Né Schultheiss, ce fils de pasteur luthérien latinisa son nom en Praetorius et s'imposa rapidement comme un esprit universel : grand érudit, théoricien réputé, expert recherché, organiste et compositeur, il fut tout cela à travers une vie bien remplie qui le conduisit à voyager beaucoup sur les terres germaniques et à occuper des postes enviables dans diverses régions allemandes. Il fut surtout un compositeur extrèmement prolifique, et qui plus est très éclectique.
Bien sûr, ce saint homme – il était profondément religieux et, avant de disparaître, souhaita que l'essentiel de sa fortune aille à une fondation pour les pauvres - a surtout œuvré pour la musique vocale sacrée : pour ne prendre qu'un exemple, nous citerons son recueil Musae Sionae qui réunit la bagatelle de plus de mille deux cents chorals luthériens. Mais, Dieu merci, bien avant de mourir à la tâche, il eut le temps d'écrire quelques œuvres instrumentales marquantes.
Terpsichore (1612)
Dans ce vaste recueil, cinq ans avant le Banchetto musicale de Schein, Praetorius fait déjà « acte de mémoire vis-à-vis d'un répertoire ancré dans les traditions chorégraphiques de la Renaissance finissante. Plus précisément, Terpsichore est un codex qui renvoie à des pratiques musicales en passe de disparaître au moment de la publication de l'ouvrage . »1
Il y regroupe en effet , à travers un travail de collecteur quasi-encyclopédique, plus de trois cents danses (Bransles, Gaillardes, Passamezzi, Volte et autres Ballets) écrites pour quatre, cinq et six voix, et parvient à en faire une somme chorégraphique étonnante, d'où émane un enivrant parfum rustique. On comprend mieux à leur écoute le soin que mettent certains commentateurs à souligner que Praetorius est un compositeur non seulement fécond et imaginatif, mais en même temps nullement rébarbatif.
Danses extraites de Terpsichore
New London Consort / Philip Pickett
Bransles doubles 2 & 3 (6) à 5 ; Bransle Gentil (13) à 4 ; Passamezze pour les cornets (288) à 6 ; La Rosette (59) à 4 ; Courante (47) à 5 La Fenice / Jean Tubéry
Pavane de Spaigne (30) à 4 ; Spagnoletta (27) à 4 ; La Canarie (31) à 4 ; La Bouree (32) à 5
Ricercar Consort / Philippe Pierlot
Ballet de la Reine (253) à 4 La Bande des Luths /Philippe Malfeyt
Pièces pour orgue
Publiées en 1610 et 1611, ces pièces sont au nombre de dix seulement : quatre sur des chorals allemands et six sur des hymnes latines. Ces dernières, caractérisées par une belle polyphonie, n'ont rien de spectaculaire qui puisse « épater le bourgeois », sauf peut-être l'impressionnante conclusion du huitième verset de l'hymne A Solis ortus cardine. En revanche, si elles exigent parfois beaucoup de l'auditeur, les quatre pièces sur des chorals luthériens – surtout Christ unser Herr et Ein' feste Burg - en imposent vraiment par leur gigantisme et leur puissance.
Notes
1. Roger Tellart, dans « Diapason » (485) octobre 2001.