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Faust plus musical que vocal à l’opéra de Monte-Carlo

Paul Gay (Méphistophélès) et Joseph Calleja (Faust) Photographie © Alain Hanel.

Monaco, 26 mars 2018, par Jean-LucVannier ——

Était-ce un mauvais présage ? En route pour Monaco, nous écoutions France Musique qui diffusait un programme entièrement consacré à Debussy pour le centenaire de sa disparition. La lecture de certaines des lettres du compositeur au Prince André Poniatowski y distillait des remarques assassines sur Charles Gounod : « mysticisme hystérique » ou « Faust de Goethe qu’on égorge ». Une mise en bouche pour la représentation, dimanche 25 mars, de ce même Faust salle Garnier.

La direction musicale de Laurent Campellone sauve de la damnation éternelle cette production du Théâtre du Capitole de Toulouse : le maestro que nous avions déjà félicité pour son Roméo et Juliette à Monte-Carlo en novembre 2014 tout comme un de nos confrères avait lui aussi mentionné sa direction « pétillante » pour Les Mousquetaires au couvent à l’opéra comique en juin 2015 ne démérite pas. Les musiciens de l’orchestre philharmonique de Monte-Carlo l’ont d’ailleurs accueilli avec une batterie à son arrivée dans la fosse. Celui qui fut récompensé au Palmarès 2014 du Prix du Syndicat des critiques pour la musique en raison de son action en faveur du répertoire français à l’opéra de Saint-Étienne, mouille stricto sensu sa chemise : contrastes et rythmes accentués qui procurent un très beau relief à la partition, suave ampleur mélodique et surtout une direction millimétrée du plateau et des chœurs de l’opéra de Monte-Carlo (Stefano Visconti). Une magnifique performance qu’il convient de saluer.

Marina Rebeka (Marguerite), Joseph Calleja (Faust) et Paul Gay (Méphistophélès) Photographie © Alain Hanel.

Si elle n’est pas dénuée d’intérêt, la mise en scène de Nicolas Joel nous apparaît trop classique, à la limite du désuet par les nombreux clichés dont elle s’encombre : Méphistophélès est invariablement en habit de soirée rouge et noir, le veau d’or cornu reprend l’imagerie populaire alors que les « reines et courtisanes de l’Antiquité » s’agitent — encore et toujours — lascivement autour de Faust. Un détail fâcheux aurait dû attirer l’attention : à l’acte I, lorsque sous l’impulsion du diable, Faust retrouve la jeunesse, le miroir en fond de scène montre au public, malgré la cape satanique destinée à le dissimuler, comment il retire prestement moustache et perruque. Le tour de passe-passe est complètement éventé !

Côté distribution, cette production déçoit franchement. Sauf pour la voix féminine de Marguerite très vaillamment interprétée — moyennant quelques efforts de diction qui viennent en seconde partie — par la soprano Marina Rebeka. Son « air des bijoux » à l’acte III manque certes un peu de cette légèreté sopranistique mais celui de l’acte IV « Elles ne sont plus là » lui vaut une ovation largement méritée. Héloïse Mas campe un très convaincant Siebel tandis que Christine Solhosse, entendue dans le rôle de Mrs Sedley du récent Peter Grimes, devient une Dame Marthe sympathique et enjouée.

Faust. Opéra de Monte-Carlo. Photographie © Alain Hanel.

Dans le rôle-titre, Joseph Calleja nous a rendu, dès l’audition des premières mesures, ces trois heures et dix minutes pénibles : son vibrato particulièrement marqué, limite chevrotant, en fait, hélas le pendant masculin de la voix dite de « grelot » d’Anne-Catherine Gillet. Sa notice biographique prétend le comparer à Jussi Björling, Beniamino Gigli ou même Enrico Caruso : il suffit pourtant d’écouter l’enregistrement de ces trois ténors sur YouTube pour se rendre compte que ses oscillations phoniques dépassent de loin celles des trois artistes cités à l’instant. Ce désavantage produit un monolithisme sonore récurrent qui neutralise in fine l’incarnation affective et la densité émotionnelle dans l’interprétation.

Quant à Méphistophélès, chanté par le baryton-basse Paul Gay, lui aussi entendu par notre confrère dans Lakmé en janvier 2014, sa voix est certes noble mais elle frôle trop souvent le dérapage, notamment dans les médiums. Son air « Le veau d’or est toujours debout » peinerait plutôt à se relever par son manque déconcertant de souffle. Seul le baryton Lionel Lhote propose un Valentin qui tient très correctement la route. Côté diable, nous conserverons donc notre nette préférence pour l’inoubliable Mefistofele de Jean-Louis Grinda en ouverture de saison en novembre 2011.

Faust. Opéra de Monte-Carlo. Photographie © Alain Hanel.

 

Monaco, le 26 mars 2018
Jean-Luc Vannier

 

Jean-Luc Vannier, jlv@musicologie.org, ses derniers articles : Victorien Vanoosten dirige magistralement Hérodiade à l’opéra de MarseilleJosé Cura, magnifique Peter Grimes à l’opéra de Monte-Carlo Il Barbiere di Siviglia en rêve de musique à l'opéra de MarseilleLumière et ombres de l’étoile Netrebko au Grimaldi Forum de MonacoOlga Peretyatko et Juan Diego Florez réunis pour Les Contes d'Hoffmann à l'opéra de Monte-CarloGustavo Dudamel dirige sans passion la Wiener Philharmoniker à l'opéra de Monte-CarloToutes les chroniques de Jean-Luc Vannier.

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bouquetin

Lundi 26 Mars, 2018 22:48