bandeau_actu musicologie

vendredi 19 août 2022

Programme du vendredi 19 août 2022, 20 h
Église de Saint-Pierre-d’Autils

César Franck, Quintette avec piano.

Ernest Chausson, Concert en ré majeur.

César Franck (1822-1890), Quintette avec piano, en fa mineur, FWV 7 (1879), dédicacé à Camille Saint-Saëns, créé à Paris, le 17 janvier 1880, par le quatuor Marsick, avec le dédicataire au piano, 1. Molto moderato quasi lento, 2. Lento con molto sentimento, 3. Allegro non troppo ma con fuoco.

Anton Ilyunin (violon 1), Maria Kouznetsova (violon 2), Hervé Blandinières (alto), Lisa Strauss (violoncelle), Simon Adda-Reyss (piano).

César Franck est d’abord soumis (avec son frère) à un père tyrannique qui fait commerce de son talent musical, le produisant dans des répertoires à la mode, jusqu’à en perturber ses études au Conservatoire de Paris. Franck échappe à l’emprise paternelle par la force de l’amour qu’il porte à l’une de ses élèves et l’accueil amical que lui réserve sa future belle-famille, des acteurs de la Comédie-Française… D’une soumission à une l’autre. Il trouve des emplois d’organiste, dont en 1857 celui de titulaire de l’église Sainte-Clothilde à Paris, avec son grand orgue Cavaillé-Coll, un orchestre symphonique en tubes. Ses improvisations sont renommées. Il améliore le quotidien en donnant des cours particuliers. Il sera nommé professeur de la classe d’orgue du Conservatoire national de Paris en 1872, qui est aussi comme classe de composition.

Au début des années 1870, il attire des élèves de bonne famille, dont plusieurs sont issus des métiers du droit, souvent rameutés par Vincent d’Indy. Ceux-ci, avec les meilleures intentions du monde, s’emploient à répandre de lui une image de musicien candide, angélique, se douchant d’eau bénite, le « Pater seraphicus ». S’il semble manquer de caractère, céder facilement à l’influence de son épouse ou de ses amis, il n’est pas séraphique devant le papier à musique qu’il enflamme dans un mélange d’« influences » diverses, dévoilant un magnifique sens mélodique et harmonique dont les effets assurés ne sont peut-être pas étrangers à sa première vie de faiseur à la mode. Toujours est-il qu’il est devenu une figure essentielle du monde musical de son époque.

À cette ambiguïté du papa gâteau soufflant le feu à la musique, s’ajoute celle du nationalisme, car la musique est loin d’être un médium universel. On a fait de Franck un compositeur flamand de naissance, français par sa naturalisation en 1870, nécessaire pour enseigner au Conservatoire, et par son esthétique, l’héritier des romantiques germaniques, ce qui est assez lourd à porter après la guerre franco-allemande de 1870.

On attribue aussi à César Franck l’introduction de la forme cyclique qui est en fait une technique qui consiste à réitérer un thème au long d’une composition. Cela s’oppose à l’art du développement porté à son apogée par Beethoven : travail de fragmentation du thème et de recomposition des fragments, assurant, au moins théoriquement, progression et cohérence au sein de chaque mouvement. La technique dite cyclique, avec son rappel du thème, comme le Leitmotiv chez Wagner, motif qui évoque les personnages dans ses opéras, donne un sentiment unificateur, une assise en cohérence de tous les mouvements, et permet en retour plus de liberté dans l’invention tout en donnant l’impression de rester dans le propos. C’est aussi un truc d’improvisateur que de rappeler le thème pour signaler qu’on n’est pas perdu dans les digressions justement quand on l’est. Le cyclisme est donc un dopage qui permet de rester dans la course. Cela convient fort bien à l’époque où la vogue du roman a donné l’envie du récit long aux musiciens, notamment avec le « poème symphonique ».

On n’ose à peine se poser la question, d’ailleurs sans réponse : n’y aurait-il pas anguille amoureuse sous roche qui aurait poussé César Franck à tant de flamme et de sentimentalité dans ce quintette ? En aurait-il pincé pour Augusta Holmès, une de ses élèves en 1874-1875, compositrice « égérie de la République » ? Fidèle amante du poète et directeur de presse Catulle Mendès, mari infidèle de la brillante Judith Gautier, fille de Théophile.

Quoiqu’il en est, il s’agit du premier quintette avec piano de la littérature musicale française, une œuvre monumentale sonnante de beautés dramatiques, un marqueur dans les circulations musicales, certainement un acte libérateur pour César Franck qui sort ici, dans un souffle passionné, de sa réserve légendaire, aussi une libération dans l’art de s’exprimer en musique pour les militants du romantisme.

Biographie de César Franck

Ernest Chausson, Concert en majeur, pour piano, violon et quatuor à cordes, opus 21 (1889-1891), dédicacé à Eugène Ysaÿe, créé à Bruxelles, 4 mars 1892, par le dédicataire, Auguste Pierret (piano) et le Quatuor Crickboom, 1. Décidé, 2. Sicilienne, 3. Grave, 4. Très animé.

Nikita Boriso-Glebsky (violon solo), Michaël Serra (violon 1), Yuchen Zhang (violon 2), Clément Pimenta (alto), Clara Dietlin (violoncelle), Jean-Claude Vanden-Eynden (piano).

Ernest Chausson est d’abord avocat avant de jeter sa robe aux orties et suivre les cours de composition de Jules Massenet à Paris. Après son échec au Prix de Rome, il continue à étudier avec César Franck que Vincent d’Indy lui a présenté. Parti avec un mince bagage musical, il arriva, d’œuvre en œuvre, les valises bondées de qualités mélodiques et de rutilances harmoniques. Son concerto, un concerto de chambre, a dès sa création reçu les faveurs du public et gardé celles des musiciens chambristes.

S’appuyer sur des thèmes cycliques a des conséquences esthétiques. Chez les classiques, la fragmentation des thèmes et leurs recombinaisons sont évolutives, elles engendrent des transformations et des métamorphoses, qui peuvent rendre méconnaissables les thèmes de départ. Il y a philosophiquement ou idéologiquement un sentiment d’histoire, de transformation au cours du temps. Si la pratique cyclique permet plus de liberté, la prolifération fourmillante des formules, grâce à la stabilité apportée par la répétition thématique condensée et peu transformée, elle provoque aussi un sentiment de fin de l’histoire, où rien ne change ou ne se transforme vraiment. Cette fin de l’histoire peut être attachée à l’idée d’en être arrivé à sa perfection, mais aussi à celle d’un enfermement sans issue. On peut à ce sujet rapprocher certaines harmonies sombres de cette œuvre de l’expressionnisme viennois, proche d’un arrêt du temps.

Pour Ernest Chausson, le temps s’est arrêté en plein cyclisme, après avoir heurté de la tête un mur, alors qu’il roulait à bicyclette.

Biographie d'Ernest Chausson

Le site du festival

 

facebook

rect_acturect_biorect_texterectangle_encyclo


logo_marronÀ propos - contact |  S'abonner au bulletinBiographies de musiciens Encyclopédie musicaleArticles et études | La petite bibliothèque | Analyses musicales | Nouveaux livres | Nouveaux disques | Agenda | Petites annonces | Téléchargements | Presse internationale | Colloques & conférences | Collaborations éditoriales | Soutenir musicologie.org.

Musicologie.org, 56 rue de la Fédération, 93100 Montreuil. ☎ 06 06 61 73 41

ISNN 2269-9910

cul_22/05

Vendredi 19 Août, 2022