27 décembre 2018 —— Jean-Marc Warszawski.
Lefébure-Wely, Franck, Saint-Saëns, Fantaisies du Second Empire, duos harmonium et piano, Emmanuel Pélaprat (harmonium), Jérôme Granjon (piano), Hortus 2018 (HORTUS 155).
Emmanuel Pélaprat étudie le clavecin avec Jan Willem Jansen et l’orgue avec Michel Bouvard au Conservatoire de Toulouse, sa ville natale, puis au Conservatoire national supérieur de Paris. Il est co-titulaire du grand orgue Eugène Puget (1878) de l’église Notre-Dame-du-Taur à Toulouse. Agrégé il enseigne à l’Université Bordeaux III. L’objet de ses recherches personnelles sont la facture et le répertoire de l'harmonium, comme instrument de concert et de salon.
De Marseille, Jérôme Granjon a commencé le piano de touche en touche en dents de scie entre cours privés et Conservatoire de Marseille, avant d’intégrer le Conservatoire national supérieur de Paris à l’âge de quinze ans. Il se perfectionne auprès de Pascal Devoyon, puis à Londres auprès de Maria Curcio. Au début des années 2000, il assiste Maria Joâo Pires au Centre Belgais d'Etude des Arts au Portugal. Il mène une carrière internationale, comme soliste ou chambriste, notamment au sein du trio Hoboken. Il enseigne au Conservatoire de Paris et au Conservatoire national supérieur de Lyon.
Ils nous proposent un musicalement beau cédé d’œuvres pour harmonium et piano. L’harmonium qui hante, parfois bien délabré, la moindre des églises, est après son invention par Français Alexandre-François Debain au milieu du xixe siècle, très à la mode au salon, moins au concert. Comme l’accordéon ou l’harmonica, c’est un instrument à clavier dit à anches libres, c’est à dire où des lamelles de métal sont mises en vibration par une pulsion d’air. L’harmonium est muni de soufflets actionnés par deux pédales. On appelle aussi cet instrument, entre autres noms, orgue expressif, peut-être parce qu’on peut maîtriser la pression de l’air et ainsi la puissance du son.
Si on nous avait dit « Lefébure-Wely » à « Questions pour un champion », nous aurions répondu « euh… Facteur d’orgues ». Bon, quelque chose avec l’orgue, parce que nous avons vu passer de vieilles partions et des anthologies de pièces pour l’office religieux, qu’il nous en reste un vague souvenir. Ce cédé nous fait découvrir un formidable compositeur, à la fois célébrissime et méprisé, unissant son art assuré et au goût pour les mélodies populaires et les airs dansants de son temps. Titulaire des orgues de l’église Saint-Roch à Paris, puis de ceux de l’église de La Madeleine, on y imagine les offices où pouvaient résonner des pseudo polkas ou des galops. L’Allegro, andante et finale (sonate opus 61) qui nous sont ici proposés, montrent la virtuosité mélodique de Louis James Alfred Lefébure-Wely, ou pointe un style de complainte ou de ballade parisienne (qui se développera sur plus d’un siècle dans l'art de la chanson), avec des épisodes plus dramatiques : de l’opéra sans paroles de poche.
La version originale du célèbre triptyque « Prélude, fugue et variation » de César Franck est pour piano et harmonium. Cette pièce est un hommage à Johann Sébastien Bach, par sa forme, aussi par la reprise de l’irrésistible choral Ich ruf’ zu dir Herr Jesu Christ en prélude. L’harmonium (Mustel 1889) et le pianoforte (Érard 1902) impriment à l’œuvre comme une fragilité humaine, parfois un clair-obscur, fort touchants.
Le dédicataire du Prélude, fugue et variation, Camille Saint-Saëns a aussi composé pour piano et harmonium. Ces six duos, dédicacés à Lefébure-Wély qu’il vient de remplacer à la tribune de l’église de La Madeleine en 1858, sont des œuvres de jeunesse, mais qui n'ont pas été jetées à la poubelle dans le grand ménage du compositeur. Heureusement, parce que c’est de la composition de joaillerie et de virtuosité pianistique propres à la maison, avec des épanchements mélodiques de toute beauté (la cavatine), scène dramatiques (le choral), scène de bal et humour (le caprice)… que la forme miniature transcende.
Louis James Alfred Lefébure-Wély, Allegro de l'opus 61, plage 1 (extrait).
Jean-Marc Warszawski
27
décembre 2018
1-3. Louis-James-Alfred Lefébure-Wély (1817-1869), Allegro, andante et finale opus 61 : Allegro maestoso, Andante, Final Vivace, 4-7. César Franck (1822-1890), Prélude, fugue et variation opus 18 : Prélude, Lento, Fugue, Variation, 8-13. Camille Saint-Saëns (1835-1921), 6 Duos opus 8 : Fantaisia e fuga, Cavatina, Choral, Capriccio, Scherzo, Finale.
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