Avouons-le : après Bach, Haendel et Telemann, on a quelque mal à prendre en considération des musiciens qui pourtant, en leur temps, jouirent d'une réputation enviable, et souvent largement justifiée, dans cette Allemagne extrèmement morcelée où chaque cour princière, chaque ville digne de ce nom, entendait s'attacher les services des meilleurs. Outre Fischer et Weiss, nous en citerons six qui, à défaut d'être habités par le génie, brillèrent d'un éclat particulier, le plus souvent dans une mouvance artistique qu'on est tenté de qualifier de « telemannienne ». Ces musiques sont en effet particulièrement riches en couleurs, ce qui fait dire que, décidément, ce baroque allemand fut un vrai paradis pour les souffleurs de tout poil, à la flûte, au hautbois, au chalumeau, au basson comme au cor. Elles se signalent aussi, très largement, par un entrain et une énergie qui en font des œuvres plus pétillantes que profondes, d'un baroquisme étincelant, parfois à la limite de la frénésie instrumentale. Il est vrai qu'une part non négligeable de ce répertoire s'adressait à une formation d'exception, le fameux orchestre de Dresde, qui eut par ailleurs quelques grands « fournisseurs » étrangers comme Vivaldi et Veracini, une formation dont il n'était surtout pas question de sous-estimer les super-solistes.
Christoph Graupner (1683-1760), né en Saxe, passa lui aussi par la Thomasschule de Leipzig, puis séjourna à Hambourg comme claveciniste avant d'être appelé à la cour de Darmstadt où il allait occuper la fonction de Kapellmeister de 1712 à sa mort. « Le musicien n'était sans doute pas sans qualités puisqu'il fut choisi pour le cantorat de Saint-Thomas de Leipzig en 1723 ; mais il préféra rester à Darmstadt, moyennant une coquette augmentation de salaire, laissant ainsi la voie libre à un certain Bach... D'un immense corpus de pages instrumentales, de cantates sacrées et d'opéras, se dégage l'image d'un compositeur productif, très au fait des modes et des innovations mais sans génie propre. »1 Pour certains, cet ami de Telemann n'aurait guère produit que du « sous-Telemann ». Pourtant, dans nombre de ses symphonies, ouvertures, concertos ou autres sonates instrumentales, il n'est pas rare de trouver des pages hautement estimables, et surtout — une fois de plus — riches en couleurs diverses, qui ne peuvent que réjouir les amateurs de sonorités rares (chalumeau, hautbois d'amour, etc.) et d'alliages instrumentaux originaux. Quant aux plus curieux des amateurs de clavecin, ils pourraient bien, au détour de telle ou telle des quarante Partitas laissées par Graupner, dénicher quelques petits bijoux.
Christoph Graupner, Ouverture en ré majeur, I. Ouverture, II. Air, Allegro, Antichi Strumenti.1. Macia Jean-Luc, dans « Diapason » (412), février 1995.
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Samedi 30 Mars, 2024