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18 avril 2025 — Frédéric Léolla

Mélanges

Sexe et opéra (XII. 11) : Poliuto (Les Martyrs)

Poliuto (les martyrs)

Musique de Gaetano Donizetti, sur un livret de Salvatore Cammarano avec les arrangements d’Eugène Scribe pour en faire la version française (Les Martyrs), d’après Pierre Corneille, créé en 1848, Naples Teatro San Carlo,  1840, Opéra de Paris (Les martyrs).

Paolina (Pauline) s’est mariée avec Poliuto (Polyeucte) car elle croyait que son amoureux Severo (Sévère) était mort. Or, non seulement Severo revient tout fringant de la guerre, mais en plus Poliuto s’est fait baptiser chrétien alors que le Christianisme est banni et les chrétiens persécutés. Poliuto est donc enfermé pour être immolé. Lorsque Paolina lui rend visite avant le martyre, Poliuto en principe la rejette parce qu’elle n’est pas chrétienne (et dans la version italienne aussi parce qu’il croit qu’elle le trompe avec Severo). Mais Paolina, charmée par le Christianisme, décide de se convertir vite fait, saisissant ainsi l’occasion de devenir martyre en suivant son époux dans la mort. Fin.

Sont bien connus les déboires avec la censure de cet opéra, prévu pour Adolphe Nourrit en italien et dont la première eut lieu en français chantée par son rival Gilbert Duprez après que Nourrit, dépité et déprimé, se soit suicidé à Naples. Ce qui nous intéresse surtout ici c’est le schéma que Poliuto/Les martyrs propose : lorsque les amoureux ont deux religions différentes, le Christianisme doit dans tous les cas prévaloir. Et si cela implique la mort des amoureux, tant mieux.

Gaetano Donizetti, Poliuto, acte I, « Di tua beltade immagine » Dmitri Hvorostovsky, Philharmonia Orchestra, sous la direction de Ion Marin.

Les martyrs, opéra de Donizetti et Scribe, costume de Duprez (Polyeucte), Martinet, Paris, 1840. Les martyrs, opéra de Donizetti et Scribe, costume de Duprez (Polyeucte), Martinet, Paris, 1840.

Ce n’est pas un schéma très novateur — le livret part en effet d’une pièce d’un des grands tragédiens français du xviie siècle, Pierre Corneille, mais c’est le schéma qui était en vogue en Europe pendant tout le xixe siècle (rappelons L’ebreo d’Appolloni/Boni ou Il Guarany de Gomes/Scalvi).

Poliuto/Les martyrs est (sont ?) un opéra très appréciable, avec de très beaux moments. Mais ce n’est pas un opéra qui change le cours de l’histoire. Le livret, conforme aux us et aux goûts du public, ne pousse pas non plus le compositeur à des audaces ou des éclats de génie. Au fond, l’on pourrait trouver tout cela un chouïa saint-sulpicien.

Il est pourtant bon de l’avoir en tête au moment où l’on aborde d’autres opéras qui eux ont présenté un point de vue bien plus audacieux, notamment La juive de Halévy avec livret de Scribe d’après le sujet proposé par Halévy lui-même, ou encore la très décriée Alzira de Verdi avec un livret du même Cammarano, mais cette fois-ci d’après Voltaire.

Gaetano Donizetti, Poliuto, fina lde l'acte II, Michael Fabiano (Poliuto), Ana Maria Martinez (Paulina), Igor Golovatenko (Severo), Orchestre du festival de Glyndebourne sous la direction d'Enrique Mazzola, 2015.

plume_04 Frédéric Léolla
18 avril 2025

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