Jean-Marc Warszawski, 4 septembre 2024
Pierre Réach est un pianiste aux grandes ambitions, il y mit très tôt la barre très haute en s’attaquant et en enregistrant dès 1979, à l’âge de 30 ans, les œuvres de Charles Valentin Alkan, une torture pour pianistes et dans la foulée la version pour piano de Franz Liszt de la Symphonie fantastique d'Hector Berlioz, un vrai parcours de santé digitale, et les variations Goldberg de Johann Sebastain Bach, son œuvre fétiche. Quand il les interprète en public, on reste l’oreille collée de la première à la dernière note, parfois bouche bée. Pierrre Réach aime les gageures, non pas les épreuves, mais les questions musicales à résoudre, il a des choses à faire entendre.
Cette fois, après une longue préparation, il enregistre les 32 sonates de Beethoven, composées entre 1795 et 1822, en quatre albums dont trois sont disponibles.
Le premier, sonates no 16 (no 1 de l’opus 31), no 17 (no 2 de l’opus 31, La Tempête), no 18 (no 3 de l’opus 31, La Chasse), no 30 (opus 109), no 31 (opus 110), no 32 (opus 111), Animla Records 2021, (2 CD, ANM 211201), enregistré les 7-10 juillet 2021, Auditori Josep Carreras de Vila-Seca.
Le second, sonates no 1 (no 1 de l’opus 2), no 4 (opus 7, Grande sonate), no 7 (no 3 de l’opus 10), no 10 (no 2 de l’opus 14), no 12 (opus 26, Marche funèbre), no 14 (no 2 de l’opus 27, Clair de Lune), no 15 (opus 28, Pastorale), no 23 (opus 57, Appasionata), no 24 (opus 78, À Thérèse), Animla Records 2022 (3 CD, ANM 221001), enregistré les 20-24 juin 2022, Auditori Josep Carreras de Vila-Seca.
Le troisième, sonates no 2 (no 2 de l’opus 2), no 5 (no 1 de l’opus 10), no 8 (opus 13, Pathétique), no 19 (no 1 de l’opus 49), no 20 (no 2 de l’opus 49), no 21 (opus 53, Waldstein), no 25 (opus 79, Le Coucou), no 26 (opus 81a, Les Adieux), no 28 (opus 101), Anima records 2024 (2 CD, ANM 240301), enregistré les 9-13 janvier 2024, Auditori Josep Carreras de Vila-Seca.
Si le compte est bon il manque encore 8, sonates no 3 (no 3 de l’opus 2), no 6 (no 2 de l’opus 10), no 9 (no 1 de l’opus 14), no 11 (opus 22), no 13 (no 1 de l’opus 27), no 22 (opus 54), no 27 (opus 90), no 29 (opus 106, Hammerklavier).
On remarquera que l’ordre n’est pas chronologique et que chaque Album est un panachage de premières à dernières sonates. Les sonates les plus réputées sont également réparties dans les quatre albums, ce qui fait que chacun d’eux ont une complétude, offre un large éventail de l’art pianistique de Beethoven.
Nous ne sommes pas spécialement friand des intégrales, nous n’en voyons pas en général l’intérêt musical, nous sommes repus de l’abondance des challenges, rassasié de virtuosité, à une époque où les jeunes commencent la carrière avec un bagage que leurs aînées n’atteignaient, comme on dit, qu’à la maturité.
Mais cet enregistrement est très attractif, il en émane ce « je ne sais quoi » qui selon Vladimir Jankémévitch est inaliénable, inimitable. Nous apprécions cette esthétique sobre et raffinée. Pierre Réach, au-delà du travail et de la réflexion qu’on imagine aisément, à l’intuition du mouvement, des tempis certes, surtout de l’élégance rythmique, de ses vagues et de ses courbures, des intensités, des oppositions.
Il y a quelque chose de proche, de confidentiel, un piano en musique de chambre plus qu’orchestre symphonique. On entend tout de la vie entre les voix, y compris dans les événements denses et agités, avec l’aide d’une main gauche précise et volubile, un médium souvent protégé par une liberté surveillée de la résonance, et de partout la mise en valeur des lignes mélodiques. C’est très chantant, et parfois, parce qu’il y en en a chez Beethoven, des accords bombastiques qui nous ramènent à la fureur du monde. De ces explosions qui parfois absorbent la vie, mais d’où parfois aussi, les plus béthovéniens, la vie en surgit
Ludwig van Beethoven, Sonate en la bémol majeur, opus 31, II. Scherzo, Allegretto vivace.
Jean-Marc Warszawski
4 septembre 2024
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Mercredi 4 Septembre, 2024 1:02