9 février 2025 — Frédéric Léolla
Da Tosca, « Bacio fra Tosca e Cavaradossi », aquarelle de Leopoldo Metlicovitz, 1900, Archivio storico Ricordi,Milano.
Musique de Giacomo Puccini, sur un livret de Luigi Illica et Giuseppe Giacosa d’après la pièce de Victorien Sardou, créée en 1900, Rome, Teatro Costanzi.
La chanteuse Floria Tosca et le peintre Mario Caravadossi sont amants dans la Rome 1800 où règne en maître le ministre de police, le sinistre Scarpia. Celui-ci, profitant de ce que Mario a aidé un prisonnier politique évadé, soumet le peintre à torture, faisant pression ainsi sur Tosca, dont Scarpia voudrait cueillir les faveurs. Celle-ci, dans un élan de rage, tue Scarpia. Mais Mario mourra à son tour, fusillé. Tosca se suicide en sautant dans le vide.
Guillermo Núñez de Prado, Tosca, novela. Casa editorial Sopena, Barcelona 1931.
Après La bohème (Puccini/Illica et Giacosa), le trio de compositeur et librettistes récidive : les protagonistes ne sont pas des fiancés, ils ne sont pas mariés, ils sont simplement majeurs, libres et amoureux, et donc ils couchent ensemble. Sans problème. Encore énorme. Certes, les deux sont « artistes », cela aide à les faire accepter, mais quand même. Bon, oui, les deux mourront à la fin de l’opéra, c’est vrai, mais on ne peut pas dire que le sexe sans mariage soit considéré comme un interdit ni par les librettistes, ni par le compositeur, ni par le spectateur. Relevons au contraire toute la sensualité de pages où la référence au sexe est évidente : le duo du premier acte, en parlant de « la nostra casetta », le lieu de rencontre des amants (d’ailleurs le terme « amante » est celui utilisé par Scarpia pour parler de Tosca et Mario), ou les phrases enflammées (« entrava ella fragrante, mi cadea fra le braccia… O dolci bacci o morbide carezze » / « elle entrait, parfumée, tombait entre mes bras… Ô doux baisers, ou caresses sensuelles ») du fameux « E lucevan le stelle ». Et la musique des deux protagonistes est à son tour emplie de cette sensualité « chaude » voire « bouillante », que Puccini sait imprimer à ses mélodies. Scarpia, avec ses phrases brutales pour décrire l’amour, nous fait presque penser que le pauvre n’a rien compris au truc, que ses moments de plaisir doivent être bien « secs », et qu’il y a dix fois plus de jouissance dans une seule minute de Tosca-Mario que dans toutes les conquêtes brutales et forcées du pauvre Scarpia.
Giacomo Puccini, Tosca, scène finale, Angela Gheorghiu, Roberto Alagna.Opéra du plaisir et de la brutalité, il est étonnant comment on retrouve dans la musique les deux conceptions de l’amour, la liberté sensuelle des amants sans interdits, Floria et Mario, tout en mélodies inspirées et chargées d’érotisme (le terme ne me semble pas trop fort, d’autant plus que le livret abonde, nous l’avons dit, en allusions au sexe) et le désir brutal, irrépressible, du bigot Scarpia, que l’on peut supposer fruit d’une éducation toute faite de double morale et de répression sexuelle transformée en désir brutal et débridé.
Frédéric Léolla
9 février 2025
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