Nathalie Stutzmann. Photographie © Simon Fowler.
Quelques jours seulement après avoir brillamment dirigé la « version de Paris » de Tannhäuser à l'opéra de Monte-Carlo, Nathalie Stutzmann proposait, samedi 4 mars salle Garnier, un récital qui, sans doute en raison de ses origines alsaciennes, conciliait le répertoire musical de l'Allemagne avec celui de la France : plusieurs Lieder de Franz Schubert, (« Fischerweise », « Sehnsucht », « Lachen und weinen », « Du bist die Ruh », « An die Laute », « Die junge Nonne », « Der Musensohn ») puis les Wesendonck Lieder de Richard Wagner (« Der Engel », « Stehe still », « Im Treibhaus », « Schmerzen », « Träume »), avant de poursuivre, après la pause, avec plusieurs mélodies de Gabriel Fauré (« Mandoline », « Clair de lune », « Nell », « Après un rêve »), d'Ernest Chausson (« Sérénade italienne », « Les papillons », « Les heures », « Le temps des lilas ») et de Claude Debussy (« Les cloches », « Fleurs des blés », « La chevelure », « La mer est plus belle »).
Accompagnée au piano par Inger Södergren (superbe palette de couleurs interprétatives nonobstant un jeu couvrant parfois la voix), Nathalie Stutzmann nous a gratifié d'une ligne de chant des plus élégantes : timbre agréable, ton juste, variété de belles nuances puisant dans une authentique inspiration pour atteindre des aigus doux et lumineux ou sombrer avec une délicatesse raffinée dans des graves tout aussi savamment maitrisés. Son interprétation de « Du bist die Ruh » de Franz Schubert tout comme celle de « Stehe still » de Richard Wagner ou celle de « Les heures » d'Ernest Chausson lui permettent de déployer un riche éventail d'intonations particulièrement émouvantes et empreintes d'un intimisme fiévreux. Une performance remarquable qui eût été proche de la perfection si de récurrentes faiblesses n'avaient pas gêné l'articulation de l'allemand. Sans doute une voix de contralto, fût-elle aussi magnifique que celle de Nathalie Stutzmann, aura-t-elle tendance aux rondeurs envoûtantes, à l'enveloppement séducteur des syllabes. La langue de Goethe ne requiert-elle pas davantage un séquençage phonique ?
Inger Södergren. Photographie © Opéra de Monte-Carlo.
C'est sous de vifs applaudissements que Nathalie Stutzmann a offert trois étonnants bis au public monégasque : « Plaisir d'amour » de Jean-Paul-Égide Martini (1741-1816) dont la contralto a souhaité rappeler l'origine baroque, son répertoire favori, puis, encore plus à l'aise, une interprétation, marquée par une ironie mordante à l'adresse de l'audience, de « J'ai deux amants » extrait de la comédie musicale L'amour masqué de Sacha Guitry et d'André Messager (1853-1929) et, enfin, dans un registre d'une intensité souffrante, le célèbre tango-habanera instrumental, complété en 1935 avec des paroles de Jean Vernay, avec le titre de « Youkali » de Kurt Weill.
Monaco, le 5 mars 2017
Jean-Luc Vannier
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