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La soprano Annick Massis
ovationnée dans « La Sonnambula »
de Bellini à l'Opéra de Monte-Carlo

Par Jean-Luc Vannier

Annick Massis (Amina), Celso Albelo (Elvino), et le maestro Antonino FoglianiAnnick Massis (Amina), Celso Albelo (Elvino), et le maestro Antonino Fogliani. Pḧotograhie © Opéra de Monte-Carlo.

Tempête de grêle sur l'Auditorium Rainier III de Monaco. Peu importe : il s'agit, ce dimanche 24 février, d'entendre à l'Opéra de Monte-Carlo la soprano française Annick Massis dans une version de concert de « La Sonnambula » de Vincenzo Bellini. Invitée depuis longtemps des grandes scènes internationales, plus présente en Europe ces dernières années, Annick Massis a déjà enchanté le public des Alpes-Maritimes à deux reprises : elle a relevé, en janvier 2009 à l'Opéra de Nice, le périlleux défi d'interpréter dans d'inoubliables « Contes d'Hoffmann » mis en scène par Paul-Emile Fourny et sous la direction musicale d'Emmanuel Joël-Hornak, les quatre rôles féminins d'Olympia, d'Antonia, de Giulietta et de Stella. En janvier de l'année passée, elle a ébloui la scène monégasque dans « L'enfant et les sortilèges » de Maurice Ravel produit par l'Opéra de Monte-Carlo et Jean-Louis Grinda où elle chantait le « Le feu », « La Princesse » et « Le Rossignol ». La pureté cristalline de ses vocalises lui avait valu une ovation.

Karine Ohanyan (Teresa), Annick Massis (Amina), Celso-Albelo-(Elvino), et le maestro Antonino FoglianiKarine Ohanyan (Teresa), Annick Massis (Amina), Celso Albelo (Elvino),
et le maestro Antonino Fogliani. Pḧotograhie © Opéra de Monte-Carlo.

Dans cet opéra en deux actes du compositeur catanese étayé sur un livret de Felice Romani et créé au Teatro Carcano de Milan le 6 mars 1831, l'intrigue reste sommaire mais originale : le somnambulisme féminin — nous ne sommes pas très éloignés des symptômes hystériques puisqu'il s'agit dans les deux cas de femmes amoureuses — tisse puis dénoue la menace qui pèse sur l'idylle de futurs époux. Une œuvre d'un raffinement musical contemporain de son rival Donizetti : certains airs de « La Somnambule » sont parfois interprétés comme ceux de la folie du « Lucia di Lammermoor ». Mais une architecture qui annonce aussi la trilogie verdienne vingt ans plus tard : en témoigne la ressemblance saisissante entre l'ultime scène de l'acte I dans l'ouvrage de Bellini — valse lente et polyphonie vocale sur la « trahison » supposée d'Amina — et, semblant directement s'en inspirer, le « Largo concertato » qui entrelace les chœurs et les voix dans le « finale » du second tableau de l'acte II de « La Traviata ».

annick massisAnnick Massis (Anima). Photographie © Gianni Ugolini

Parlons en premier lieu de la direction musicale — exemplaire paraît l'adjectif adéquat — d'Antonino Fogliani : celui qui est aujourd'hui le directeur du Festival Rossini de Bad Wilbad, emporte dans son enthousiasme et sa rigueur l'orchestre philharmonique de Monte-Carlo. Sa gestuelle inventive, aérienne mais précise gouverne les musiciens, guide les artistes et conduit les chœurs de l'Opéra de Monte-Carlo avec une méticulosité qui ne cède en rien à l'inspiration. Ni à une certaine forme d'empathie démonstrative avec les chanteurs suscitée par le lyrisme de la partition. Une famille de musiciens : le bambin sanglé dans son costume qui occupait le siège voisin de l'auteur de ces lignes et battait avec ses pieds ou exécutait déjà des mouvements de la main pour accompagner de loin le maestro n'était autre que son fils.

Antonino Fogliani (Direction musicale)Antonino Fogliani (Direction musicale). Pḧotograhie © Opéra de Monte-Carlo.

La prestation d'Annick Massis dans le rôle d'Amina est tout simplement éblouissante. La soprano puise avec l'indescriptible aisance que lui offre sa large tessiture dans toutes les subtilités de l'art lyrique : vocalises souples et gracieuses dès la scène 3 de l'acte I avec « le cœur de ma mère se réjouit de bonheur », puissance vocale plus affirmée dans son duo d'amour avec Elvino qui se termine par un « Addio » extatique suraigu complètement sous contrôle, douloureuse imploration nourrie d'un médium mélancolique interprétant « je ne suis coupable ni en pensées… », après avoir été découverte endormie dans le lit du comte Rodolfo. Mais c'est évidemment dans son grand air de l'acte II où elle exécute la plainte hypnotique de son défunt amour « Ah! non credea mirarti » (je ne croyais pas voir si tôt les fleurs fanées) avec une telle intensité dramatique, une telle richesse de nuances phoniques et d'accents voluptueux qu'elle triomphe : la soprano reçoit une ovation passionnée du public qui la condamne au bis immédiat. Suivi d'une nouvelle acclamation encore plus enthousiaste. Dans l'attente des applaudissements, nombreux rappels et autres « ovations debout » dont elle sera l'objet à l'issue de la représentation.

Celso Albelo (Elvino). Photographie © D. R.

L'indéniable qualité des deux autres personnages féminins soutient le niveau de cette production. Dans celui de l'aubergiste Lisa, la soprano Alessandra Marianelli possède tous les atouts d'une très belle voix lyrique. Elle interprète son air à l'acte II « je vous remercie de vos bons vœux » avec une déconcertante agilité. Ses quelques aigus un peu métalliques et ses vocalises parfois un peu sèches ne demandent qu'à s'améliorer : ce qui ne devrait pas poser de difficultés lorsque l'on a 26 ans. La mezzo-soprano d'origine arménienne Kahine Ohanyan chante avec distinction et grâce le rôle maternel de Térésa.

Le maestro Antonino Fogliani, Karine Ohanyan (Teresa), Annick Massis (Amina), Celso Albelo (Elvino), Alessandra Marianelli-(Lisa), In Sung Sim (Le-Comte-Rodolfo), Gabriele Ribis (Alessio).Le maestro Antonino Fogliani, Karine Ohanyan (Teresa), Annick Massis (Amina), Celso Albelo (Elvino), Alessandra Marianelli-(Lisa), In Sung Sim (Le Comte Rodolfo),
Gabriele Ribis (Alessio). Pḧotograhie © Opéra de Monte-Carlo.

Les caractères masculins sont plus contrastés. Dans celui d'Elvino, Celso Albelo, que nous avions beaucoup apprécié fin décembre au Deutsche Oper de Berlin dans le rôle d'Edgardo, a rencontré, tout au long du premier acte, des difficultés de justesse dans le ton et de fragilité dans le vibrato. Il revenait ce dimanche à la scène après une courte absence due, paraît-il, à des problèmes de santé. Le ténor espagnol s'est nettement repris dans le second acte : ses deux grands airs « tu peux te repaître de mes malheurs » et « pourquoi ne puis-je te haïr ? » ont compensé — les applaudissements en témoignent — ses défaillances initiales. La basse sud-coréenne In-Sung Sim campe un magnifique Comte Rodolfo aux graves puissants mais dont le timbre reste monolithe. Le baryton Gabriele Ribis (Alessio) n'est pas toujours audible. Les chœurs de l'Opéra de Monte-Carlo ont pris une large part à cette mémorable performance. Malgré l'absence de mise en scène et de décors, cette « Sonnambula » monégasque fut, grâce aux incontestables talents lyriques d'Annick Massis, une magnifique illustration de toute la puissance suggestive d'une voix.

 

Nice, le 25 février 2013
Jean-Luc Vannier

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