doux et un peu froid auquel elle offre son allure aristocratique. Succédant à Sandrine Piau, en Constance, la voix de Manon Lamaison (que nous avions remarquée en février dernier dans la Petite flûte enchantée) parait déjà un peu large pour le rôle, mais son soprano lyrique léger communique toute la grâce voulue à son personnage candide et optimiste. Du côté masculin, Alexandre Duhamel parait un peu épais en Marquis de La Force. On saluera particulièrement le Père confesseur de Loïc Félix et le Chevalier de La Force de Blaise Rantoanina, ainsi que Matthieu Lécroart dans le triple rôle du Geôlier, de M. Javelinot et de Thierry pour lesquels il s’invente à chaque fois une nouvelle voix.. Les onze voix féminines issues du Choeur Unikanti forment un ensemble parfait dans les hymnes religieux jusqu’au sublime « Salve Regina » final.
Les carmélites. Photographie © Vincent Pontet.
La mise en scène, rappelons-le, transpose l’action aux XXe siècle à l’époque de l’écriture du texte par Bernanos, gommant quelque peu l’arrière-plan « révolutionnaire », sans pouvoir tout à fait l’éliminer. Emblématique de cette transposition est le détournement de la devise républicaine, tronquée de sa « Fraternité », Liberté, Égalité qu’un « révolutionnaire » vient écrire sur le mur du couvent et que Mère Marie de l’Incarnation transforme en « Égalité devant Dieu » puis « en Dieu », marquant la volonté très nette de gommer l’aspect politique du slogan et par là même de la condamnation des religieuses par le Tribunal révolutionnaire. Dans sa note d’intention, Olivier Py affirme du reste, qu’à l’instar de Bernanos, c’est plutôt l’aspect théologique et le problème de la foi et de la peur de la mort qui pour lui sont centraux dans l’ouvrage au-delà de son aspect strictement historique.
À cette conception répond le décor quasiment abstrait de Pierre André Weitz où quatre praticables faisant office de rideau de scène s’ouvrent à chaque nouveau tableau pour former une croix et dévoiler les différents lieux de l’action, de l’hôtel de la Force à la prison finale, en passant par les différents lieux du couvent dont des troncs d’arbre desséchés évoquent le seul extérieur.. L’ensemble donne une grande fluidité à la représentation et la direction d’acteurs apporte ce sentiment de vérité qui fait la réussite de la production. À la tête de l’orchestre Les Siècles, la direction, précise et contrastée de Karina Canellakis, contribue largement à l’impact dramatique de cette production qui en dix ans n’a pas pris une ride.
Les carmélites. Photographie © Vincent Pontet.
Frédéric Norac
6 décembre 2024
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