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musicologie

16 février 2017, par Jean-Marc Warszawski ——

Dutilleux et Szymanowski sous les doigts de Maroussia Gentet

Maroussia Gentet (piano), Henri Dutilleux (Sonate, Préludes), Karol Szymanowski (Masques, opus 34). Passavant 2016 (PAS 116238).Maroussia Gentet (piano), Henri Dutilleux (Sonate, Préludes), Karol Szymanowski (Masques, opus 34). Passavant 2016 (PAS 116238).

Enregitré en juillet 2016, au studio Passavant Music.

Maroussia Gentet est une jeune pianiste, équidistante de vingt et de trente, passée par le Conservatoire national supérieur de Lyon sous la direction de Géry Moutier, l'École normale de Paris avec Rena Shereshevskaya, et le Conservatoire national supérieur de Paris avec Claire Désert.

Elle a fait ses armes dans divers concours dont certains d'importance, en France, en Allemagne, en Italie, et continue à aiguiser ses griffes dans un début de carrière récitaliste, qui l'a conduite à ouvrir le concert d'hommage du Philharmonique de Radio France à Henri Dutilleux, dont on fêtait en 2016, le centième anniversaire.  Marousia Gentet dit en pincer pour les musiques des xxe et xxie siècles, particulièrement pour celles de Dutilleux.

Soutenue au fil des années par diverses fondations, elle est depuis peu lauréate de la fondation Blüthner, et dans ce cadre a donné un récital au Goethe Institut de Paris le 24 janvier dernier.

Ce cédé présente un beau et ambitieux programme d'œuvres de deux compositeurs attachés à la forme classique, mais aussi dans l'héritage ou sous influence de Fauré, Debussy, voire Ravel, héritage revu, corrigé, réinvesti par de fortes et originales personnalités.

Bien qu'Henri Dutilleux ne fît pas grand cas de sa sonate, créée en 1948 par Geneviève Joy, son épouse, l'œuvre a été rapidement adoptée par les pianistes qui en ont fait un classique du répertoire dont on aime entendre le caractère orchestral, voire les percussions au début. Ses trois préludes, composés respectivement 1973, 1977 et 1988 sont dédiés à Arthur Rubinstein, Claude Helffer, Eugène Istomin. On retrouve dans la première quelque chose de la cinquième des Image de Debussy, le second déborde d'imagination pour varier un accord (sol, si, fa♯, si♭), le dernier composé pour le concours William Cappel, pleure peut-être, particulièrement dans son épilogue, la mort de ce grand pianiste mort en 1953 dans un accident d'avion.

Szymanowski est à la fois, comme compositeur, le grand successeur de Chopin et le fondateur de la modernité musicale polonaise. C'est une formidable idée, une idée très musicale, d'avoir joint les Masques à ce programme.

On aime entendre ces œuvres comme issues d'une période méditerranéenne du compositeur, avec Shéhérazade ou Don Juan (espagnol), on peut en effet entendre quelques orientalismes dans l'une et l'autre de ces pièces.  « Tantris » quant à lui est l'anagramme de  Tristan. En fait le thème de ces pièces est la tromperie, le masque, celui de Shéhérazade, accusée d'adultère et qui sauve sa vie en racontant des histoires, celles des Mille et une nuits, celui de Don Juan, à la réputation de séducteur rusé, chantre de la vie mais provoquant la mort, Tristan se déguisant pour rejoindre sa bien-aimée Isolde.

La sérénade de Don Juan, dédiée à Artur Rubinstein, a été composée en 1915, comme Tetris le bouffon, dédié à Harry Neuhaus. Shéhérazade, composée en 1916, est dédiée à Sasha Dubyansky, qui a créé les Masques à Saint-Pétersbourg la même année. Szymanowski, qui qualifiait ces pièces de quasi parodiques, aimait les jouer, il les a enregistrées en 1935. Ce sont des œuvres difficiles (le piano de Szymanowski n'est pas en général facile), très contrastées, avec des plans sonores complexes, correspondants certainement à la complexité de la relation des personnages et de leur masque.

Il est évident que Marousia Gentet, qu'on espère moins nationaliste que la Marousia du célèbre roman de Marko Vovtchok, a les moyens de ses ambitions.

Karol Szymanowski, Shéhérazade, extrait de la plage 7.

Maroussia Gentet au Goethe Institut de Paris, 24 janvier 2017. Photographie © Jean-Marc Warszawski.Maroussia Gentet au Goethe Institut de Paris, 24 janvier 2017. Photographie © Jean-Marc Warszawski.

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16 février 2017

1-3. Henri Dutilleux, Sonate (Allegro con moto, Lied, Choral et variations) ; 4-6. Henri Dutilleux, Préludes (D'ombre et de silence, Sur le même accord, Le jeu des contraires) ; 7-9. Karol Szymanowski, Masques, opus 34 (Shéhérazade, Tantris le bouffon, La sérénade de Don Juan).


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