Dutilleux Henri
1916-2013

Né à Angers le 22 janvier 1916, mort à Paris le 22 mai 2013..
L'un de ses grands-pères, Constant Dutilleux est peintre, ami avec Delacroix et Corot. Julien Koszul (1844-1927), le grand-père maternel est compositeur et organiste, proche de Gabriel Fauré. Il est directeur du Conservatoire de musique de Roubaix, où il a Roussel comme élève.
Réfugiée en Maine et Loire pendant la Première Guerre mondiale, sa famille retourne à Douai après l'armistice.
Il suit les cours de Victor Gallois au Conservatoire de Douai. En 1933 il entre au Conservatoire de Paris où il obtient le premier prix d'harmonie en 1935 dans la classe de Jean Gallon. En 1936, dans la classe de Noël Gallon il emporte de premier prix de contrepoint et de fugue.
Il suit les cours d'histoire de la musique de Maurice Emmanuel, ceux de direction d'orchestre avec Philippe Gaubert et de composition avec Henri Büsser.
En 1938, il obtient un second prix de composition et le Premier Grand Prix de Rome avec la cantate l' Anneau du Roi.
À cause de la guerre, il ne séjourne que quatre mois à la Villa Médicis de Rome. En 1941, Claude Delvincourt crée une Sarabande aux Concerts Pasdeloup. En 1942 il crée ses Quatre Mélodies et sa Danse fantastique pour orchestre. La même année il est nommé chef de chant à l'Opéra de Paris.
Pendant la guerre il étudie le traité de composition de Vincent d'Indy, et découvre les musiques de Stravinsky et de Roussel. Mais il n'adhère ni au sérialisme ni à la musique de Bartok.
En 1943 il crée la Sonatine pour flûte et piano, et jusqu'en 1944 il est chef de chant à la Radio. Il crée La Geôle, mélodie avec orchestre sur un poème de Jean Cassou.
De 1945 à 1963 il est responsable du service des illustrations musicales à la Radio. Il compose de nombreuses pièces destinées à la radio qu'il refusera de publier, ne voulant pas les sortir de leur contexte initial.
Il épouse en 1946, la pianiste Geneviève Joy, pour laquelle il compose ses œuvres pour piano.
En 1951, Roger Désormière crée sa Première symphonie à la tête de l'Orchestre national. Roland Petit crée en 1953 le ballet Le Loup sur un argument de Jean Anouilh et Georges Neveux. En 1954, il crée les Trois Sonnets de Jean Cassou, pour baryton et orchestre, et Charles Münch crée sa Seconde symphonie avec l'Orchestre symphonique de Boston qui fête son 75e anniversaire.
En 1961 il est appelé par Alfred Cortot à la classe de composition de l'École normale de musique.
En 1965, pour le 40e anniversaire de l'Orchestre de Cleveland, George Szell dirige ses Métaboles. La même année une maladie des yeux le force à ralentir sa production. En 1966 il donne des conférences au Liban.
Il reçoit en 1967 le Grand prix national de la musique pour l'ensemble de son œuvre.
En 1970, Mstislav Rostropovitch crée Tout un monde lointain... pour violoncelle et orchestre. La même année il est nommé professeur au conservatoire de Paris, poste qu'il quitte en 1984. Il est plusieurs années durant secrétaire de la section française de la Société internationale de musique contemporaine (S.I.M.C.). Il est souvent invité à enseigner dans des cours d'été.
En 1973 il est membre associé de l'Académie Royale de Belgique, en 1981, membre honoraire de l'American Academy and Institute of Arts and Letters de New York. La même année il donne des conférences au Royal College de Londres.
En 1982 il est au Japon et en Corée où il donne des conférences aux Universités de Tokyo, de Kyoto et de Séoul.
Henri dutilleux photographié par une de ses étudiantes le 5 novembre 1983 (Collection privée).
Il reçoit en 1983 le Grand Prix international du Disque à Montreux. L'année suivante il donne des cours au Conservatoire de Genève (1984)
En 1985 Lorin Maazel crée l' Arbre des Songes, concerto pour violon et orchestre au Théâtre des Champs-Élysées
En 1987, reçoit le Prix International Maurice Ravel et le Prix du Conseil International de la Musique, il intervient à l'Académie Sibelius à Helsinki et à la Juilliard School de New York.
En 1989, il donne à Zurich le Mystère de l'instant, en 1991, au Festival de Besançon, les Citations.
En 1993 il est reçu membre membre honoraire de l'Academia Nazionale Santa Cecilia, en 1994 il reçoit au Japon le Prix Praemium Imperial. En 1995, il est en résidence au Tanglewood Music Center. En 1996 il est reçu membre de la Royal Academy of Music de Londres. En 1997, Seiji Ozawa crée à Boston The Shadow of Time. qui est récpomprnsé en 1998 par le « Royal Philharmonic Society Awards ». La même année il devient membre de la « Bayerishe Akademie der Schönen Künste » de Munich. La même année il est de nouveau en résidence au Tanglewood Music Center. En 1999 il reçoit le Grand Prix international de la critique musicale.
Le Prix international Ernst von Siemens lui a été attribué en janvier 2005.
Exemplaire du quatuor à cordes Ainsi la nuit,
signé par Henri Dutilleux (Collection privée).


Catalogue des œuvres
- 1938, L'Anneau du roi (scène lyrique, sur un poème de E. Vollène)
- 1941, Sarabande, pour orchestre.
- 1941- 1942, 4 mélodies sur des poèmes de R. Genty, E. Borsent, A. de Noailles, A. Bellessort, pour baryton ou mezzo soprano, piono ou orchestre.
- 1941-1942, Arrangement pour 1 voix et orchestre Des fleurs font une broderie, d'Albert Roussel.
- 1942, Sarabande et cortège, pour basson et piano
- 1943, Sonatine, pour flûte et piano
- 1943, Danse fantastique, pour orchestre.
- 1944, Petite lumière et l'ourse, pièce radiophonique d'A. Arnoux.
- 1944, La geôle, sur un poème de Jean Cassou, pour baryton ou mezzo soprano et piano ou orchetre.
- 1944, Arrangement pour ténor, baryton et orchestre de Prière pour nous autres charnels de Jehan Alain.
- 1945, Musique de scène pour Les hauts de Hurlevent, de M.-L. Villiers, d'après Wuthering Heights d'E. Brontë.
- 1945, Chanson de la déportée, sur un poème de J. Gandrey-Réty, pour mezzo-soprano et piano.
- 1946, Musique de scène pour La princesse d'Elide de Molière.
- 1946, Au gré des ondes, six petites pièces pour piano
- 1946-1944, 3 sonnets de Jean Cassou, pour baryton et piano ou orchestre.
- 1947, Sonate pour piano
- 1947, Sonate, pour hautbois et piano
- 1948, Sonate pour piano
- 1948, musique de scène pour Monsieur de Pourceaugnac, de Molière.
- 1950, Choral, Cadence et Fugato, pour trombone et piano
- 1950, Chansons de bord [10], arrangement à 3 voix de chants de marins, pour chœur d'enfants.
- 1951, Symphonie n° 1
- 1952, Musique de scène pour Hernani, de Victor Hugo.
- 1953, Les Loups, ballet sur un argument de Roland Petit, d'après Jean Anouilh et Gilbert Neveu, créé au Théâtre de l'Empire à Paris le 18 mars 1953.
- 1956; Serenade, pour La couronne de Marguerite Long, pour orchestre.
- 1959, Symphonie n° 2 «Le Double», pour grand orchestre et orchestre de chambre, commande de la Fondation Koussevitzky pour le Boston Symphony Orchestra, sous la direction de Charles Munch
- 1961, Tous les Chemins, pour piano
- 1963, Bergerie, pour piano.
- 1963, San Francisco Night, sur un poème de P. Gilson, pour mezzo-soprano et piano.
- 1965, Métaboles pour orchestre, commande du Cleveland Symphony Orchestra sous la direction de George Szell
- 1964, Résonances, pour piano
- 1970, Figures de résonances, pour deux pianos
- 1970, Tout un Monde lointain, Concerto pour violoncelle, commande de Rostropovitch
- 1976, Trois Strophes sur le nom de Sacher, pour violoncelle solo
- 1976-1977, Ainsi la Nuit, pour quatuor à cordes, commande de la Fondation Koussevetzky pour le Juilliard String Quartet
- 1977, Timbres, Espace, Mouvement, ou «La Nuit étoilée», commande du National Symphony Orchestra de Washington ous la direction de Rostropovitch (1978),
- 1973-1988, Trois Préludes, pour piano
- 1985, L'arbre de Songes, concerto pour violon et orchestre, commande de l'Orchestre National de France pour Isaac Stern (violon), sous la direction de Lorin Maazel
- 1989, Mystère de l'instant, commande de Paul Sacher pour le Collegium Musicum Zurich
- 1985-1990, Diptyque «Les Citations», pour hautbois, clavecin, contrebasse et percussions
- 1997, The Shadows of Time, pour orchestre et trois voix d'enfants, commande du Boston Symphony Orchestra, créés sous la direction de Seiji Ozawa.
- 2002, Sur le même accord, nocturne pour violon et orchestre dédié à Anne-Sophie Mutter
- 2003-2004, Correspondances pour voix et orchestre, commande de l'orchestre philharmonique de Berlin sous la direction de Simon Rattle, dédiées à Dawn Upshaw
Bibliographie
- DUTILLEUX HENRI & GLAYMAN CLAUDE, Mystère et mémoire des sons : entretiens avec Claude Glayman. Belfond, Paris 1993
- Ainsi Dutilleux. Miroirs, Lille, 1991 (17 fascicules et 1 cd)
- HUMBERT D., Henri Dutilleux : l'œuvre et le style musical. Champion-Slatkine, Paris-Genève 1985
- MARI P., Henri Dutilleux. Zurfluh, Paris 1988
Discographie
Dutilleux, Piano Works, Jean-Pierre Armengaud, sonate, Le loup, 3 préludes. Grand Piano 2021 (GP 790).
Enregistré les 30 août et 19 octobre 2020, 10 janvier 2021, Malakoff.
[+...] Lire la présentaiton et un entretien avec Jean-Pierre Armengaud
Henri Dutilleux, Musique de chambre : Sarabande et cortège, Sonatine, Sonate, Choral cadence et fugato, 3 Strophes sur le nom de Sacher, Les Citations. Hérisson 2017 (LH15).
Lire la présentation de Jean-Marc Warszawski.
Maroussia Gentet (piano), Henri Dutilleux (Sonate, Préludes), Karol Szymanwski (Masques, opus 34). Passavant 2016 (PAS 116238).
Enregitré en juillet 2016, au studio Passavant Music.
[+] Lire laprésentation pas Jean-Marc Warszawski
Henri Dutilleux (1906-2013), Pages de jeunesse. Pascal Godard (piano), Daniel Breszynski (trombone), Alexandre Gattet (hautbois), Vincent Lucas (flûte), Marc Trenel (basson). Indésens 2016 (INDE 087).
Lire une présentation détaillée
Dutilleux
Tout un monde lointain
L'arbre des songes
3 stropphes sur le nom de Sacher
Truls Mørk, violoncelle
Renaud Capuçon, violon
Orchestre philharmonique de Radio-France
Myung-Whun Chung, dir
Virgin, 2002
Hommage pour les 80 ans d'Henri Dutilleux
Erato
: 0630-1-14068, 1988-1994 (3 cd)
disque 1 : 01 -04 Symphonie n° 1 ; 05-07 Symphonie n° 2 Le Double : Philippe Haiche, Joseph Ponticelli violin — Jean Dupouy alto — Etienne Peclard cello — Michel Benet oboe — Pascal Moragues clarinet — André Sennedat bassoon — André Chpelitch trumpet — Yves Demarle trombone — Jacques Rémy timpani — Richard Siegel harpsichord ; Orchestre de Paris, Daniel Barenboim, dir
Disque 2 : Mystère de l'instant, for strings, cymbalum and percussion (Dedicated to Paul Sacher) : 01 . Appels - 02 - Echos - 03 - Prismes - 04 - Espaces lointains - 05 - Litanies - 06 - Choral - 07 - Rumeurs - 08 - Soliloques - 09 - Métamorphoses sur le nom de SACHER - 10 - 10. Embrasement ; Collegium Musicum Zürich, Paul Sacher, dir
Métaboles ( Dedicated to George Szell ) : 11 - Incantatoire ( Larcamente ) - 12 - Linéaire ( Lento Moderato) - 13 - Obsessionnel ( Scherzando ) - 14 - Torpide (Andantino) - 1. Flamboyant ( Presto )
Timbres, Espace, Mouvement ou « La nuit Étoilée (Dedicated ta Mstislav Rostropovich and in memory of Charles Münch) : 16 - Premier mouvement « Nébuleuse » - 17 - Deuxième mouvement « Constellations » ; Orchestre National de France, Mstislav Rostropovich, dir
Les citations, Diptych for oboe, harpsichord, double-bass and percussion : 18 - For Aldeburgh 85 - 19 - From Janequin to Jehan Alain. Maurice Bourgue oboe — Huguette Dreyfus harpsichord — Bernard Cazauran double-boss — Bernard Bolet percussion
Disque 3 : 01-03 Sonate, Geneviève Joy piano ; 04-07 Figures de résonances for 2 pianos : Geneviève Joy, Henri Dutilleux pianos ; 3 Préludes : 08 - D'ombre et de silence - 09 - Sur un même accord - 10 - Le jeu des contraires. Geneviève Joy piano ; 3 Strophes sur le nom de sacher for unaccompanied cello : 11 - I - Un poco indeciso - 12 - Il - Andante sostenuto - 13 - III - Vivace. David Geringas cello ; Ainsi la nuit, for string quartet : 14 -Introduction I Nocturne - 15 - Parenthèse 1 II - Miroir d'espace - 16 - Parenthèse 2 III - Litanies - 17 - Parenthèse 3 IV - Litanies - 18 - 2 Parenthèse 4 - V - Constellations - VI - Nocturne 2 - VII - Temps suspendu. Quatuor sine nomine : Patrick Genet, François Gottraux violin ; Nicolas Poche viola ; Mars Jaermann cello ; 2 Sonnets de Jean Cassou, for boritone and piano : 19 - Il n'y avait que des troncs déchirés - 20 - J'ai rêvé que je vous portais entre mes bras. Gilles Cachemaille baritone - Henri Dutilleux, piano
Henri Dutilleux dialogue avec des lycéens (AFP/2 mai 2007)
« Très impressionnant », « extrêmement émouvant »: lycéens et enseignants sont au diapason après une rencontre rare avec Henri Dutilleux, 91 ans, l'un des plus grands compositeurs de son temps, à l'honneur de concerts jeune public à la Salle Pleyel à Paris.
Deux jours de suite en ce début mai, l'Orchestre de Paris et les Jeunesses musicales de France ont convié le maître à parler, exemples musicaux à l'appui, de deux de ses œuvres majeures, sur le thème des « correspondances ».
Dès son entrée en scène, appuyé sur sa canne, le compositeur est longuement ovationné par un parterre d'élèves de la troisième à la terminale, venus d'une douzaine d'établissements d'Ile-de-France.
Assis dans un fauteuil à la droite du chef d'orchestre Alain Pâris, Henri Dutilleux évoque la genèse de « Timbres, espace, mouvement », la pièce que lui a inspirée en 1978 « La nuit étoilée » de Van Gogh.
« J'ai pensé que mon point de départ pouvait être cette toile, mais sans vouloir faire de l'illustration car il faut se garder de faire de l'art sur l'art », explique le compositeur, alors que la peinture est projetée sur un mur de la salle.
L'oeuvre est orchestrée de façon très originale, sans violons ni altos mais avec un nombre de violoncelles et contrebasses inhabituel. « Mon but était de créer une impression de vide à l'intérieur de l'orchestre, raconte Henri Dutilleux. Sur la toile, tout est dans le ciel, avec ces onze astres impressionnants. J'ai voulu marquer cela ».
« Nébuleuse », le premier mouvement de « Timbres, espace, mouvement », impose un climat sombre et inquiet. Le compositeur s'en explique avec cette clarté qu'il s'emploie à mettre dans sa musique.
« Parfois, en m'étendant dans un pré, par une longue nuit d'été, et en admirant la voûte céleste - cette chose tellement impressionnante, qui continue à m'intriguer -, j'ai pu avoir ce sentiment d'angoisse. Cela fait aussi partie de mon tempérament », confie-t-il.
Le maître, d'une courtoisie et d'une humilité infinies, s'excuse de devoir chercher le titre d'un de ses chefs-d'oeuvre (« Tout un monde lointain... ») - « la fatigue, à mon âge » - mais se souvient très bien des termes d'une lettre de Van Gogh citée dans ses « Correspondances » pour voix.
Dans cette oeuvre, la soprano Sandrine Piau dialogue avec le célesta en une vocalise descendante d'une grande sensualité, dont le motif est justement emprunté à « Timbres, espace, mouvement », en un jeu de correspondances dont Henri Dutilleux a le secret.
A la sortie, le public est aux anges. « C'était extrêmement émouvant, j'étais à la limite de pleurer. Mes élèves ne vivront pas une telle expérience deux fois avec un compositeur de cette envergure », estime Soizic Sourisse, professeur d'éducation musicale au lycée Janson-de-Sailly à Paris.
« Au départ, cette musique était un peu étrange pour moi. Mais j'ai trouvé ce concert très impressionnant », témoigne son élève Méghan Rasoloarindresy, 17 ans.
Répondant en coulisses avec une grande gentillesse aux sollicitudes, le compositeur dit à l'AFP son bonheur au contact des jeunes, « qui ont beaucoup de fraîcheur ».
« Ce sont des expériences que j'aime beaucoup: grâce à elles, on évite les préventions contre la musique de notre époque. C'est important car on ne peut pas laisser la musique dans un musée », souligne-t-il.
Jean-Marc Warszawski
19 décembre 2005-16 mars 2022
À propos - contact | S'abonner au bulletin | Biographies de musiciens | Encyclopédie musicale | Articles et études | La petite bibliothèque | Analyses musicales | Nouveaux livres | Nouveaux disques | Agenda | Petites annonces | Téléchargements | Presse internationale | Colloques & conférences | Collaborations éditoriales | Soutenir musicologie.org.
Musicologie.org, 56 rue de la Fédération, 93100 Montreuil. ☎ 06 06 61 73 41..
ISSN 2269-9910.
Mercredi 26 Novembre, 2025

