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Théâtre desChamps-Élysées, 11 février 2024 — Frédéric Norac

La Petite Flûte : un livre d’images enchanté pour enfants cultivés

Théâtre des Champs-Élysées, La Petite Flûte. Photographie © Vincent Pontet.

Pour cette « Petite Flûte » — cinquième opéra participatif destiné aux enfants et au public familial — Julie Depardieu et son équipe (Damien Robert, son collaborateur ; David Belugou, pour les costumes et le décor ; Joël Fabing aux lumières) ont choisi de revenir à la tonalité égyptienne du livret d’origine de l’opéra de Mozart et ont habillé les protagonistes à l’image des dieux du Nil : Sarastro en Grand Prêtre d’Isis et d’Osiris, la Reine de la Nuit en déesse Bastet et Monostatos en Sobek, le dieu crocodile. Du coup, la petite vieille, sous les traits de qui se cache d’abord Papagena, est devenue une momie décrépite qui sort de son sarcophage.

Le décor simple mais judicieux fait des papyrus stylisés du premier tableau les colonnes du palais de Sarastro puis les grilles des souterrains où sont enfermés Tamino et Papageno.

L’adaptation française de Henri Tresbel trouve un juste équilibre entre prosodie naturelle et inévitable appauvrissement du sens sans trop chantourner le texte, inventant d’assez jolies formules comme celle à propos de Sarastro « qui récompense aussi vite qu’il punit ». Bien sûr les airs sont réduits à un seul de leurs couplets et toutes les références maçonniques ont disparu avec l’Orateur, les trois temples et les Initiés. Les épreuves se limitent à celle du silence et à celle du Feu qui donne l’occasion à Pamina et Tamino de se débarrasser de leurs habits princiers dans une trappe où brûle un foyer, pour apparaître en chemise blanche, dans leur plus simple humanité. Si le chœur final, propose, après avoir célébré la beauté d’aller s’amuser, c’est évidement que le spectacle s’adresse d’abord à un public d’enfants. La mise en scène tire un excellent parti de leur présence dans la salle pour leur faire assumer en lieu et place des traditionnels « génies » toutes leurs interventions.

Théâtre des Champs-Élysées, La Petite Flûte. Photographie © Vincent Pontet.

Deux des trois dames de la Reine de la Nuit se transforment tour à tour en esclaves de Monostatos et en prêtres d’Isis car seule, en fait, la première, est vraiment une dame, ce qui donne un caractère d’autant plus savoureux à leur dispute autour du Prince évanoui.

Du côté de la distribution, peu de faiblesse et même une révélation : la jeune soprano Manon Lamaison, Pamina à la voix longue et pulpeuse, aux aigus brillants, à qui on ne reprochera qu’une articulation un peu relâchée. Olivier Gourdy n’a pas tout à fait la profondeur attendue dans le grave pour Sarastro mais fait preuve d’une belle autorité et affronte bravement l’air « O Isis et Osiris » sans le soutien des chœurs, absents de la production. La Reine de la Nuit d’Anne-Sophie Petit paraît un peu légère dans son air d’entrée mais se rattrape largement dans le second où ses vocalises prennent un mordant remarquable pour évoquer la fureur du personnage. Fabien Hyon est un Tamino solide et musical et Adrien Fournaison un sympathique Papageno bien timbré et chaleureux. Louise Pingeot lui donne une excellente réplique en Papagena après avoir assuré les interventions de la première dame. Excellent ténor de demi-caractère, Charlie Guillemin est un Monostatos bien caractérisé.

Théâtre des Champs-Élysées, La Petite Flûte. Photographie © Vincent Pontet.

Dans la fosse, les musiciens de l’orchestre Les Siècles qui connaissent bien la partition pour l’avoir interprétée ici même en version originale, en novembre dernier, lui confèrent toute la vitalité voulue dans l’arrangement pour une douzaine d’instruments de Robin Melchior, sous la direction de Joël Soichez.

Au final, le jeune public réserve un accueil enthousiaste à toute l’équipe. Pour la première fois, les petits spectateurs pourront garder de cette rencontre avec l’opéra, un double souvenir, celui d’un spectacle plein de charme et un petit programme de salle coloré où une bande dessinée (due à Lucas Limondin) raconte l’histoire de cette « Petite flûte », agrémentée d’un « Mot caché » et d’un Jeu de Méhen, un ancêtre égyptien de notre jeu de l’Oie.

Spectacle repris à l’Atelier lyrique de Tourcoing le 17 février, précédé deux représentations pour les scolaires le 16 février et à l’Opéra de Reims le 31 mai

plume_07 Frédéric Norac
11 février 2024
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